Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
melissandre-meli
melissandre-meli
Publicité
Archives
6 avril 2000

A la recherche d'un job

Dans le RER qui me ramène en banlieue chez mon père, je suis en pleines pensées tristes et amères.

J'ai envoyé une dizaine de cv, passé autant d'entretiens, et toujours la même réponse.

.... Bien Mademoiselle, nous vous contacterons.

Je sais par habitude que personne ne prend la peine d’appeler, les rares fois c’est pour me dire, que je suis trop jeune, je n'ai pas d'expérience. J'ai trop de diplômes ou je n'en ai pas assez, je n'ai pas fini mon cursus. En fait ça ne va jamais.

Je ne comprends pas qu'on convoque les gens, pour leur faire comprendre qu'ils n'ont pas le profil de l'emploi.

Une moue dubitative, la femme fait semblant de lire mon cv et ma lettre de motivation. 

Tout en répondant distinctement, malgré mon pouls battant la chamade, priant au fond de moi qu'elle retienne ma candidature.

C’est une annonce d’hôtesse d’accueil qui a retenu mon attention.  Que veulent-ils comme personnel ? Il ne faut tout de même pas un niveau d'études supérieures pour ce job.

Alors qu’elle repose les papiers sur sa table de travail, souriant ironiquement, et de sa voix mielleuse, elle me fait savoir, qu’ils me contacteront. A cette minute précise, je sais qu’il n’en sera rien. Une intuition me fait comprendre, qu’une fois de plus, la démarche est perdue d’avance.  

Je ramasse mon dossier, et me lève, je me dirige vers la porte et me retourne vers elle, en la toisant bien.

…… Ne prenez pas cette peine, ne perdez surtout pas votre temps si précieux.

Je quitte le bureau, la tête haute pour bien lui montrer que même sans son aide je m’en sortirai, malgré cette colère qui m’enveloppe toute entière.

En me rendant à cet énième rendez-vous, j’y croyais vraiment. Notre conversation téléphonique, m’avait fait penser que c’était gagné. Mais non ! Encore une nouvelle déception.

Je n’ai nulle envie de rentrer chez mon père pour me confronter à l’autre.

Je l’entends déjà me dire ... « Ma pauvre fille, que veux- tu, tu es tellement insignifiante, personne ne te remarque. »

Un poids s'abat sur mon estomac. J'ai la rage en pensant à cette femme qui n'a jamais été une mère pour moi. Sa destruction subtile et psychologique a fait certains ravages sur la petite fille que j'étais. Je me rappelle, quand elle me disait ironique, avec ce mauvais sourire.

...... Mais qu’est-ce que tu es moche, ma pauvre fille, tu ne ressembles vraiment à rien.

Mon père râlait ... Voyons, ne dit pas ça ce n'est qu'une petite fille.

Elle répondait en riant .... Mais c'est pour rire, elle le sait.
Mais oui à dix ans on est tout à fait capable de comprendre la finesse persifleuse d'une adulte. 

Il faut vraiment que je décroche un poste rapidement, L'enregistrement à la fac doit être fait au plus tard le dix de septembre et si je ne trouve pas un job d'été pour payer l'inscription et le premier trimestre je vais perdre une année. D’autant que j’espère pouvoir prendre une chambre d’étudiante pour enfin quitter cette maison, et être tranquille pour étudier.

Mon père pourrait m'aider financièrement, il n'est pas contre. Oui mais voilà c'est sans compter sa compagne, hurlant qu'à presque vingt ans je ne suis même pas capable de m'assumer. Elle n'a jamais travaillé et se fait entretenir par mon père depuis toujours ce qui décuple ma colère contre elle.

Généralement les étés je travaille comme stagiaire. Ces deux années passées, mon père a fait en sorte que je sois prise en juillet et août, au siège régional. Le salaire satisfaisant, m'a bien aidé, le travail intéressant et les collègues pour la plupart masculins très sympathiques. Oui mais voilà parait que la haute direction n'embauche pas à temps complet.

J'ai fait toutes les boutiques bordant notre avenue, même à la boulangerie en tant que vendeuse. Ils n'ont besoin de personne dans l'immédiat et sont fermés en août. Il me suffirait d'un salaire minimum, même un mi-temps, ce qui me permettrait en économisant de voir venir. Puis je pourrais donner des cours particuliers, trouver un autre job à mi-temps.

J'arrive à notre gare et d’un pas trainant me dirige vers la maison de mon père. Je n'ai vraiment pas envie de rentrer et de subir le persiflage de la vipère.

Au lieu de descendre le boulevard, je tourne la première à droite et m’engage dans cette rue qui m’emplit de joie. J’ouvre le petit portail, traverse le jardin et toque directement à la porte d’entrée, affichant un sourire à ma face.

... Bonjour Manou 

... Oh quelle surprise, bonjour ma poupée comment vas-tu ? 

 ... Bof, je suis allée me présenter mais comme d'habitude on me contactera, je sais ce que ça veut dire.

 ... Crois en toi, ma chérie, la chance va venir. As-tu mangé ? 

 ... Non, je n'ai pas faim.
... A ton âge on doit manger, un sac vide ne tient pas debout.
Je souris et précède ma grand-mère dans sa petite cuisine vieillotte. Elle s'active entre ses casseroles, et pose devant moi une omelette baveuse, accompagnée de salade verte. De son réfrigérateur elle sort un yaourt.

Tout compte fait je mange de bon appétit et aide ma grand-mère à ranger. Nous nous installons devant un café.
Ma grand-mère me dit tristement ... Ah si je pouvais t'aider dans tes études ma poupée, crois-moi je le ferais. 

... Je sais Manou, je vais m'en sortir ne t'en fais pas. En septembre j'espère que l'intérim va reprendre un peu.

Nous papotons une bonne partie de l'après-midi. Mon père ne va pas tarder à rentrer du bureau, je me décide à partir.

Manou toujours peinée de me voir si peu ... Va ma poupée et reviens vite me voir.

... Je passerai ce week-end promis.

Elle me glisse un billet dans la main. Je l'embrasse tendrement en la remerciant

En arrivant au coin de notre rue, j'aperçois mon père, je lui fais signe de la main, et accélère le pas. Il m'attend pour entrer dans la maison

... Alors cet entretien ?

... Comme les autres, ils me contacteront.

Mon père soupire, passant son bras autour de mes épaules il m'attire à lui, et m'embrasse gentiment sur le front.

 ... Tu vas finir par décrocher un vrai travail ma grande, sinon j'ai demandé pour cet été, ils veulent bien te prendre au siège, ils sont satisfaits de toi, et puis nous nous débrouillerons pour ton inscription.

Je lui souris. Au pire, j'aurai toujours de quoi payer le premier trimestre, si comme l'an passé il m'aide pour l'inscription mais après ? Ce ne sont pas les quelques heures de baby-sitting ou les quelques cours que je donne, qui vont faire que ! D’autant que je préfèrerais me débrouiller par moi-même.

Comme promis je pars en milieu de matinée rendre visite à ma grand-mère. Je lui amène un petit bouquet de fleurs. Tout en me remerciant, elle me sermonne

 ... Ma poupée garde ton argent pour toi.

... Ce n'est pas grand-chose Manou, et je sais que tu aimes les fleurs.

 ... Tu es tellement mignonne.
Je serre fort ma grand-mère dans mes bras. Elle sent bon la violette, une soudaine émotion m'envahit.

Tout en buvant une menthe à l'eau, elle me demande si un petit mois de travail m'aiderait. Je la regarde sans bien comprendre.
 .... Tu sais Madeleine, sa fille n'a pas de nourrice, elle est en arrêt. Du coup elle cherche quelqu'un en urgence. Ce n'est pas la panacée mais au moins ça te fera deux sous en attendant mieux. Madeleine part chez son fils, et ne peut pas prendre le petit.

... Mais Manou je ne vais jamais pouvoir garder un enfant à la maison.

... Non tu viendras le garder ici, je le prendrai le matin en t'attendant. Si tu es d'accord je téléphone à Madeleine qui parlera à sa fille.

Je ne prends pas le temps de réfléchir, et opine de la tête. Manou va téléphoner à son amie.

Nous reprenons notre conversation, ma grand-mère me propose un autre verre. La sonnerie stridente du téléphone nous interrompt. Ma grand-mère de son pas encore alerte va décrocher.
Elle revient souriante

... Voilà ma poupée, la fille de Madeleine, est ravie de notre proposition. Et en attendant un travail mieux rémunéré ça t'aidera

Je remercie ma grand-mère en l'embrassant. Il est décidé qu'à partir de lundi je devienne la nourrice du petit Thomas âgé de sept mois.

Tout en déjeunant nous bavardons, nous avons tellement de choses à nous raconter.  Je passe l'après-midi avec ma grand-mère, l'embrasse tendrement et rentre chez mon père en début de soirée

Je me lève heureuse, non seulement je vais être avec ma grand-mère et en plus je vais gagner quelques billets. Bon d'accord, pas une fortune, bien mieux que mai est plein de journées fériées, mais c'est toujours mieux que rien. Ça paiera au moins une partie de mes bouquins, et en plus je pourrai profiter de ma grand-mère

Il est à peine huit heures quand j'arrive chez manou, le petit n'est pas encore là. Nous prenons un café, quand nous entendons la cloche de la grille. Je vais ouvrir.
Une jeune femme un bébé dans les bras me sourit.
... Vous êtes Mélissandre ? 

... Oui bonjour, voulez-vous entrer ? 

 ... Oui que nous puissions parler un peu, je suis venue en avance exprès, sinon je viens pour huit heures trente, et le soir 18 heures. Vous serez payée par semaine. Je fournis couches et repas.

Je fais un rapide calcul, effectivement ce n'est pas grandiose mais je prends, ça m'occupera loin de la maison et me permettra de réviser en toute tranquillité, en vue de mes prochains examens.

La jeune femme salue ma grand-mère, embrasse son fils et nous dit à ce soir
Je prends le petit dans mes bras, et lui enlève son gilet. Ma grand-mère plie une couverture par terre dans le salon. J'installe l'enfant dessus avec les jouets que sa mère m'a apportés. Je m'assois pour jouer avec lui, pendant que ma grand-mère vaque à ses occupations. 

Vers 10 heures, Thomas montre des signes de fatigue, je change sa couche et l'allonge dans le lit de bébé que j'ai toujours connue. Pour l'enfant ma grand-mère a mis des draps et la petite couverture rose. Je souris.

Je reste près de lui de peur qu'il ne se mette à pleurer. Son pouce dans la bouche il s'endort rapidement. Je sors de la chambre sur la pointe des pieds, et rejoins ma grand-mère dans sa cuisine, pour l'aider.

Le soir quand la maman vient chercher le petit, je lui demande une poussette pour le promener ou du moins le mettre dans le jardin pour profiter du soleil. Je rentre chez mon père contente de ma première journée.

C’est avec plaisir que je m’organise. Je pars en même temps que mon père et rentre un peu après lui, ainsi je reste le plus longtemps possible hors de la présence de l’autre

Le matin quand l'enfant dort, j'aide ma grand-mère à son ménage. L'après-midi je me mets dans le jardin, Thomas dans sa poussette, je révise mes cours ou joue avec lui pendant que Manou est devant sa télévision

Manou m'amène un grand verre de menthe à l'eau et s'assois près de moi

... Ça va ma puce ?
...  Oui Manou. Dis, comme je mange avec toi, je te donnerai une partie de mon salaire pour mes repas.

 ... Certainement pas, je peux au moins mettre ton couvert. Tu sais cette nuit j'ai pensé à bien des choses.

 ... Comme quoi Manou ? 

... Je sais que je suis vieille, mais tu es majeure et tu peux habiter ou tu veux. Pourquoi ne viens-tu pas t'installer ici ? Tu pourrais étudier en toute sérénité, tu aurais moins de souci. Si je ne peux t'offrir tes études, je peux t'offrir une maison.

Je regarde ma grand-mère, étonnée. Quand j'étais petite j'aurai tant voulu habiter ici, et voilà qu'elle me le proposait.

... Mais je vais être une charge. 

Manou lève les yeux au ciel .... Une charge, ma propre petite fille, mais où va-t-on !

Je ris devant son air qu'elle veut scandalisée embrasse sa figure à peine ridée et fais oui de la tête, des larmes d'émotion dans les yeux.

... Mais si je travaille, je t'aide financièrement, il y a les factures et les courses qui seront doubles.

 ... Oui, oui c'est ça, nous verrons quand tu auras un vrai travail.

Thomas babille dans le lit, je vais le chercher, et fais chauffer son repas, il mange de bon appétit. C'est un gentil petit, il nous fait des risettes quand on lui parle, et essaie de former des petits mots, qui ressemblent plus à des bruitages.

Je garde un amour de bébé qui ne pleure pas, je suis avec ma grand-mère chérie, la vie me sourit un peu. Il ne m’en faut pas davantage.

Le week-end je reste chez mon père, et les heures me paraissent longues. Je travaille mes cours, plus pour m'occuper que par envie. Je n'ai pas trop la tête aux révisions. Ces deux jours sont une fois de plus, tumultueux entre mon père et l'autre, à tel point que dimanche en milieu de repas mon père part en claquant la porte, je me réfugie dans ma chambre et n'en sors pas.

Cette nouvelle semaine auprès de ma grand-mère et du bébé me ressource. Le soir une angoisse me fait toujours retarder le moment de rentrer.

Ce vendredi je quitte ma grand-mère le cœur lourd, connaissant d'avance l'ambiance du week-end.

En m'embrassant elle me propose de venir dimanche, pour voir mon oncle et ma tante qui doivent lui rendre visite. J'accepte avec plaisir et lui fais savoir.

Le cœur en fête de passer la journée avec ma grand-mère, de revoir mon oncle et ma tante, je m'arrête à la chocolaterie qui fait aussi salon de thé et pâtisserie, je choisis un œuf en chocolat rempli de petites fritures.

Avec un mélange de tendresse et d'affection, je l'offre à ma grand-mère, contente de lui faire plaisir. Tout en me remerciant, elle me sermonne gentiment .... Ce sont des dépenses ma poupée

Emue, elle me prend dans ses bras et claque deux grosses bises.

Après déjeuner nous nous mettons dans le salon pour boire un café en attendant la famille. Je demande si ma cousine sera là.
Manou fait une moue malicieuse.... Tu sais, je ne la vois pas beaucoup.

Je sens un peu de tristesse dans sa voix, je lui demande comment vont mon oncle et ma tante. Je suis impatiente de les revoir, il y a tellement longtemps.

Peu avant quinze heures, on entend la cloche tinter.

Mon oncle .... Oh ma grande content de te voir, que deviens-tu ?

Manou lui explique mon petit emploi temporaire de nourrice. Il sourit en hochant la tête.

... C'est très bien, vous veillerez l'une sur l'autre. Et ton père ?

Haussant les épaules d'un geste fataliste .... Ça va tonton.

Nous dégustons la tarte qu'ils ont amenés pour le goûter. A mon tour je demande des nouvelles de Lise que je ne vois plus à cause de l'autre qui nous a séparé de notre seule famille

Nous nous entendions si bien petites, comme des sœurs. Je sais par manou qu'elle a arrêté l'école et travaille comme standardiste dans une entreprise sur Paris.

Nous parlons de mes études, de cette difficulté que j'ai à trouver un emploi stable, n'ayant pas fini mes études

Mon oncle me dit se renseigner autour de lui, pour savoir si on pourrait m'offrir un poste pour l'été, voire plus

... Je ne te promets rien ! Je téléphonerai à maman rapidement, qui te tiendra au courant
.... D'accord tonton merci beaucoup.

Manou les garde à dîner, je ne peux malheureusement pas rester si je ne veux pas m'attirer les foudres de la sorcière. Je repars le cœur gros.

Je reste chez mon père pour ne pas envahir Manou. Ce lundi de Pâques, je n'ai pas le petit à garder. La journée me parait longue. Je révise mes cours, la tête ailleurs. Je pense à mon oncle et ma tante, à ma cousine que devient-elle ?

C'est le cœur léger que je me lève, heureuse d'aller chez ma grand-mère.

Mercredi soir en rentrant, l'autre me remet un courrier. C'est la convocation à la FAC, pour le rendu de mon mémoire afin de boucler ma licence. Enfin je vais voir le bout de ces deux années espérant obtenir mon diplôme. J'aimerais tant aller au master.

Ce vendredi, je traine un peu avec Manou, une appréhension me fait comme souvent retarder le moment de rentrer chez mon père, sachant que ce week-end sera sans fin.

En arrivant, je vais leur dire bonsoir, ils sont dans la cuisine en train de discuter, je crois même qu'ils se querellent.

J'ai à peine franchi le seuil de la cuisine, qu'elle m'aboie dessus.
.... Tu te crois ou ici ? A l'hôtel ?

….. Non chez moi !

...... Tu pars le matin et rentre le soir sans rien dire, et tu rentres juste pour te mettre les pieds sous la table.

..... Travailler ça te parle ?

..... J’aimerais bien savoir où tu travailles, feignasse comme tu es !

Mon père essaie de l'amadouer....  Laisse là profiter, elle est jeune.  

Hargneuse elle répond ... Et moi je me tape son linge et tout le reste, c'est ça je suis sa boniche. Elle est incapable d'aller travailler, elle poursuit soit- disant des études pour ne pas faire autre chose, ce n'est qu'une paresseuse, ouvre les yeux, une bonne à rien je te dis !

Je la regarde ironique ....... Je ne te demande rien, et de plus tu ne fais plus ni ma chambre ni mon linge depuis des années, je m'en occupe seule !

D'une voix ou la méchanceté ressort, elle jette criant comme la harpie qu'elle est ....... C'est ça, je ne m'occupe pas de toi, je ne me suis jamais occupée de toi peut-être ? Depuis tes dix ans je te sers comme une reine, il ne faut jamais rien te dire, tu as toujours raison.

... Effectivement tu ne t'es jamais occupée de moi, à part pour me tabasser, ou me faire subir des brimades, alors arrête de t'inventer un rôle de mère

........ Tu me dégoûtes, espèce de garce !

......... Et toi tu ne me dégoutes pas ? T’inquiète je vais partir tu auras le champ libre.

Mon père passe sa main dans ses cheveux. ........ Méli, tu ne peux pas partir, tu vas aller où ? Ma chérie réfléchis.

........  N’importe où. Mais t’inquiète je sais où aller, là où on me supporte, et où ma gueule ne donne pas envie de vomir ! Là où on ne me cherche pas querelle pour un oui pour un non. Là où je serais au calme !

Subitement hystérique, elle me traite de tous les noms, je réponds sur le même ton. Mon père essaie de la calmer. Elle vocifère davantage. Sa haine transpire par tous les pores de sa peau. Sans que je puisse intercepter son geste, elle me gifle à la volée.

Je suis dans une colère noire. Dans ma chambre, j'ouvre un sac de voyage, vide ma commode et mon armoire pêle-mêle dedans. Dans un petit sac, je range mon ordinateur, mes papiers et le maximum de mes bouquins, je glisse au milieu de mes affaires le cadre de ma maman qui me sourit.

J'attrape mon sac qui est lourd, le balance sur mes épaules, et prends l'autre à la main. Je n’ai pas mis un quart d’heure à rassembler mes affaires.  Je vais embrasser mon père livide, passe devant elle qui murmure ......... Bon vent !

........ Oui bon vent, en attendant ce n'est pas moi la garce ! Dommage que mon père soit aveugle.

Je quitte cette demeure hostile. Ma grand-mère vient juste de finir de dîner, c’est les larmes aux yeux et le cœur battant que je lui explique ce qui vient de se passer.

Manou …... Ne pleure pas ma poupée, prends la chambre et installe-toi, je te fais chauffer un peu de pâtes, et j'ai du jambon

J'emmène mes sacs dans ma chambre de petite fille, qui avant moi était celle de ma mère. J’essaie de caser mes affaires dans la petite armoire, le cœur gros et retenant mes larmes

De temps en temps, et surtout dès que je pouvais, je rendais visite à ma grand-mère, mais pas aussi souvent que nous l'aurions voulu. Quand l'autre l'apprenait, elle faisait une scène terrible par jalousie, de nous savoir si proches.

Tant de fois j’ai rêvé, prié pour venir habiter ici, dans le calme, entourée de tout l’amour de ma grand-mère.

Après un petit brin de ménage, avec manou, nous allons au marché bras-dessus bras-dessous. Nous trainons dans les allées, nous arrêtant pratiquement à chaque étalage. Manou discute quelques minutes, me présente. Fière d'être avec sa petite fille qui fait de grandes études.

Ma grand-mère a toujours habité ce quartier elle connait pratiquement tout le monde. Elle ne louperait pour rien au monde sa balade au marché du samedi.  Elle y voit ses amies, elles en profitent pour se donner rendez-vous dans la semaine chez l'une ou l'autre, rarement chez ma grand-mère.

Je me rappelle petite, quand nous allions au marché avec mon père et l'autre, nous rencontrions ma grand-mère qui avait toujours une sucette pour moi. Dès qu'elle avait le dos tourné, l'autre me l'arrachait et la jetait par terre

 ....... Ce n'est pas elle qui paiera le dentiste. 

Si ma grand-mère demandait de pouvoir me prendre pour la journée, elle s'empressait de répondre non, avant que mon père puisse dire quelque chose.  Les rares fois où il s'est opposé, l'autre faisait un tel esclandre sur le trottoir que mon père cédait. J'avais les larmes aux yeux le restant du marché.

En allant vers la boulangerie, je marque un temps d'arrêt, là sur le trottoir mon père et l'autre. Il nous a vu, et se dirige dans notre direction

Mon père .... Bonjour Odette, comment allez-vous ?

Manou ... Bien merci. On ne peut pas en dire autant de vous, vous m'avez l'air fatigué.
Mon père passe une main sur son visage tiré, Manou ignore totalement l'autre qui l'ignore aussi. Il hausse les épaules, me prend dans ses bras pour m'embrasser.
........ Comment vas-tu Mélissandre ? 

J'embrasse mon père en le rassurant. Il sait maintenant, quoiqu'il dût s'en douter, que je suis chez ma grand-mère.

Comme à regret il nous quitte, l'autre piaffe d'impatience avec un évident agacement. En le regardant partir mon cœur se serre, je trouve qu'il a les épaules affaissées, lui qui d'habitude se tient bien droit.

Pour Ses 45 ans mon père est un bel homme. Grand mince, tiré à 4 épingles. Elle sophistiquée au possible ses cheveux décolorés blonds, ses ongles longs au vernis d'un rouge voyant.

Je glisse mon bras sous celui de ma grand-mère, nous rentrons tranquillement à la maison.

Ce dimanche matin, la sonnerie stridente du téléphone nous surprend. Ma grand-mère va répondre.

Elle me crie du salon ... Mélissandre dis-moi poupée, aimerais-tu que nous allions manger chez tonton ? 

Je souris ... Oui avec plaisir Manou.

Vingt minutes plus tard mon oncle klaxonne devant le pavillon de Manou.

Ma tante nous reçoit avec un grand sourire

.... Si tu veux aller réveiller ta cousine, elle dort encore, elle est sortie hier soir.
Je souris et monte quatre à quatre les escaliers menant aux chambres. Je frappe à sa porte, sans attendre de réponse. Je souris en entendant un grognement.
 ... Dis donc la marmotte, tu pourrais te lever pour me recevoir.
Ma cousine les cheveux ébouriffés s'assoit dans son lit en riant

....... Ma Méli qu'est-ce que tu fais là ? 

 ... Je suis venue avec Manou.

... Quoi ? Manou est là aussi ? 

D'un coup de pied elle envoie voler draps et couvertures, enfile un jeans et un débardeur, je la regarde, secouant la tête en riant. Bras dessus bras dessous nous dévalons les escaliers. Elle se rue sur notre grand-mère pour l'embrasser.
Autant je suis châtain les yeux clairs, réservée studieuse, autant ma cousine est blonde les yeux marrons exubérante et pleine de vie.

Mon oncle ... Houlà Lise, du calme !

Elle rit en se frottant à son père ... Mais mon petit papa il y a des lustres que je n'ai pas vu Manou.

Ma grand-mère n'a jamais fait de préférence entre nous deux, peut-être un petit penchant pour moi, dans le sens où je lui rappelle tellement sa fille partie trop jeune.

Petites elle nous prenait chaque fois qu'elle pouvait pendant les vacances. J'ai de bons souvenirs de cette époque.

Le repas est joyeux, je suis aux anges. Après manger ma tante nous envoie dehors.

Je proteste ... Attends tata, nous allons t'aider à débarrasser.
Ma tante d'un ton qui se veut sévère au travers de son sourire ... Oust, j'aurai le temps plus tard, profitez toutes les deux.

Ma cousine m'entraîne dans le jardin, nous nous installons dans des fauteuils en rotin à l'ombre d'un lilas en fleurs. Elle babille sans arrêt, me raconte que son travail est sympa, que son patron est beau comme un Dieu, que toutes les filles sont dingues de lui, qu'elle-même en est amoureuse et qu'il est pour elle, qu’elle ne laissera personne lui prendre

Je ris ...A ce point-là ?

.... Ah tu ne peux même pas imaginer !

Nous plaisantons sur cet homme que je ne connais pas. L'imaginant d'un certain âge pour être patron.

Elle me demande des nouvelles de mon père. Je lui explique mon installation chez Manou et ma recherche d'un vrai travail

... Oui papa m'en a parlé, mardi j'en parle au DRH, il est super sympa. Dis-moi ou tu en es exactement dans tes études

En quelques mots je lui explique mon parcours.

......... J'ai terminé ma licence. Je voudrais aller au master, mais sans boulot je ne peux pas m'inscrire à la fac

Ma cousine me regarde sans comprendre ... Oui mais si tu travailles tu ne peux pas aller en cours.
........ Si bien sûr, en fait je prends des cours par correspondance et certains soirs par cam avec des profs de fac

Elle semble réfléchir et dans un soupir ......... Ah carrément, bah ouais alors, parce que sans diplôme j'ai réussi à trouver ce boulot. Bon je ne suis que standardiste mais je me plais bien, on voit du monde, ma collègue est sympa

Elle finit sa phrase en riant. Manou m'appelle. En remontant vers la maison j'embrasse ma cousine

....... Je te remercie.

...... Je ne te promets rien, mais en ce moment ça recrute un peu.

Je fais oui de la tête. Nous nous embrassons tous et promettons de bientôt nous revoir. Mon oncle nous raccompagne en voiture. 

Aujourd'hui je ne garde pas Thomas. Je vais sur le boulevard, chercher un petit pot de muguet pour la fête du 1e mai.

Emue ma grand-mère me remercie en me prenant dans ses bras. Nous nous étreignons tendrement.

Ce matin je retrouve Thomas avec plaisir, il me tend les bras et me fais de grands sourires.
Je préviens sa maman de mon absence, mercredi et jeudi prochains, en raison de mes partiels qui se déroulent de huit heures trente à midi et de quatorze à dix-sept heures. Je lui présente ma convocation.

Elle sourit ....... Passez vos examens tranquillement. Il n'y a pas de problème, si votre grand-mère veut bien s'occuper du petit ça m’arrangerait.

…… Oui bien sûr.

Pendant que Thomas dort, j'aide ma grand-mère au ménage. Je m'occupe pour éviter de penser. L'après-midi généralement Manou se met à sa télé avec soit une petite broderie, soit un napperon au crochet ou de la couture. Elle a toujours les doigts occupés, ne sachant pas rester sans rien faire. Quelques fois je la retrouve assoupie son ouvrage en main. Je souris devant ce visage qui respire la gentillesse et la douceur.

La semaine se termine sans que j'aie de nouvelles de ma cousine.  

Ce mardi huit est encore férié, je n'ai pas le petit en garde.  En réalité ce mois de mai, je n'ai pas beaucoup le bébé et du coup ça me fait un manque à gagner.

Les jours dits, je me rends à l'autre bout de Paris le cœur battant, une angoisse me tenaille. Il me faut absolument réussir, je n'ai pas les moyens d'échouer. Ce petit mois au calme chez ma grand-mère, m'a permis de réviser, j'ai mis les bouchées doubles. Installée souvent dans le jardin sous le gros tilleul quand Thomas faisait sa sieste à l'ombre dans sa poussette.

Ces deux jours sont intenses, j'ai donné le maximum de mes capacités. Les épreuves terminées, je relâche la pression.

Thomas protégé d'un petit parasol somnole en tétant l'oreille de son lapin en peluche. C'est un adorable bébé qui ne demande pas d'attention particulière. Pleurant rarement, il babille gracieux, offrant quantité de sourires.

C'est son dernier jour avec nous, le soir je propose à la maman de lui garder de nouveau si elle a un souci de nourrice, ou si elle cherche une baby- Sitter pour un soir ou un week-end. Elle me remercie gentiment et promet d'y penser

En rentrant du marché je propose à Manou de manger dans le jardin, un beau soleil s’est invité. Nous devisons tranquillement, sautant du coq à l'âne

J'apprécie particulièrement de discuter avec ma grand-mère, c'est une personne sage, toujours de bons conseils. Très ouverte nous pouvons aborder n'importe quel sujet sans qu'elle ne s'offusque. Au fil des jours nous réapprenons à nous découvrir. Je me sens si bien à ses côtés. Je revis.

Cet après-midi je me repose allongée dans l'herbe. Je décompresse un peu, tout en étant perplexe. Comment être certaine d'avoir bien répondu ? Tout dépend du correcteur, de l'interprétation qu'il se fait à la lecture d'un devoir. Suis-je parvenue à exprimer mon idée sans pour autant l'imposer ? Ce sujet sur la raison de pensée, de Kant m'a laissé perplexe. Les Maths particulièrement difficiles m'ont mis un peu sur la touche. J'ai tout donné, mais est-ce que sera suffisant ?

Depuis notre repas chez Elise, j'attends avec impatience son appel, espérant une bonne nouvelle. Au fil des jours, j'abandonne tout espoir. Elle a essayé certainement, je n'en doute pas d'ailleurs, mais a échoué. En deux semaines, elle aurait dû me donner une réponse. La journée je donne le change à Manou, pour ne pas la préoccuper, le soir je me couche le cœur gros, comprenant que ma cousine n'a pas obtenu ne serait-ce qu’un rendez-vous.

Lundi, ça me fait drôle de ne pas avoir le bébé à garder. Je tourne un peu en rond. Pas de révision, pas d'enfant. Je décide de ranger mon armoire trop petite. Je fais un peu de tri dans mes affaires, me promettant d'en faire bénéficier quelqu'un. Je mets tout dans un sac, dans le bas de l'armoire. Dans l'après-midi je range mes cours. Je retrouve manou devant la télévision, et lui tiens compagnie jusqu'au repas du soir 

Publicité
Publicité
Publicité