Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
melissandre-meli
melissandre-meli
Publicité
Archives
29 septembre 2001

Une histoire de locataires

Nous allons directement à Neuilly. La tante est seule, je la trouve un peu tristounette, dès qu'elle nous voit, un grand sourire éclaire son visage.

Catherine place son éternel plateau sur la petite table, garni de verres. Maryse demande des détails sur la maison, est-ce qu'ils l'ont prise. Toujours des conversations à mi-mots, heureusement maintenant j'ai appris à saisir et suivre leurs échanges. Matthieu répond de bonne grâce.

Je suis étonnée de ne pas voir manou et Patrick, mais je ne demande rien. Je n'ai pas suivi, et du coup ignore ce dont ils parlent

Matthieu .... Je demanderai à Romain de mettre une annonce dans son journal, nous recevrons les candidates en même temps. Je ne vais pas perdre plusieurs après-midis.

Maryse ... Tu les recevras à la société ?

... Mais non ici. ... Avez-vous fait nettoyer les logements ?

... Oui, il aurait été bien de faire donner un coup de rafraichissement.

... Bien nous demanderons à monsieur Germain.

... Mais il travaille chez Alexandre.

... Il n'a pas long à mettre un coup de peinture sur trois petits appartements.

Il se tourne vers moi.... Es-tu déjà montée ?

... Ah non jamais, j'ignorais qu'il y avait des appartements là-haut

... Oui, enfin ce sont des deux pièces. Veux-tu les voir

J'hausse les épaules ... Bah oui si tu veux

... Montez-vous ma tante ?

... Non va, avec ta femme.

Matthieu me prend la main, nous montons au premier étage, au fond du couloir, Matthieu ouvre une porte, un autre escalier. Je me rappelle que c'est celui que j'ai emprunté le lendemain de mon mariage. En fait il donne sur la droite du hall d'entrée.

Avec Matthieu nous grimpons la dizaine de marches. Un palier plus petit que celui du premier. Il ouvre une porte, je me retrouve dans une pièce d'une belle dimension, un petit coin cuisine, une autre porte sur la gauche, une autre pièce un peu plus petite. En nous retournant, une porte à côté, c'est une salle de bains, et un WC.

... Qu'en penses-tu ?

... Bah pour une étudiante, c'est royal non ?

... Je pense aussi.

... A quoi servaient ces appartements ?

... Du temps de mon grand-père, le personnel restait à demeure.

... Ah, ils étaient que trois ?

... En fait il y avait un majordome, la gouvernante celle qui s'occupait du personnel féminin et un chauffeur.

... Ah d'accord. Remarque oui c'est dommage de les laisser vides.

... Au moins ma tante pourra pouponner des gamines

Je souris, il m'enlace nous redescendons par l'escalier de service, et nous retrouvons dans le grand hall. Nous retournons au salon, devant une Marjorie étonnée.

Maryse ... Alors qu'en dis-tu ? Un petit rafraichissement des peintures ?

... Oui je vais voir ça.

Ils discutent des futures modalités d'une location, Maryse propose même de faire de la co-location.

Mon mari la coupe, net .... Il n'en est pas question. Trois locataires seront suffisants, je n'ai pas envie d'être envahi

... Je proposais simplement.
... Oui, oui, je vous voir venir ! Trois pas une de plus ! Et dans le parc, il y aura une colonie de vacances, c'est ça l'histoire ?

Maryse rit, de ce petit rire discret ... Je n'avais pas vu cet aspect

... Evidemment !

Le repas et une partie de la soirée, sont axés sur ce futur contrat de location pour les trois petits appartements. Je me dis, si Christine avait pu trouver une chambre comme ça, chez l'habitant ça aurait été bien. Quelques fois je regrette de l'avoir introduit chez mes parents, bien mieux depuis qu'elle est avec Alexandre. Soudain je pense à Ghyslaine, du coup je ne lui ai parlé de rien. Manque de temps ou réflexion à savoir si oui ou non je peux lui confier ce qui me perturbe.

Matthieu veut louer, en meublé, samedi après-midi nous allons dans le bureau, regarder sur internet, ce qu'offrent les grands magasins de mobilier, pratique et à moindre coût. Au fur et à mesure, nous notons les références de ou des articles.

Nous essayons de visualiser et de meubler les appartements de façon agréable et fonctionnelle. Enfin deux bonnes heures plus tard, Matthieu éteint l'ordinateur et me propose d'aller prendre un verre avec sa tante.

Tout en nous dirigeant, vers le salon, je lui demande s'il a eu Marc et si celui-ci est ok pour faire les travaux

... Non, je ne vais pas téléphoner à sa femme un samedi. Je verrais lundi. De toute façon, à l'allure ou il va, en une semaine les appartements seront prêts.

... D'accord, tu attends pour donner rendez-vous ?

... Oui, puisqu'il faudra bien leur faire visiter, alors autant que ce soit propre et meublé

.... Ah d'accord.

Au salon Maryse à l'air de nous attendre. ... Alors les enfants, vous avez fini ?

... Oui, j'enverrais certainement Georges commander ce qu'il faut, quand les peintures seront faites

... Oui tu as raison. Peut-être que nous pouvons faire appartement par appartement ?

... Non, il faut les faire ensemble, on n'aura pas à revenir dessus.

... Oui je te laisse carte blanche.

Tout en sirotant mon verre, je décroche de leur conversation, qui s'éternise et tourne un peu en rond. Au bruit de la porte je tourne la tête, et avec un grand sourire je me lève. Patrick et manou entrent.

D'un coup le salon me parait moins vide. Je commençais à trouver le temps long.

Maryse quitte le sujet appartement, pour engager la conversation sur la maison. J'ai envie de rire. Matthieu me propose quelques pas dans le parc. J'accepte avec empressement, sachant que manou et Patrick vont être accaparés par Maryse.

Nous marchons en cadence, enlacés, sans parler, juste pour le plaisir d'être ensemble. Au détour d'une allée, je fais savoir à Matthieu que j'ai validé mon inscription à la fac.

... Bien, tu as le calendrier des cours ?

... Heu oui bien sûr.

... Tu me diras !

... Pas de grands changements par rapport à l'an passé, tous les premiers vendredis de chaque mois, sauf changement du prof pour une raison ou une autre.

... Quel est la prochaine date ?

... Vendredi qui arrive.

... Il n'y a pas eu de reprise en septembre ?

... Heu si mais je l'ai loupé.

Il s'arrête net, m'obligeant aussi à m'arrêter. .... Comment ça ? Tu as loupé le premier cours ?

... En fait c'est en allant sur ma boite mails, que j'ai vu la relance de la fac, donc j'ai fait l'inscription aussitôt

Je vois ses yeux se foncer, au fur et à mesure que je parle

... Tu n'as que tes cours et la fac à penser, et tu fais l'impasse ?

... Mais non, de toute façon ce n'est pas bien grave, le premier cours, n'en est pas un. Le prof se présente et nous explique l'année à venir, il n'y a pas de devoirs, je vais certainement les recevoir en début de semaine, ou même après le cours.

... Le prof explique le déroulement de l'année, et ce n'est pas important. Tu te moques de qui ?

Je sens mon pouls s'accélérer. ... Bon, c'est fait. J'écrirai à ma copine et elle me dira.

... Je te préviens Mélissandre, il est hors de question que tu fasses l'impasse sur un cours ou un devoir

... Bon écoute, jusqu'à maintenant je me suis débrouillée seule et j'ai réussi, alors ne viens pas me dire ce que je dois faire

.... Doucement madame Jorelle ! J'ai promis à ton père que tu irais au bout de tes études, et je te garantis que tu vas aller au bout !

... Oui c'est bon !

.... Tu me donneras le calendrier des cours, je veux m'assurer du suivi

Je ne réponds pas, je n'ai pas envie d'envenimer. Nous rentrons avec un semblant de tranquillité mais je sais au fond de moi, qu'il est en colère.

Le salon est bien animé, Christine et Alexandre ont rejoint les anciens. Je vais les embrasser Matthieu s'assoit.
... Bonjour Christine

... Bonjour Matthieu.

Je remarque qu'elle le regarde bien et sourit légèrement en penchant la tête. Il ne s'occupe pas davantage d'elle et sert l'apéritif, Alexandre offre les verres à chacun

Matthieu .... Aurions-nous interrompu une conversation ?

Alexandre ... Absolument pas, nous parlions de la future maison de monsieur et madame Duval père !

Matthieu sourit à manou ... Heureuse manou ?

Manou rit .... Mon cher petit-fils, on le serait à moins. Il me faudrait être bien difficile et ingrate envers mon époux qui me comble.

Matthieu rit à son tour ... N'est-ce pas le rôle d'un époux, que de rendre sa femme heureuse ?

Manou taquine ... Tout comme une femme doit rendre heureux son époux. Mais je crois que j'ai attrapé le meilleur qui puisse exister.

Matthieu espiègle .... Quel message voulez-vous me faire passer manou ? Ne serais-je pas un époux parfait ?

.... Mon cher Matthieu, seule ma poupée pourrait le dire

... Alors si elle ne vous a rien dit, je reste sur la liste des bons époux !

Manou rit ... Qui ne dit mot consent ?

... Il me semble manou, que c'est l'adage, non ?

Manou se tourne vers moi .... N'est-ce pas ma poupée ?

... Manou si tu le dis, je te fais confiance

... Ce n'est pas une question de confiance sur un diton, mais plutôt une certitude.

Je regarde Matthieu espiègle .... Tu es un bon mari ?

.... Madame Jorelle il me semble oui. Disons que je n'ai pas une cervelle de moineau

J'éclate de rire .... Non mais tu as une telle facilité à faire en sorte de ne jamais avoir tort.

.... Dis-donc tu as une chose à penser, une seule et tu te permets de l'oublier !

... C'est bien ce que je dis, tu prends le moindre prétexte pour avoir raison.

Je sais qu'il plaisante, je sais que je peux à mots couverts lui faire comprendre qu'il n'avait pas besoin de se mettre en colère tout à l'heure.

Christine me regarde avec des yeux ronds. Je prends Maryse à témoin

... Je n'ai pas raison Maryse ?

La tante sourit .... Il est difficile je le reconnais, d'avoir le dernier mot avec un de mes neveux.

Alexandre ... Plaignez-vous ma tante !

Matthieu craignant que la bonne entente vire, demande à Alexandre, s'il serait possible de prendre monsieur Germain pour une petite semaine.

Alexandre .... Tu veux refaire ton appartement ?

Matthieu sourit .... Non, je voudrais faire rafraichir les appartements là-haut

Alexandre ... Pour ? Tu veux emménager à Neuilly

Matthieu rit, de ce rire chaud, qui m'émoustille .... Non, ta tante a peur de s'ennuyer, j'ai donc suggéré qu'elle prenne trois locataires

Alexandre fronce les sourcils. Oh mon Dieu, ''Matthieu sort de ce corps''. Et de cette voix coupante

... Et ? Nous allons cohabiter avec des pensionnaires parce que la comtesse s'ennuie ?

Maryse ... Je te prie Alexandre d'éviter de persifler.

Je regarde Patrick et manou, ils parlent à voix basse, sans trop s'occuper de ce qui se passe. Je n'ai pas entendu la suite de l'échange entre Maryse et son neveu,

Matthieu ... je vais mettre les conditions sur le bail

Alexandre ... Ah tu crois ça ! Quand on aura le dos tourné, les mouflettes envahiront le salon, la télé, et pourquoi pas la salle à manger, la bibliothèque et le bureau

Maryse... Ne sois pas ridicule Alexandre, la journée il n'y a personne, et ces jeunes filles seront à leurs études ou leur travail

Alexandre ... Alors expliquez-moi à quoi sert de prendre des pensionnaires ?

... Mais pour savoir que cette maison bouge, qu'elle vit

Alexandre ironique ... Elle vivra quand ? Puisque vous me dites que la journée les locataires ne seront pas présentes. Prenez-vous une dame de compagnie, au moins vous ne serez pas seule !

Il se tourne vers mon mari et sans se départir de ce ton persifleur ........ Matthieu tu réfléchis des fois ? Avant de lui céder tous ces caprices ?

Je suis soufflée, avant que Matthieu réponde, Patrick d'une voix de colère remet son fils en place

... Non mais dis-donc Alexandre, tu t'écoutes parler ?

Alexandre toise son père .... Père soit réaliste, après les Marsaque on va se taper des gamines qui vont tout chambarder et retourner, ne rien respecter et ça avec la bénédiction de ta sœur !

Patrick .... Ça va pour toi, tu n'as pas eu à trop les supporter et sans Matthieu on les aurait encore à demeure

Alexandre ... Rappelle-moi mon cher papa, où tu étais quand je me suis retrouvé à six cent kilomètres d'ici

Patrick gronde... Je veillais ta mère, tu as la mémoire courte !

Alexandre ... Ah oui, et Maryse ?

Matthieu ... Arrête Alexandre, ce n'est pas le moment. Oublie un peu le passé. Personne ne t'a empêché de revenir quand j'étais en place.

Alexandre glacial ... Pour faire quoi ? Partager mes repas avec de la vermine ?

Matthieu ... Tu n'as pas tort, je te l'accorde, je crains comme toi que des locataires perturbent cette maison.

.... Je suis étonné que tu n'y aies pas pensé avant.

... Bien sûr que j'y ai pensé, mais j'ai aussi pensé qu'un essai n'était pas définitif.

.... Alors prends une dame de compagnie à la comtesse et fait qu'elle sache jouer au bridge

Matthieu éclate de rire et se tourne vers sa tante ........ Qu'en pensez-vous ma tante ?

Le regard attristé de la tante, me fait mal au cœur. J'en arrive à me demander si Alexandre n'est pas plus dur que mon mari qui malgré tout, aime faire plaisir à la vieille dame. 

Alexandre ... Inutile de refaire les appartements elle aura une chambre, elles sont en nombre suffisant me semble-t-il ?

Matthieu ... Bien je vais réfléchir à ce nouvel aspect, passons à table !

La tante d'habitude si bavarde, parle très peu. Manou mange en silence, Patrick a le regard en colère. Et voilà encore une soirée moitié gâchée. Décidément dans cette famille, il y en a toujours un pour mettre la pagaille.

En nous couchant j'ai envie de parler de l'attitude d'Alexandre à mon mari, il ne m'en laisse pas le temps. Je m'endormirais dans ses bras, pleinement comblée

Comme bien souvent, je me réveille seule dans le grand lit. Une douche rapide, je descends boire un café. Christine est dans la salle à manger, elle termine son petit déjeuner. Sans l’embrasser je la salue et lui demande si tout va bien

.... Oui et toi ?

Tout en me servant et en saluant aussi Catherine, je réponds à Christine.

....  Bien aussi. Où est ton amoureux ?

... Il est avec Matthieu dans le bureau.

... Ah d’accord !

Je prends le temps de déjeuner, je n’ai pas envie de lui faire la causette. Certaines choses vraiment me dérangent. Son attitude hier quand Alexandre se prenait de bec avec sa tante, et qu’elle était toute béate devant son mec. Alors que dès que Matthieu ouvre la bouche, ou même s’il apparait, elle fait celle qui tremble.

Je ne comprends vraiment pas cette fille. Je suis dépitée de m’être trompée sur son compte. Alors oui elle n’est pas méchante, elle ne fait pas de bruit, mes parents l’apprécient beaucoup. Mais à quel jeu elle joue ?

Au moment où je vais pour me resservir un café, les deux cousins arrivent. Alexandre m’embrasse Matthieu vient effleurer mes lèvres

Alexandre sert deux cafés .... Tu veux Tibou ?

... Non merci

Et vlan elle a repris sa voix de petite fille. Je sens mon pouls s’accélérer

Alexandre me sourit ....... Alors belle cousine que dis-tu ?

... Heu rien !

Matthieu en riant .... Ma femme, ne cause jamais sans avoir déjeuner.

Alexandre rit aussi ... C’est pour mieux se rattraper après !

Je souris .... Voilà, c’est exactement ça !

Alexandre me taquine gentiment, Matthieu a reculé sa chaise légèrement, les jambes croisées il écoute nos réparties,

Christine comme à son habitude a baissé la tête. D’un coup son attitude m’insupporte

Alexandre en souriant me demande si je refuse toujours de choisir la couleur de son salon

Je ris .... Vert pomme et rose qu’en penses-tu ?

Le cousin éclate de ce rire chaud, si semblable à celui de Matthieu

... Reste dans les études de droit, la déco n’est à priori pas pour toi.

Je demande innocemment ... Ah bon, tu n’aimerais pas ?

Et perfidement... Et toi Christine tu en penses quoi ?

Elle me regarde et de sa toute petite voix ... Je ne sais pas.

.... Tu ne sais pas quoi 

…... Oui si Alexandre veut.

J’éclate de rire, d’un rire ironique .... Bah voilà Alexandre, tu auras un salon vert pomme ! Christine n’est pas contre

Je me tourne vers Matthieu ... On fait quoi monsieur Jorelle ?

.... As-tu une idée ?

Au même moment Patrick et manou arrivent, les embrassades reprennent. Je pousse un soupir de soulagement.

Patrick .... Comment allez-vous les jeunes ?

Alexandre .... Bien et vous-même ?

Patrick sourit ... Bien ! Et Christine ? Ça va mon petit ?

Christine sans même lever les yeux de ce ton qui m’agace. ... Oui merci Patrick

Patrick ne s’attarde pas .... Et ma nièce ? Bien dormi ?

... Oui, comme un bébé.

Patrick demande à Matthieu ce qu’il compte faire, mon mari se sert à nouveau un café, me propose de la tête je fais non

Il repose le pot sur la plaque chauffante, sans demander à son cousin ni Christine. Il prend le temps de boire une gorgée.

... Je pense lui prendre une dame de compagnie. Il faut reconnaitre que dans cette grande maison, seule, il est évident qu’elle s’ennuie.

Alexandre .... Comment faisait-elle avant ?

Matthieu .... Justement avant, elle s’entourait de gens de peu, mais au moins elle avait la possibilité de parler

.... Je ne comprends pas que tu cèdes à ses fantaisies.

.... Je ne cède à rien du tout, j’essaie d’adoucir ses jours. Que peut-on lui reprocher sans cesse ?

.... Mais rien franchement, rien de ce qui est advenu, ce qu’on est devenu

….. Et alors ? Regrettes-tu d’être médecin d’avoir fait les études qui te plaisaient ?

…... Non, certes non !

….. Aurais-tu fait les mêmes études ici ? T’en aurait-elle laissé la possibilité ? Tu aurais été palefrenier pour sa salope de fille !

Je tourne la tête vers mon mari, cette colère prête à exploser et ces mots orduriers ne sont pas dans ses habitudes. Il est blanc. Je sens que ça va péter entre les cousins

J’essaie de reprendre le fil de la conversation.

Matthieu .... Alors prends-toi en à ton père par exemple !

.... Mon père ne m’a jamais lâché, mon père a été un père à mes côtés bien plus que tu ne peux l’imaginer

... Je n’imagine rien Alexandre, et tu le sais, je chéris mon oncle, mais ne viens pas faire un procès à ta tante, qui n’avait pas son mot à dire. Nous n’étions pas ses enfants. Quel regard avait-elle sur notre éducation ?

... Elle sait si bien s’insurger quand elle veut !

... Donc tu me fais comprendre que le jour où tu auras des enfants, je prendrai leur avenir en main !

.... Aucun rapport

... Mais si, bien sûr que si ! Puisque Maryse aurait dû s’occuper du fils de son frère et du fils de sa sœur !

... Tu étais orphelin, je te rappelle

.... Et quand bien même, ma mère était toujours vivante !

.... Ta mère n’avait pas le caractère Duval

.... Sois gentil Alexandre, ne t’occupe pas du caractère de ma mère, occupe-toi de la tienne.

... Il est évident que la mienne était aux abonnés absents.

... Que vis-tu dans le passé, avance merde ! Au lieu de ressasser sans arrêt. Tu vas bientôt être plus vieux que ton père.

..... Oui, facile pour toi !

.... Non détrompe-toi, rien n’a été facile. Il m’a fallu à peine mes diplômes en poche relever une société, jour et nuit et enterrer ma mère. Crois-tu que si j’avais ressassé sans arrêt nous en serions là aujourd’hui ? Crois-tu que tu serais dans ton cabinet ? Non monsieur Duval, vous seriez dans une piaule minable à bosser dans un hôpital de banlieue, à faire des gardes et des journées de quinze heures par jour.

... Je sais ce qu’on te doit Matthieu

….. Alors fais comme moi, vis ta vie, sans te retourner, profite de ton bonheur avec mademoiselle Frontasky et arrête de te poser des questions ou nul n’a la réponse !

... Alors prends-lui une dame de compagnie

... Bien sûr et avec ou sans ton assentiment !

Alexandre rit moqueur .... Je sais pertinemment que tu accéderas à ses désiderata, sans t’occuper de nous. Tu es seul maitre en la demeure !

.... Ne prends pas et ne vois pas les choses ainsi. Ne me reproche pas ma situation, je t’envie bien plus que tu ne dois m’envier. J’ai une boutique à faire tourner, et une famille à faire vivre. Ne crois-tu pas que j’aspire à des week-ends tranquilles, ou je peux me reposer la tête ?

... C’est évident.

... Alors fais montre d’un peu plus de courtoisie et arrête d’attaquer tout le monde sans réels prétextes.

... Dois-je être déloyal et ne pas dire tout haut ce que je pense ?

... Tu peux, tu en as le droit, tout est permis, tant que ça ne devient pas une ritournelle. Prends-toi en aux bonnes personnes, arrête de te tromper de cible. Ne sois pas acrimonieux au moindre prétexte.

Alexandre d’un geste las, passe sa main dans ses cheveux, et regarde son cousin, d’un air fatigué d’un coup.

Matthieu d’un ton radouci .... Alexandre, tu as un père formidable, un amour de belle-mère, une copine et un boulot super, que demander de plus ? La vie reprend ses droits et te rend enfin ce que tu n’avais plus. Profite du moment présent.

... Oui je sais.

... Crois-tu que pour moi tout a été facile ? Je me suis battu comme un lion, contre des employés qui avaient décidé de faire la loi dans l’entreprise, crois-tu que ce soit de gaité de cœur de passer pour un despote auprès des salariés ? J’ai trois cent familles à faire vivre, penses-tu que je puisse être laxiste ? Non je me dois d’être intraitable, juste mais intraitable. Je suis obligé de faire tourner la boutique, d’autant que pour vous offrir, nous offrir ce que nous avons failli perdre. Tu comprends ça ?

.... Oui, et je t’en remercie sincèrement Matthieu. Je sais que sans toi nous serions dans le caniveau

.... Alors profite, et que tout le monde profite. Vois-tu je vais te dire mon cher cousin, j’ai retrouvé goût à la vie, le jour où j’ai posé mon regard sur mademoiselle Robin ! Avant je m’enfonçais comme un acharné dans le travail. Ton père m’a aidé a levé le nez des livres de comptes. Sans lui, je pense que je serais parti à la dérive, me rendant malade de devoir relever agence, par agence. Je dois aussi à ton père, ce que nous sommes aujourd’hui. Maryse m’a été d’une aide précieuse, de par sa présence, son affection. Penses-y avant de vouloir dévorer tout le monde.

....... Bien Matthieu Jorelle, je vais faire abstraction de cette jeunesse, la balayant d’un coup de main.

.......... Tout à fait, et vis l’instant présent. Secoue ton endormie et éclatez-vous ! Parce que j’ai quelques doutes !

Alexandre tourne la tête vers Christine, je m’aperçois que manou et Patrick ont désertés.

... D’accord tibou ?

.... Oui si tu veux.

Je n’ai pas entendu la question d’Alexandre qui se lève en tendant la main à Christine. Matthieu se lève, du coup je me lève. Nous allons faire quelques pas dans le parc. Les deux cousins discutent tranquillement, je pars dans mes pensées.

Christine ne pipe pas un mot. Sa tête de martyre me tape sur le système au plus haut point.

Je me rapproche de mon mari et glisse ma main dans la sienne. Je me rends compte qu’il a une charge énorme sur ses épaules, qu’il n’a que trente ans et déjà une vie derrière lui. Mon cœur se gonfle d’amour pour cet homme, si bon. Pensant sans cesse aux siens, essayant de faire au mieux pour tout le monde. Je comprends ce côté autoritaire, tant dans la famille qu’au travail.

... Tout va bien darling ?

Je lui lance un regard amoureux j’essaie de faire passer dans mes yeux tous les sentiments que j’ai pour lui.
... Oui. Ne t’inquiète pas.

Je me tourne vers Alexandre .... Alors ils avancent les travaux ?

Alexandre .... Oui, et même plus vite que je ne le pensais.

Je plaisante... Ah c’est cool alors. J’ai hâte de voir le salon.

Alexandre éclate de rire .... Tout compte fait, il ne sera pas vert pomme, mais framboise ou cerise, qu’en penses-tu ?

Je ris ... Et pourquoi pas, qu’en pense Christine ?

Alexandre lève un sourcil ... Aucune importance, que je le fasse rose ou vert, elle consentira.

Je suis saisie de sa réponse ironique. Je me ressaisis pour ne pas rallumer la mauvaise ambiance.

... Cher cousin, non qu’elle n’ait pas d’idée, disons qu’elle te laisse libre choix. Ce n’est pas ce qu’on appelle l’amour ?

.... Par amour, tu laisses Matthieu guider toute ta vie, sans broncher ?

... Heu, cher cousin, je n’ai pas le tempérament de ta petite chérie !

... Hum c’est certain !

Matthieu taquin ... Madame Jorelle sous ses airs tranquilles cache un tempérament impétueux.

Alexandre .... La joute oratoire n’est-elle pas un jeu en soi ?

Matthieu .... Alors elle en connait bien les règles

Je ris .... Non mais oh, les deux cousins.

Matthieu m’enlace, en me soulevant de terre il me fait tournoyer ......... Je vous aime madame Jorelle, ne changez rien !

Je ris à gorge déployée, Alexandre et Christine se sont arrêtés, je peux intercepter le regard rieur d’Alexandre et celui de Christine qui me foudroie.

Enfin Matthieu me repose et effleure mes lèvres, nous repartons main dans la main.

Alexandre .... Aurais-je la bonne fortune de vivre un bonheur identique ?

Matthieu .... A toi, de mettre un coup de pied dans la fourmilière.

Alexandre dubitatif émet un ... Hum ! Pas certain que ça serve, il manque l’engouement. Ce petit quelque chose qui fait que !

Mon pouls s’emballe. Est-ce que Christine percute sur ce qu’Alexandre fait passer comme message ?

Matthieu .... Bien trop sage, ou ce sont uniquement des airs pour attirer le regard ?

Alexandre .... Certainement un petit jeu qui amplifie les mauvais côtés

.... Vas-tu t’en satisfaire ?

... Non, trop déplaisant et surtout épuisant !

Le silence retombe. Je suis déconcertée par ce que je viens d’entendre. Je sais malgré leur demi-mot qu’ils parlaient de Christine, et devant elle en plus. Elle n’a même pas l’idée de mettre son grain de sel, de se défendre. J’ai envie là tout de suite de la secouer, de lui dire réveille-toi, tu es en train de perdre ton mec.

Maryse, son frère et manou, devisent tranquillement sur cette belle arrière- saison. Matthieu sort les bouteilles de la vitrine, Catherine pose le plateau de verres. Je pense que ce plateau attend sur un guéridon, je n’ai pas remarqué. Ou dans un placard peut-être.

Manou m’interpelle ... Mélissandre ?

... Heu oui manou ?

Manou me sourit ... Je demandais si vous vouliez venir le prochain week-end avec Maryse.

... Heu bah oui pourquoi ?

Maryse ... Oui merci Odette, ça me sortira un peu.

Je croise le regard d’Alexandre et en souriant lui fais les gros yeux.

... Compris ma belle cousine

J’éclate de rire, tout le monde nous regarde sans saisir ce qui provoque cette hilarité

Le temps de l’apéritif est agréable. Tout le monde papote en riant. Le repas sera sur le même ton. Maryse est volubile faisant rire manou à plusieurs reprises.
Ma grand-mère en femme perspicace a su installer ses marques dans la famille. Depuis qu’elle est avec Patrick, elle a rajeuni, je la trouve belle. Son mari est aux petits soins. Ils se sont bien trouvés, toujours sur la même longueur d’onde.

Les anciens vont à la télé, nous nous retrouvons au salon pour boire le café. Matthieu propose une sortie à Montmartre, histoire de changer d’air.

C’est Alexandre qui nous emmène, je souris, mon mari monte derrière avec moi. En plaisantant il dit à son cousin

.... Conduisez-nous monsieur Duval !

... Bien monsieur Jorelle.

Nous déambulons dans les ruelles qui montent, nous arrêtant devant les boutiques de souvenirs en riant. Sur la place du Tertre, nous essayons de trouver une place en terrasse. L’espace des peintres est bondé d’une foule disparate.

Un type cheveux longs, blouse blanche maculée de peinture, s’approche de notre table

... Un portrait messieurs-dames ?

Alexandre ... Non merci !

Le serveur amène nos consommations. J’offre mon visage aux derniers rayons de soleil, en renversant légèrement la tête, je ferme les yeux.

... Madame Jorelle, ne t’endors pas !

Je ris et sans bouger réponds taquine à mon mari ...... Aucun risque, je te surveille !

... Qu’est-ce à dire ?

... Hum, rien de spécial, simplement que je ne vais certainement pas m’endormir.

Matthieu éclate de rire, suivi de son cousin.

Alexandre .... Te voilà prévenu cher cousin !

Matthieu .... Ne t’inquiète pas nous sommes deux à ne pas nous endormir.

Alexandre se tourne vers Christine .... Et toi tibou ? Tu dormirais ?

Christine revient à la réalité, elle n’a rien suivi de nos échanges, accaparée à regarder ce qui se passe autour de nous.

.... M’endormir ? Heu non pourquoi ?

Alexandre, jette froidement à l’intention de Matthieu .... Désolant !

Matthieu .... Il faut des fois secouer le pommier pour en récolter les fruits.
Alexandre ... Est-ce que ce sera suffisant ? Est-ce que ça ne va pas être lassant à force ?

... Tu es bien plus tempérant que moi, cher cousin. Essaie d’apprivoiser la colombe !

Le cousin taquin ... As-tu eu besoin ?

Mon mari me sourit, et d’un doigt sous mon menton, tourne ma tête en sa direction, il effleure mes lèvres avant de répondre à son cousin.
... Nul besoin, je savais dès le premier regard, que je ne devrais pas apprivoiser, plutôt dompter un petit cheval fougueux

Nous rions tous les trois, Christine nous regarde avec cet air de tomber d’une autre planète

... Monsieur Jorelle, vous êtes déloyal. Vous étiez en ce temps-là mon patron !

.... Darling, ne le suis-je plus ?

... Disons que tu es d’abord mon mari, et que j’ai appris à connaitre le patron !

D’un coup sans qu’on s’y attende Matthieu parle en anglais. Je sais que Christine ne le comprend pas. Je suis abasourdie par ce que j’entends

...... What are you going to do ?        (Que comptes-tu faire ?)

....... Leave it there honestly there is nothing to belearned.     (En rester là, honnêtement il n’y a rien à en tirer)

........ So don’t make it last longer           (Alors ne fait pas durer plus longtemps)

.... She looked attractive at first glance, but her attitude does not suit me    (Elle paraissait attirante au premier regard, mais son attitude ne me convient pas.)

........ Like what ?                (Comme quoi ?)

..... No discussion, no fantasy. Nothing is nothing          (Aucune discussion, aucune fantaisie. Rien, c’est le néant)       

... Did you try to chat with her ?             (As-tu essayer de discuter avec elle ?)

... Dialogue is difficult                            (Le dialogue est difficile)

... So punch your fist on the table and put things flat           (Alors tape du poing sur la table, et mets les choses à plat)

Alexandre éclate de rire ........ I have no time to waste, the feelings are missing      (Je n’ai pas de temps à perdre, il manque les sentiments)

Alexandre se tourne vers moi .... Beautiful cousin, would you talk to your friend ?  (Belle cousine, tu parlerais à ton amie ?)

Je le regarde, essayant de savoir s’il est sérieux, je vois un air dépité sur son visage. J’éclate de rire.

... Cher Alexandre, une fois m’a suffi, et j’ai vu que donner mon ressenti, ne m’apportait que rancœur. 

... Report was somewhat skewed !              (Le rapport était quelque peu faussé !)

... Maybe but won’t it be again ?                   (Ne le sera-t-il pas encore une fois ?)

Alexandre sourit. ....... Try to find out what’s on her mind         (Essaie de savoir ce qu’elle a en tête)

J’éclate de rire ......... Ask her to marry, she’s just waiting for that         (Demande-là en mariage, elle n’attend que ça)

Alexandre fronce les sourcils et d’une voix froide, reprenant le français......... C’est une plaisanterie ?

........ Absolutely not, that’s what she made me understand               (Absolument pas, c’est ce qu’elle m’a fait comprendre.)

...... Try to talk to her, probe her               (Essaie de lui parler, de la sonder)

.. I’Il see but I don’t guarantee you anighing, I don’t want to get involved  (Je verrai, je ne te garantis rien, je n’ai pas envie de m’en mêler.)

... Can I thank you in advance ?      (Puis-je te remercier à l’avance ?)

.. I do not know. The business of others, you see, the less we take care of it      (Je ne sais pas. Les affaires des autres, vois-tu moins on s’en occupe, mieux c’est.)

.... Je comprends ma belle ! J’aurai essayé.

Je ris pour détendre l’atmosphère ........ Bon je verrai ce que je peux faire !

Il se penche et dépose un baiser sur ma joue.

Matthieu .... Nous partons ?

On se lève, et main dans la main avec mon mari, nous redescendons à la voiture. En chemin, personne ne parle. J’essaie de détendre l’atmosphère comme je peux

.... Tu connaissais Montmartre Christine ?

... Non.

... C’est joli hein ?

... Oui.

... Ces peintres sont vraiment talentueux ! Tu as vu ?

... Difficile de les louper, il n’y a que ça !

... Oh t’as quoi là tout de suite ?

... Rien !

Je croise le regard d’Alexandre dans le rétroviseur. Je ne sais que penser. Je laisse tomber.

Pendant le repas, je me rends compte que Christine fait carrément la gueule. Elle ne dit pas un mot, je l’ignore totalement, les deux cousins aussi.

Publicité
Publicité
26 septembre 2001

Volte-face

Ce matin, je n’ai pas de courrier, ayant été avec Matthieu et Patrick à Neuilly tout le week-end. Je décide de nettoyer le percolateur, ce qui me prends un peu de temps. La machine propre et détartrée, je passe à mon travail, en recroisant les fins de congés, je vérifie les pointages. J’ouvre ma boite personnelle. Un mail de la fac me relance pour mon inscription. Mon pouls s’emballe, j’ai complètement oublié cet aspect de ma vie. Je m’empresse de valider mon enregistrement, à l’aide de ma carte bleue, je règle le montant et imprime la liste de livres demandés, pour pouvoir comparer avec ceux que j’ai déjà.

Je m’aperçois que j’ai loupé le premier cours, en date du 14 septembre. J’imprime aussi le calendrier des cours, en souriant. En un an, tant de choses me sont arrivées. Mon mariage, avec un homme comme beaucoup de jeunes filles rêveraient. Une onde d’amour envers mon mari me prend tout entière. Auprès de lui je vis un vrai conte de fée.

Ma fausse-couche, et toutes ces histoires qui ne riment à rien et qui me mettent à cran, j’essaie de faire l’impasse maintenant. Aucune envie d’assombrir mon ménage.

Je continue de vider ma boite, je supprime les pubs qui n’ont pas d’intérêt. Un mail de ma cousine. Le cœur battant j’ouvre et vois, qu’elle m’en a écrit une tartine

Ma Méli

Tout d’abord je te remercie de prendre de mes nouvelles. Qu’est-ce que je peux te dire, ou te raconter. Ma vie est simple comme bonjour. Je travaille du mardi au samedi dans le magasin de mon oncle. Je fais du ménage dans le magasin ou dans les réserves, je fais le réassortiment dans les rayons. Bref une vie pas bien joyeuse. Je m’ennuie à mourir dans ce travail, mon père refuse que je cherche autre chose, disant que comme je n’ai pas de diplôme, que je dois déjà être contente d’avoir cette place. Tu vois pour moi c’est vraiment un travail qui ne me convient pas 

Où est le temps où je m’éclatais dans mon job ? Je ne te dis pas, des erreurs que j’ai commises, ça je l’ai bien compris. Je te parle de nos crises de fou rire, avec toi ou Ghyslaine, je te parle de nos hamburgers au square en riant. Je te parle de ça. Comme je regrette ce bon temps que je n’ai pas su apprécier.

C’est quand on a tout perdu, qu’on s’aperçoit de ce qu’on avait. Malheureusement je sais que je ne pourrais jamais rattraper ce temps

J’ai téléphoné à manou, pour prendre de ses nouvelles, elle m’a répondu avec sa gentillesse habituelle. J’ai promis de la rappeler, je ne peux que le lundi parce que je suis seule à la maison. Mais la dernière fois, je pense que c’est monsieur Duval qui a décroché, et je n’ai pas osé parler, j’ai raccroché.

Je n’ai pas écrit à ton mari, j’ai demandé à mon père pour m’aider à écrire un courrier, il m’a répondu. Tu as su mettre la pagaille, alors débrouille-toi.

Mon père m’a complètement tourné le dos, je n’ai plus que ma mère, qui me dit de laisser passer le temps, que ça va s’arranger, mais je sais que ce n’est pas vrai. Je sais que j’ai perdu toutes mes chances, de te revoir un jour, de revoir manou et que je resterai confinée à jamais dans ce boulot qui ne m’apportera jamais rien.

Ma Méli, je ne sais pas quoi te dire d’autre. J’ai tellement honte, je suis tellement aux ras des pâquerettes. J’ai fait un début de dépression, ma mère m’a emmené chez le médecin, je suis sous cachet pour arrêter de pleurer et essayer de reprendre le dessus. Peut-être quand je me sentirai un peu plus forte je vais essayer comme toi de reprendre des études. Alors pas un haut niveau comme toi ma Méli, car toi tu es une tête. Non je vais essayer de faire des études qui me sortira de cet enfer. Mais je ne sais pas encore dans quoi. Peut-être quelque chose comme secrétaire ou aide comptable. Ou un emploi dans les bureaux.

Pour ton mari, je n’ose pas lui téléphoner, j’ai peur de sa réaction, de son ton froid qui va me stopper net dans ce que je voudrais lui dire. Je préfèrerais lui écrire, je voudrais lui demander pardon, mais je n’ai pas les mots. Je ne sais pas comment lui faire comprendre, que j’ai réellement changée, que je ne suis plus la Elise Dumont qu’il a connu.

Voilà ma Méli. Inutile que j’essaie de te téléphoner, je sais que le standard ne me passera pas ton poste. Peut-être que toi si tu le veux, tu peux m’appeler le lundi, je suis seule à la maison, et ça me ferais vraiment plaisir de t’entendre, même si c’est pour m’engueuler. Je reconnais que tu aurais le droit.

Je t’embrasse de tout mon cœur, tu me manques.
Lison.

Je reste baba, devant cette lettre. Je la relis une deuxième fois, pour bien me l’imprégner. Je ne réponds pas, ma décision est prise, je verrai selon son attitude.

Je décroche mon téléphone et compose le numéro de chez mon oncle. A la deuxième sonnerie j’entends un triste

... Allo ?

.... Lise ?

Je reçois un sanglot en guise de réponse.

... Lise ne pleure pas. Je viens de lire ton message. Je ne sais pas quoi te dire, ma pauvre.

Je n’ai que sanglots en écho

... Lise parle-moi

Quelques secondes, quand d’une voix éteinte, elle me dit ... Oui Méli.

... Qu’est-ce que je peux faire ?

.... Rien, je crois que tu ne peux rien faire

... Ecris à Matthieu, lui seul pourra faire pencher la balance

Entre deux sanglots, ma cousine essaie de s’expliquer .... Je ne sais pas quoi lui dire, à part pardon, et je m’excuse mais je sais qu’il ne voudra pas.

... Elise, écrit lui à tête reposée, explique-lui que tu ne voulais pas tout ça, que tu n’étais pas toi, que tu as agis impulsivement.

... Oui Méli d’accord

... Dis-lui que nous avons été tant séparées petites, que tu as mal d’être encore séparée de moi. Je ne sais pas moi, dis-lui que tu ne vois plus manou et qu’elle te manque.

... Oui Méli.

... Dis-lui que tu as mûrie, que cette histoire t’a anéantie et t’a fait changer, que tu n’es plus la même. Que tu implores son pardon.

... Oui Méli d’accord.

Dans un sanglot elle arrive à me dire ... Merci Méli. Je t’embrasse fort.

... Moi aussi Lise je t’embrasse. Tiens-moi au courant. Envoie-moi un petit mail, et j’essaierai de te rappeler.

... Merci Méli.

... Allez je te laisse. Ecris-lui promets-moi.

... Oui Méli

Je raccroche submergée de tristesse. Elle est complètement détruite. Elle la grande Elise Dumont, au bagou irréfléchi, à la verve inconséquente. La voilà éteinte.

J’essaie d’effacer ce triste sentiment, en allant manger avec Ghyslaine. De tout le repas, je fais l’enjouée, mais sans plus, je ne parle de rien, ni du mail de Lise, ni de mon appel téléphonique. J’abrège le plus possible le repas, prétextant du travail à finir. Nous nous faisons la bise dans le couloir, devant la porte du standard.

Je n’en parle pas non plus à Matthieu, j’attends de savoir ce que Lise fera. La décision lui appartient.

Sur mon bureau, le dictaphone de mon mari, avec un post-it collé dessus. De sa belle écriture il a écrit ‘’merci darling’’

Je souris, et mets l’oreillette, pour écouter sa voix chaude, aux intonations qui me font frissonner, me donnant l’envie de me fondre en lui.
Je tape les douze courriers, l’imprimante en fonction crache ses feuilles, je me fais un café. Je glisse le courrier dans le parapheur et le porte sur le bureau de mon mari.

Le PDG et le DRH sont absents. Je rentre seule à l’appartement. Matthieu sera de retour assez tard, je l’ai attendu pour le diner.

Toute la semaine les deux hommes seront absents, malgré tout j’ai pas mal de courrier à remettre à la signature avant de partir le soir.

J’ai prévenue Ghyslaine, que j’étais un peu surbookée et que du coup je partais tard pour manger. Compréhensive, elle n’a pas posé plus de question.

Mercredi, je termine d’imprimer les lettres, quand j’entends toquer à ma porte.
... Oui entrez !

Christine s’avance devant moi, un petit sourire aux lèvres.
... Bonjour Mélissandre, je viens voir si tu veux déjeuner avec moi.

... Oui bien sûr, je termine et je suis à toi.
... Oui, oui vas-y.

Je ramasse les feuilles dans le panier de l’imprimante, je trie entre les deux parapheurs et vais les porter sur les bureaux respectifs.
Je décroche mon téléphone ... Oui c’est moi, je voulais déjeuner avec toi, mais je suis prise

J’écoute ce que me dit Ghyslaine.
... D’accord, bisous à plus tard.

Je raccroche sans un mot

Christine ... Si tu avais prévu autre chose, nous pouvons remettre.

... Non aucune importance.
Je prends mon sac, enfile ma veste, et l’entraine vers l’ascenseur.   D’une voix timide elle me demande où je veux manger

.... Comme tu veux. Un burger ? Un croque ? Les normands ?

... Heu oui un burger tu veux

Je souris sans répondre. Nous allons à la restauration rapide. Toutes les tables sont prises, je regarde Christine ....... On va ailleurs ?

... Heu oui si tu veux.

... Un croque ?

... Oui d’accord.

Nous repartons, et allons à la brasserie, nous commandons un croque une limonade pour moi, un vittel fraise pour Christine.

En attendant le serveur Christine me demande ... Tu veux parler Mélissandre ?

....... Et toi tu veux parler ?

........ Je voudrais t’expliquer pour …..

Le serveur apporte nos verres et nos assiettes, ne laissant pas Christine continuer. Je le remercie, coupe mon croque et commence à manger, tout en déglutissant, je demande à nouveau de quoi elle veut parler

......... Je voulais te parler d’Alexandre.

Je la regarde, réfléchis deux secondes et lâche ...... .... Christine, soit gentille tu me parles de tout ce que tu veux, mais pas de ta relation avec le cousin de mon mari. Cela ne me regarde pas.

....... Non je voulais te dire, pour ce qui s’est passé.

Tout en mangeant mon croque pendant qu’il est chaud, je rétorque le plus gentiment possible

........ Christine, ce qui est fait, est fait. Inutile de revenir dessus. Passons à autre chose.

Elle attaque à son tour son croque, qu’elle mange du bout des dents. J’ai fini le mien, j’attends qu’elle vienne à bout du sien.

En prenant ma voix la plus douce, un grand sourire aux lèvres je lui déclare, faisant passer un message.

........ Christine, la seule chose que je te souhaite c’est d’être aussi heureuse avec Alexandre, que je le suis avec Matthieu. Le reste ne m’intéresse pas.

D’une voix morne, elle répond ........ Je pensais que comme on était avec eux, on aurait pu en parler.

........ Pourquoi ? Qu’ils soient cousins ne changent rien, tu ne vas pas me raconter ce que tu fais au lit, et moi non plus. C’est intime et ça nous regarde, ce n’est pas des trucs à discuter

........ Non je ne te parle pas de ça, je te parle par exemple de leurs manières, heu .... De leur façon de faire.

Je regarde mon amie, qu’a-t-elle à me confesser ? Une suspicion me dit, qu’Alexandre n’est peut-être pas si tendre qu’il le laisse paraitre.

....... Qu’est-ce que je peux te dire ? Matthieu a des manières toutes à fait normales. Si ce n’est leur rang qui est supérieur au nôtre et qui fait que, ils sont très prévenants et courtois.

........ Heu oui, bien sûr.

........  Que reproches-tu à Alexandre ? Il te frappe ?

Elle rit ....... Non, oh non pas du tout.

....... Alors ? Qu’est-ce qui te fait dire que tu voudrais connaitre les façons de mon mari, et savoir si son cousin à les mêmes.

....... Non, je ne veux rien savoir. Simplement il y a des choses que je ne comprends pas.

...... Comme quoi ?

....... Je peux te dire ?

........ Si ce n’est pas trop personnel, vas-y

........ Par exemple, des fois il emploie des mots, et je ne sais pas ce que ça veut dire.

Je souris .... Alors note-les dans ta petite tête, et le soir tu cherches sur internet. Ou tu lui demandes carrément.

... Je ne suis pas forte en vocabulaire, toi tu en as beaucoup, et tu sais parler

... Christine, ne te compares pas à moi. J’ai des qualités que tu n’as pas, tu en as que je n’ai pas ! Nous sommes différentes, reste-toi et n’essaie pas de me ressembler
......... Non Mélissandre, ce n’est pas ce que je dis.

....... Alors c’est quoi ?

Elle rougit légèrement ....... Des fois Matthieu, t’embrasse, ou il chahute avec toi, vous riez

Je la regarde sans comprendre ......... Oui et ? Tu ne ris pas avec Alexandre ?

...... Oui des fois

..... Et alors ? Que cherches-tu à me dire ?

..... Bah voilà quoi. Ils ne font pas pareil

..... Comment ça ils ne font pas pareil ? Vous n’êtes pas mariés, Alexandre ne va pas te bécoter devant tout le monde. Ils ont de la tenue, de l’éducation

....... Oui ! Des fois Alexandre, parle comme Matthieu, il est sec, et je n’aime pas. 

..... Christine, il faut que tu t’affirmes tu ne peux pas rester éternellement cette petite fille qui a peur de tout.

....... Non avec moi ça va.

........ Tu as peur d’Alexandre ?

........ Non, il est gentil 

........ Christine, tu n’as pas dix ans, écoute. Matthieu ne se met pas en colère sans raison, et au travail tout va bien, alors !

....... Oui bien sûr. Mais pourquoi Alexandre n’est pas comme Matthieu

..... Mais il n’est pas comment ?

Baissant les yeux, elle lâche d’une voix geignarde que Matthieu est prévenant, attentionné amoureux. Elle me sort tout un panel des qualités de mon mari et finit par dire. Alexandre ne fait pas tout ça

J’éclate de rire, non par moquerie, mais alors là, c’est la meilleure.  

….... Christine tu plaisantes là ? Comment peux-tu comparer les deux cousins et nous. Toi et moi n’avons pas le même caractère, Alexandre et Matthieu non plus

........ Non, ce n’est pas ça, Mélissandre, je ne sais pas comment te dire.

Je coupe court et demande....... Pourquoi as-tu cette attitude avec Matthieu ? Il ne t’a jamais engueulée

...... Non bien sûr.

….. Alors pourquoi ?

….. Disons qu’il est très séduisant, et du coup ça m’intimide

Je regarde Christine, croyant ne pas avoir bien compris. …… Comment ça il t’intimide par sa séduction ?

….. Non ce n’est pas ce que je dis.

….. C’est quoi alors ?

Elle rougit ……. Je ne sais pas comment te dire, il m’impressionne.

..... Arrête avec ça Christine. Il ne t’a jamais rien dit, jamais engueulé. Il t’a fait monter en grade

….. Oui je sais.

….. Alors quoi ? Et dis-moi pourquoi quand tu parles de mon mari tu dis Matthieu et quand on est ensemble tu l’appelles monsieur ?

…. J’aime bien ton mari, mais je ne sais pas quoi lui dire

...... Et avec Alexandre tu parles ?

..... Oui un peu.

.... Tu es amoureuse d’Alexandre ?

....... Je suis bien avec lui. Il est gentil

…... Oui tu me l’as déjà dit, en fait avec toi tout le monde est gentil. Tu sais la gentillesse ne fait pas tout. Qu’est-ce que tu aimes en lui ?

....... Je suis bien.

........ C’est quoi être bien ?

Elle rougit, je lui souris ....... C’est quoi être bien ? Tu es amoureuse ou juste attirée ?

 ........ C’est pareil non ?

Je la regarde, surprise de sa réponse.

........ Dis-moi vous couchez ensemble ?

Elle est toute rouge et murmure un .......C’est arrivé une fois, mais il n’a pas voulu aller plus loin

...... Pourquoi ?

Elle hausse les épaules ........ Je ne sais pas

....... Et tu aimes, quand il te caresse, quand il te fait l’amour.

....... Je ne sais pas.

....... D’accord. Tu lui dis que tu l’aimes ?

........ Non

…... Pourquoi ?

…... Lui non plus ne me le dit pas.

…... Oui, ils sont pudiques sur les mots, mais tu apprendras qu’il t’aime au travers des petites choses qu’il peut faire.

........ Comme quoi ?

......... Heu je ne sais pas, venir manger avec toi le midi, par exemple. Ce qui prouve qu’il veut être avec toi uniquement.

........ Maintenant il ne vient plus, il dit qu’il n’a pas le temps

........ Pourquoi Christine il prétexte de plus avoir le temps ?

Elle hausse les épaules, et de ce regard de chien battu ........ Je ne sais pas

....... Et tu ne poses pas de question ?

...... S’il n’a pas envie je ne peux pas le forcer.

....... Et pendant tes vacances vous vous êtes vus ?

..... Non

...... Et le week-end ?

...... Oui le premier week-end et dimanche dernier

..... Et c’est tout ?

..... Oui

..... Et tu ne lui as pas demandé pourquoi ?

Elle hausse une nouvelle fois les épaules ........ Tu veux que je lui demande quoi ? Il fait comme il veut

... Donc s’il se barre, tu t’en moqueras ?

…... Non ce n’est pas ça, j’attends

...... Tu attends quoi ?

..... Bah j’attends qu’il me demande.

.... Qu’il te demande quoi ?

Elle fait non de la tête. ........ Je ne sais pas, peut-être pour qu’on se marie.

 ......... Mais Christine, on ne se marie pas sur un coup de tête. Il faut réfléchir savoir si tu veux faire toute ta vie avec un homme, le même

..... Et toi tu as fait comment avec Matthieu ?

..... Mais Matthieu et moi ça n’a rien à voir, je te l’ai déjà expliqué.

...... Bah oui, je sais bien, mais pourquoi Alexandre n’est pas comme Matthieu ?

….... Bon écoute essaie de faire un effort avec Alexandre et secoue-toi un peu, si vraiment tu l’aimes, et arrête de rentrer dans un trou de souris quand Matthieu est dans les parages, tu penses te rendre intéressante, mais tu passes pour une cruche

........ Pourquoi tu dis ça

Et là, je sens que je commence à perdre patience .... Ecoute Christine arrête de toujours dire pourquoi, et réfléchis deux minutes.
Je me lève, nous allons payer, et rentrons au bureau. Je ne l’invite pas à boire un café, et lui dit sur un ton plus sec que je ne l’aurais voulu

....... J’espère que cet échange, ne sera pas répété, déformé et mal interprété.

....... Non je ne dirais rien.

En remontant dans mon bureau, je suis complètement désorientée, Je réfléchis, à qui demander ? A qui en parler ?

Ghyslaine ? Elle va me dire que je me fais des idées. J’ouvre ma boite, pour savoir si Lise m’a répondu, je n’ai rien, c’est donc, qu’elle n’a pas réussi à écrire à Matthieu. Elle bloque et ne sait pas comment s’en sortir.
Une pensée me traverse l’esprit et me fait sourire, quand Patrick m’a dit d’arrêter le droit et de faire psycho. En riant toute seule, je me dis qu’il n’a peut-être pas tort.

Allez, je vais m’occuper du courrier, ça m’évitera de trop penser.

Jeudi, un peu avant midi, Matthieu fait sonner l’interphone .... Darling tu es prête ?

.... Heu oui.

Son rire éclate à travers le micro de l’appareil .... Menteuse, tu ne te rappelles même pas ce qu’on fait ce midi !

Je ris, à mon tour .... Perdu, monsieur Jorelle, nous allons manger avec nos parents et nous allons visiter une maison

... Allez coquine, prépare-toi

Je ferme les armoires et range les clés, Matthieu est là, les mains dans les poches, suivant tous mes gestes.

Je passe devant lui, pour décrocher ma veste en lui tirant la langue. Il attrape mon bras et me fait faire un volte- face, il force ma bouche et d’un baiser sauvage, fait monter le désir en moi.

Je suis à bout de souffle, le cœur battant à cent à l’heure. Il s’écarte et plonge son regard dans le mien. Le sien est de ce gris-vert perçant. L’air de dire, c’est moi qui mène la barque.

Je ne baisse pas les yeux et lui souffle ... Espèce de tricheur, tu ne te bats pas à armes égales.

... Madame Jorelle, vos armes sont supérieures aux miennes.

... Ah ouais ? Lesquelles ?

... Vos atouts féminins pour m’aguicher et me faire perdre la tête !

J’éclate de rire ....... Oh monsieur Jorelle, qu’elles sont donc ces pensées ?

Il m’aide à enfiler ma veste .... Allez femme de petite vertu, avant que je ne vous viole sur le canapé de mon bureau !

Nous retrouvons Patrick et Manou à la pizzeria du boulevard, en bas de chez mon père.

Matthieu nous emmène en voiture à l’agence. Une jeune femme nous reçoit aimablement.

... Vous me suivez ?

Nous remontons en voiture, et suivons la sienne, elle se gare devant les grandes grilles hautes. Un trousseau de clé à la main, par principe elle sonne. Matthieu serre la main à un monsieur que j’ai déjà vu, lors des travaux du standard, et de la grande pièce informatique. Je lui souris et lui serre la main.

La femme de l’agence, nous fait entrer dans un très beau jardin, super bien entretenu. Des parterres de fleurs, de rosiers et de lauriers roses et rouges, donnent quelques touches de couleurs à cette magnifique pelouse.

La maison se présente devant nous, massive, en L et de plain-pied, elle est entourée d’une grande terrasse. Aucune fenêtre, que des portes fenêtres double battants, à petits carreaux séparés par des croisillons blancs. Une toiture en ardoise.

Nous entrons dans un vaste hall dallé de larges carreaux de marbre blanc, une cuisine aménagée dernier cri ouverte sur le salon-salle à manger. Trois chambres deux salles de bains et une salle d’eau. Un bureau et en enfilade une bibliothèque.

Je vois tout à fait manou, évoluer dans cette belle demeure, aux peintures et tapisseries claires. Je regarde ma grand-mère pendue au bras de Patrick, elle a les joues roses, les yeux remplis de bonheur. Elle regarde partout.

Je vais chercher la main de mon mari, qui papote avec la fille de l’agence et monsieur Garcia. Il baisse son regard sur moi, interrogateur. Je lui souris et demande

... Alors ?

Monsieur Garcia .... Très belle demeure, la toiture est bien entretenue, le chauffage est neuf, les ballons d’eau chaude aussi. Rien à dire, pour ma part.

La fille de l’agence ... C’est une bonne affaire, je pense même à une petite négociation, les vendeurs sont pressés

Matthieu ... Et on peut savoir pourquoi ?

La fille sourit ... Ils sont malheureusement en divorce, et donc ne veulent pas payer les impôts de cette maison.

Matthieu ... Qui s’élève à ?

La fille ... J’ai tous les papiers à l’agence, si vous voulez, nous irons en discuter.

Manou et Patrick font un deuxième tour du propriétaire, main dans la main, se parlant tout bas, presqu’en chuchotant.

Nous faisons un tour rapide du jardin, deux garages attenants permettent de ranger voitures et outillages. Enfin la fille nous entraine. Elle doit en avoir marre, ça fait presque deux heures qu’on est là.
Monsieur Garcia nous salue, et repart de son côté. Nous allons à l’agence sur le boulevard. Je souris, au moins manou ne sera pas dépaysée.

Matthieu pose plusieurs questions à la fille, les charges, les impôts. Après des palabres, Matthieu fait savoir que nous donnerons une réponse rapide.

La fille .... Faites vite, j’ai une autre visite demain, et deux, samedi. Si vous faites une proposition.

Matthieu .... Bien,

Nous remontons en voiture, Matthieu nous emmène à la brasserie quelques pas plus loin. Nous aurions bien pu y aller à pied, d’ailleurs.

Autour de la table, manou silencieuse, laisse l’oncle et le neveu débattre du prix, quand Patrick se tourne vers sa femme.

... Qu’en dis-tu ma bien aimée ?

Manou ... Elle n’est pas trop grande pour nous ?

Patrick ... Tout ce qu’il y a de plus normal, cuisine, salle à manger, salon chambres, et un bureau

Manou sourit ... Mon cher époux, trois chambres, une bibliothèque, un bureau un immense jardin.

Patrick regarde tendrement ma grand-mère ... Une chambre pour Mélissandre et Matthieu, une chambre pour Alexandre et son amie, et notre chambre. En avons-nous de trop ?

Manou rit ... Vu sous cet angle.

Matthieu ... Cette maison est-elle à votre goût manou ?

... Disons que ça va me changer de mon petit pavillon

Je mets mon grain de sel .... Manou, tu dois tourner la page, et recommencer ta vie dans une nouvelle maison avec ton nouveau mari

.... Oui je sais bien ma poupée, mais il est dur d’effacer cinquante ans de sa vie.

... Manou, tu seras bien dans cette belle maison, et puis tu ne changes pas de quartier, le marché est au bout de la rue, tu te rapproches de papa, et tu ne perds pas tes amies.

Manou se tourne vers Patrick .... Que te dire mon cher époux, que ma petite fille n’ait dit. Il est évident que cette maison est magnifique.

Matthieu sort son téléphone et parlemente avec je suppose la fille de l’agence. Il débat sur un chiffre de vente, je pense qu’elle finit par céder, puisque Matthieu nous fait savoir, qu’elle attend à l’agence pour établir le contrat de vente.

Manou me tend un trousseau de clés .... Attendez-nous à la maison, mes enfants.

Matthieu plus rapide prend les clés, nous laissons manou et Patrick repartir vers l’agence. Nous nous installons dans le jardin avec un verre d’eau fraiche. Il me demande ce que je pense de cette maison

... Ah bah franchement elle est trop belle. Mais il est certain que c’est grand, et manou va être sans cesse dans son ménage

Matthieu sourit .... Non, Patrick finira par avoir gain de cause, en prenant du personnel.

Je souris à mon tour .... Ah chez les Jorelle, Duval, vous savez arriver à vos fins hein !

... Il n’est pas admissible que la femme du DRH fasse le ménage tout de même.

... Je me doute, je n’ai moi-même pas le droit de me faire cuire deux œufs, Sophie est direct derrière moi, de peur que je mette le feu.

 .... Et que vas-tu te faire cuire des œufs ?

... Il est des fois, monsieur Jorelle où vous découchez plusieurs jours, et j’ai besoin de m’occuper, alors je me fais cuire deux œufs sur le plat, comme j’aurai pu faire autre chose.

... Aimerais-tu une maison ?

Je le regarde ne comprenant pas sa question ... Heu pourquoi ?

.... Non, je te demande, préfèrerais-tu une maison à l’appartement ?

... Non, j’aime bien l’appartement, et puis nous avons Neuilly pour changer de l’appartement.

Il me regarde songeur, Patrick et manou arrivent bras dessus-bras dessous.

En riant je m’exclame ... Alors ?

Manou ... Bah voilà c’est fait.

Patrick .... Vous allez diner avec nous les enfants.

Matthieu .... D’accord !

La soirée se passe en parlant de cette maison, des projets qu’ils ont de quelques changements qu’ils vont apporter. Je sens manou comme sur un petit nuage. La signature chez le notaire sera dans à peine trois mois.
Patrick .... Nous espérons pouvoir fêter Noël dans cette demeure, n’est-ce pas ma bien-aimée.

.... Oh oui bien sûr. Ce qui me parait normal. Nous avons maintenant de la place pour tourner

Je souris, en regardant manou, ses yeux brillants ses joues roses. Un peu après vingt-deux heures, Matthieu donne le signal du départ. J’embrasse manou et semblant de rien, lui dit que je l’appellerai demain.

Elle plisse ses yeux en signe d’accord. J’embrasse Patrick et lui dit à demain pour la dernière journée de la semaine.

L'enregistrement des courriers, n'en finit pas. J'ai le sentiment de ne pas avancer. Enfin à onze heures j'envoie la dernière lettre vers l'imprimante. Je ramasse la liasse de feuilles dans le panier. Tout en triant et classant dans le parapheur je téléphone à manou, espérant qu'elle ne soit pas partie faire ses courses.

... Comment vas-tu ma poupée ?

Je ris ... Bah écoute depuis hier ça va et toi ?

... J'ai l'impression de rêver, comment pourrais-je ne pas aller, j'ai l'homme le plus charmant que la terre puisse porter

Je ris .... Manou, il y en a deux alors.

Ma grand-mère à son tour rit, et me demande ce que j'ai d'important à lui dire.

.... Manou, je ne sais pas comment t'expliquer, je ne voudrais pas qu'on pense que j'ai une quelconque jalousie ou autre, je voudrais juste comprendre certaines choses.

... Dis-moi ma poupée, si je peux t'aider.

D'un bloc je lui raconte la conversation que j'ai eu avec Christine, sans rien omettre, même ce qui s'est passé entre Alexandre et moi.

Ma grand-mère m'écoute sans m'interrompre, à bout de souffle je termine mon récit par ...... Voilà manou, je ne sais pas pourquoi elle a cette attitude.

Ma grand-mère me glace par sa réponse ….... Ma poupée, comment ne pas tomber amoureuse de ton mari ? Il représente ce que toute femme cherche dans un homme. La solidité, le charisme, la position.

.... Tu veux me dire qu'elle est amoureuse de Matthieu

.... Amoureuse, non, attirée certainement

... Alors que fait-elle avec Alexandre ?

.... Ma puce, Alexandre est la copie conforme de ton mari.

... Donc elle prend Alexandre pour un succédané ?

Manou rit .... Ma puce, Alexandre n'est pas une pâle copie, c'est le même, si elle a cru être amoureuse de Matthieu, elle est certainement tombée amoureuse d'Alexandre. 

.... Donc tu veux me dire qu'elle a cru aimer Matthieu, que sa recherche était ce genre d'homme, et que du coup Alexandre est arrivé bien à propos ?

... En quelque sorte oui. Christine est une jeune fille ténébreuse, mais et sans rien laisser paraitre, elle a du caractère sauf qu'elle ne l'exprime pas comme toi. J'ai pu constater que sous ses airs introvertis elle est assez entêtée et elle sait ce qu'elle veut

... Ah non manou, ne me dit pas que Christine a du caractère, je la trouve au contraire un peu molle

.... Je me suis mal exprimée ma puce, effectivement elle n'a pas du caractère, elle a son caractère

... Bah oui évidemment comme tout le monde

.... Disons, que toi, tu vas ruer dans les brancards, tu as ce côté un peu impétueux, Christine quand quelque chose la dérange, elle se renferme, mais n'en pense pas moins

.... Et pourquoi ne dit-elle rien alors ? Pourquoi elle ne s'exprime pas ?

... Ce n'est simplement pas dans son caractère, elle n'avait il me semble, pas le droit de s'exprimer chez sa mère

.... Mais manou depuis plus de six mois, quand même

... Change t'on toute une jeunesse d'un coup de baguette magique ? Elle rit et s'exprime beaucoup plus qu'au début, il y a de l'amélioration, laissons faire le temps

... Alors manou, je ne crois pas qu'avec Alexandre ça durera.

... Pourquoi ma puce ? Tu sais quelque chose ?

... Manou, Alexandre est pareil que Matthieu, il leur faut du répondant, de la vivacité d'esprit. Pas quelqu'un qui baisse la tête quand il ouvre la bouche.

Ma grand-mère éclate de rire .... Ma poupée, je ne pense pas qu'il te faut t'inquiéter, Christine mène parfaitement sa barque.

... D'accord merci, je vais te laisser. Gros bisous ma manou chérie

.... Bisous ma poupée. A bientôt j'espère.

... Oui ne t'inquiète pas.

Je raccroche avec ce sentiment d'insatisfaction. Me ferais-je de fausses idées ? Pourtant les paroles d'Alexandre me reviennent en mémoire.
Je décroche mon téléphone, Ghyslaine répond instantanément

... Société Cathenry à votre service.

.... Bonjour madame Germain, vous mangez ?

Je l'entends rire ... Mais évidemment madame Jorelle

.... Ok, j'arrive.

Je raccroche, enfile ma veste, prends mon sac et vais sonner à la porte du standard, sans entrer.

Nous allons manger chez les normands. Nous y sommes bien, la nourriture est bonne, et ils sont sympathiques.

La patronne vient nous serrer la main, et nous installe dans la petite salle à l'écart de la salle de bar pleine d'ouvriers bruyants.

Elle nous amène, une belle tranche de terrine de lapin. Avec Ghyslaine nous mangeons en silence, je me tâte, dois-je parler ou pas ? Pourra-t-elle ou voudra-t-elle m'aider à voir clair ?

Alors que la serveuse nous amène deux grandes assiettes de choucroute garnie, Ghyslaine me demande en souriant

... Bon tu m'exposes ton problème ou pas ?

Je me sens rougir .... Un problème ? Non pas vraiment, plutôt un questionnement

….. Questionnement sur quoi ?

J'hausse les épaules …... Je ne sais pas, je crois que tu vas me prendre pour une folle.

Ghyslaine éclate de rire .... Une folle ? Je crois que tu es guérie de ta folie, non ?

.... Heu comment ça ?

.... Quand tu m'as avoué que Matthieu t'avait demandé en mariage, tu m'as fait comprendre que c'était une folie. Et tu vois tu es guérie, puisque tu es mariée avec le seul mec que personne n'a jamais réussi à attraper.

Je ris ... Rho, tu es bête.

... Bon allez dis-moi ce petit secret, comment tu as fait pour le soustraire à toutes ces filles amoureuses. Tu dois bien avoir un don caché, un grain de beauté sur la fesse ou je ne sais quoi

Je ris de bon cœur et la taquine .... Dis-donc et toi ? Comment as-tu fait pour attraper Marc ?

... Hé je suis amoureuse de mon mari mais, il n'y a pas photo entre ton mari et le mien

... Bah non hein, heureusement. Si tous les mecs se ressemblaient ça serait ennuyeux.

….... Remarque ma belle j'estime beaucoup ton mari, mais honnêtement je ne me verrais pas avec lui. Monsieur Jorelle tout gentil qu'il est, a un caractère trop bien trempé pour moi. Marc est tempérant.

….. Mais non, Matthieu aussi est tempérant.

…... Ah bon quand ? Ah oui quand il dort

Je ris ... Pourquoi tu dis ça ? Ne me dis pas que tu en as peur.

Ghyslaine sourit .... Peur non, je suis une grande fille, mais disons qu'il sait se faire craindre et respecter.

.... Ma chérie, il est bien obligé non ?

... Oui bien sûr.

... Qu'est-ce qui se passe Ghyslaine ? Tu t'es fait engueulée ?

Elle sourit, mais je vois dans ses yeux, qu'elle est peinée.  .... Disons que Claudine a eu à faire à lui mercredi

…... Ah je ne suis pas au courant.

…... Elle a pris un appel, on lui a demandé le responsable de la société, elle n'a pas demandé de nom, direct elle a passé la communication à ton mari. C'était un appel pour Thibault

... Ah merde, mais bon rien de grave.

... Ton mari a déboulé, et il l'a engueulé, disant que si elle ne savait pas répondre au téléphone, on recrutait sur les marchés pour vendre des patates.

J'éclate de rire .... Et elle n'avait jamais vu son PDG ?

…... Bah non, et puis j'en ai pris aussi plein mon grade, il m'a dit de former le personnel au lieu de lire le journal

…... Ah merde, désolée.

Elle sourit ... Non t'inquiète, je connais les colères de monsieur Jorelle.

…... Et comment va cette Claudine ?
….. Bah depuis mercredi elle n'est pas très bien, elle n'ose même plus passer d'appels à ton mari

... Bon j'irais la voir.

Nous finissons notre repas. Je vais avec Ghyslaine boire le café. Au standard, à part Pascaline, je ne connais pas les trois autres filles. Je serre la main à Pascaline et lui demande comment elle va. Elle me fait un grand sourire et me répond gentiment. Je serre la main aux autres filles et me présente. Une jeune femme pâle regarde ma main et hésite avant de me la serrer.

... Claudine ?

... Oui, c'est moi.

... Venez avec moi.

Elle se lève, blême. Je l'emmène dans le bureau de Ghyslaine et ferme la porte de communication. Je demande à mon amie un café et prie Claudine de s'asseoir.

Ghyslaine nous sert le café, et reprend sa place, elle me sourit, je pousse une tasse vers la jeune femme

... Claudine, je ne connais pas votre nom de famille

... Claudine Lombard

... Bien, je suis madame Jorelle, la femme du PDG. Alors je vais vous expliquer, mon mari est virulent sur le coup de la colère, ensuite, il n'y pense plus. Vous pouvez le croiser dans un couloir, et lui serrer la main, il ne vous mangera pas.

Elle fait oui de la tête en tournant son café.

... Madame Lombard, il ne faut pas vous traumatiser d'accord ?

... Oui madame.

.. Vous vous plaisez ici ? Vous êtes là depuis quand ?

... Depuis fin juin.

... Avec qui avez-vous signez votre embauche ?

... Avec le monsieur de la porte en face

Ghyslaine .... Avec Duval

.... D'accord, avec le DRH, le monsieur qui vous a interpellé c'est le grand patron.

.... Oui Ghyslaine me l'a dit.

Je lui souris... Bon allez, c'est un patron, et comme vous le savez, ils sont toujours mécontents non ?

... Heu oui.

Je la laisse repartir à son poste et souris à Ghyslaine en tendant ma tasse

Le téléphone de mon amie sonne, elle décroche

.... Bonjour monsieur

....

.... Si.

....

.... Elle boit son café monsieur

.....

.... Je ne vous interdis pas de vous joindre à nous.

....

.... Bah comme ça, vous pourrez me dire que je suis une bonne employée au lieu de me disputer

J'entends le rire de mon mari.

Ghyslaine raccroche et me sourit.... Le ponte arrive !

La porte s'ouvre sur le PDG, je vois ses yeux clairs, je sais qu'il est de bonne humeur. Ghyslaine se lève pour lui serrer la main.

.... Madame Germain, je souhaiterais que la malice de ma femme ne déteigne pas sur mon personnel !

Ghyslaine ... Je n'ai pas besoin de Mélissandre pour ça.

Matthieu sourit et me regarde. ... Quand tu t'absentes, essaie de me dire ou tu vas, ça m'évitera que je fasse le tour de la société !

.... Monsieur Jorelle, je suis comment vous dire, en coupure repas !

Ghyslaine a servi un café à son patron.

Tendrement je lui propose.... Monsieur Jorelle, vous pourriez aller voir madame Lombard ?

... Pour ?

... Je ne sais pas, pour la rassurer, elle pleure depuis mercredi.

Il sonde mon regard, un léger sourire ironique aux lèvres. Je me sens rougir légèrement. Va-t-il me remettre en place là tout de suite devant Ghyslaine ?

Il se tourne vers Ghyslaine. ... Elle est là ?

... Oui bien sûr

... Appelez-là !

Ghyslaine se lève et va chercher Claudine, qui blêmit quand elle voit son patron.

Tranquillement il croise ses jambes et se tourne vers la jeune femme ......... Madame Lombard, le B-A BA d'une standardiste est de se renseigner de qui est au téléphone, ensuite de faire préciser quel interlocuteur il veut, et de ne pas vous tromper de bureau.

Il la regarde, elle n'a pas baissé les yeux, je peux voir qu'ils brillent de larmes.

Il reprend ironique .... Votre responsable ne vous a pas expliqué tout ça ?

... Si monsieur.

... Parce que si madame Germain, ne fait pas son travail, je la mets à pied !

Je souris à Ghyslaine, je sais que Matthieu plaisante

... Non monsieur madame Germain m'a expliqué, mais ce monsieur insistait pour avoir le responsable de la société

... Sachez madame que tous, vous demanderont le responsable, n'est-il pas mieux d'avoir à faire à Dieu qu'à ses saints ?

... Oui monsieur

... Et croyez-vous que je n'aie que ça à faire de répondre au téléphone ?

... Non monsieur

... Vous triez les appels, ensuite ma secrétaire trie ceux que vous lui passez, et enfin je prends selon l'importance. Si je sais que c'est un publicitaire qui me fera perdre mon temps alors ma secrétaire est payée pour s'en dépatouiller. Comprenez-vous ?

... Oui monsieur !

... Parfait, alors quittez cet air de martyr, au risque que ma femme me gâche ma soirée avec des remontrances comme quoi je tourmente mon personnel !

Il lui fait son sourire qui tue, elle réussit à se détendre un peu et murmure .... Merci monsieur le président

…... Bien !

Il se tourne vers moi .... Madame Jorelle, daignerait-elle venir taper mon courrier ?

... Heu oui j'arrive.

Il se lève et m'attend, j'embrasse mon amie et serre la main à Claudine qui est figée.

Sur mon bureau le dictaphone. Je me mets tout de suite à la saisie, Matthieu est parti dans son bureau.

L'après-midi passe rapidement, je n'ai pas le temps de lever la tête, qu'il est déjà l'heure de partir.         

3 septembre 2001

Le cabinet d'Alexandre

En arrivant au travail, Matthieu me prévient que ce midi nous mangeons avec son cousin. Je le regarde de travers

... En quel honneur ?

... Il ouvre son cabinet aujourd’hui, et aimerait nous faire partager ce bonheur.

... Ah !

Nous nous séparons devant nos bureaux. Tout en allumant mes machines et ouvrant mes armoires, je réfléchis à comment me soustraire de ce déjeuner.

Je porte un café à mon mari, il me tend le parapheur.

Je le pose sur mon bureau et emmène chez mon directeur les deux cafés que j’ai préparé

Il se lève à mon entrée prend le plateau de mes mains et m’embrasse chaleureusement.

Nous nous asseyons, tout en tournant mon sucre dans la tasse, je récapitule vite fait ce que je voudrais lui dire

... Tout va bien Mélissandre ?

... Oui, heu, je peux vous demander quelque chose ?

... Bien sûr mon petit, qu’est-ce qui se passe ?

... Déjà je voulais vous remercier pour ce merveilleux week-end, j’ai été heureuse ces deux jours chez ma grand-mère

Il sourit .... Vous n’êtes pas heureuse autrement ?

Je rougis un peu .... Heu si bien sûr.

Le visage sérieux, toute trace de sourire disparue, il sonde quelques instant mon visage. Des instants qui me paraissent longs, je finis par rougir et baisser les yeux.

.... Qu’est-ce qui se passe mon petit ?

Une boule au fond de la gorge, j’essaie de prendre une respiration normale, mon pouls s’est accéléré.

... Heu, bah voilà, enfin c’est un peu compliqué en fait.

... Matthieu ?

Je souris et fais non de la tête, je repose ma tasse, cherche mes mots, et sans réfléchir davantage, comme à mon habitude je me jette à l’eau impulsivement.
... Pourquoi votre fils m’attaque toujours ?

... Je pense qu’il a compris, que vous n’étiez en rien dans l’attitude de mademoiselle Frontasky

….. Heu, comment ça ?

…... Disons que cette demoiselle, que vous aviez amicalement mis en garde, a certainement mal interprété votre disons, avertissement.

…... Pourquoi Patrick ?

….. Pourquoi je l’ignore mon petit ! N’a-t-elle pas saisie votre intervention ? L’a-t-elle mal discernée ?

…... Patrick je lui ai textuellement dit, de ne pas s’emballer, et d’être prudente, je n’ai rien dit de répréhensible contre Alexandre.

... Que pourrais-je vous dire ?

.... Je suis peinée, je ne veux pas que Matthieu s’engueule avec son cousin, et en plus je ne comprends pas Christine

... Que ne comprenez-vous pas ?

... Mais son attitude, déjà avec Matthieu, pourquoi elle agit comme ça ? On dirait que Matthieu va la piler sur place.

... C’est une petite introvertie

... Patrick, j’appréciais beaucoup Christine, je respectais ce que je prenais pour de la douceur, de la candeur, mais je m’aperçois qu’elle joue à la petite fille, et de ce fait attire le regard sur elle.

Patrick éclate de rire .... Mélissandre, arrêtez le droit et faites psycho, je vous l’ai déjà dit.

Je souris, prête à rire .... Non mais soyez sérieux.

... Je suis sérieux !

... Mais pourquoi ? Pourquoi avec Matthieu ?

.... Matthieu représente l’autorité à double sens, est-elle ainsi avec Thibault ?

... Ah je ne sais pas. Et avec vous ?

... J’ai déjà eu l’occasion de parler avec elle ici même en tant que DRH. Je la sais timide, mais ne l’est-on pas dans ce cas-là ? Les jours passant, elle arrivait à sourire en me portant un café. Si je demandais comment elle allait elle répondait clairement. 

... Patrick je peux vous parler en toute sincérité ?

... Bien sûr mon petit, vous le savez et le devez.

... Serait-elle amoureuse de Matthieu et du coup comme Alexandre ressemble beaucoup à son cousin, elle aurait reporté cet amour sur votre fils ? Enfin je ne sais pas comment vous expliquer mon ressenti

.... Il m’aurait fallu parler en profondeur avec mademoiselle Frontasky pour le savoir.

Je fais oui de la tête, regarde mon oncle et lui souris .... Patrick pourquoi vous m’avez battu froid la semaine dernière ? A cause de l’altercation avec Alexandre ?

Il m’observe, détaille mon visage que je voudrais serein.

….... Aucun rapport Mélissandre, Je ne prends pas parti pour mon fils, il a suffisamment de tempérament pour démêler ses problèmes.

….... Alors pourquoi ?

….... Pour la même raison, que vous me posez cette question.

.... Comment ça ?

.... Mélissandre, je vous estime hautement, non parce que vous êtes madame Jorelle, mais parce que vous êtes, vous ! Franche, spontanée, loyale.

Il sourit et demande .... Vous en voulez d’autre ?

Je ris ... Non ça va merci, mais ça ne répond pas à ma question

... Il m’est difficile d’être entre une nièce que je chéris et un fils au caractère fort.

.... D’accord merci Patrick. Vous serez là ce midi ?

... Bien sûr !

... Il y aura qui ? Vous le savez ?

... Maryse, votre grand-mère, monsieur et madame Germain, mademoiselle Frontasky

... Ah oui tout le monde quoi !

 .... N’ayez aucune crainte.

... Non je ne crains rien non plus. Vous savez je sais me défendre.

Il sourit ... J’ai cru remarquer.

Je lui souris aussi et demande taquine .... Comment les deux cousins peuvent avoir un caractère aussi fort, et vous Patrick vous ne perdez jamais votre calme.

Il éclate de rire .... Mélissandre, jeune j’étais fougueux comme les garçons, j’ai appris par mes études qu’il ne sert à rien de monter au créneau. Je suis aussi énergique qu’eux, seulement je sais tempérer.

... Je ne voyais pas Alexandre comme ça.

... Comment comme ça ?

... Avec ce caractère ressemblant tant à Matthieu.

... Petit, ils étaient si souvent associés. Les gens de passage les prenaient pour des frères, si semblables en tout.

.... Voyez, c’est là Patrick que je me demande comment fera Christine le jour où ils ne seront pas d’accord. Il va l’écraser d’une pichenette.

... Comment faites-vous avec Matthieu ?

.... Heu bah je réponds, je ne me laisse pas faire.
... Alors elle apprendra ou partira.

Je le regarde surprise de sa réponse .... Vous pensez que leur histoire n’est pas solide ?

... Disons que j’aurai plutôt vu une jeune fille un peu plus dynamique. Alexandre est comme Matthieu, il a besoin d’ardeur. Ne va-t-il pas se lasser ?

... Alors là Patrick, je ne saurais pas vous dire. Vous n’aimez pas Christine ?

Il rit, de ce petit rire léger ... Non que je ne l’aime pas, je n’ai pas besoin de lui prouver mon amour. Disons que je l’apprécie à sa juste valeur.

... Hum, oui bien sûr.

.... Que dire mon petit ? C’est sa vie, je n’interférerai pas. Mais il est certain que ça pliera où ça rompra.

Je ramasse les tasses et en souriant je lui fais comprendre qu’il me faut aller travailler.

... A tout à l’heure mon petit.

... Merci Patrick pour cet échange.

Je referme la porte de communication. Un œil à la pendule me fait savoir que nous avons parlé plus d’une heure. Rapidement je fais la mise sous plis des quelques lettres, tout en pensant aux paroles de Patrick. Aurait-il compris comme moi, que Christine n’est pas réellement amoureuse ?

Je jette les enveloppes dans la corbeille à courrier et téléphone à manou.

... Oh ma poupée, j’attendais ton appel.

... Désolée manou, j’ai trainé un peu.

... Nous étions ravis avec Patrick de votre présence.
... Et nous aussi manou. Alors dis-moi ce que te tracasse.

... Oui j’ai un problème de décision.

J’éclate de rire ... Toi manou indécise ?

.... Disons que je ne voudrais pas passer pour une ingrate

.... Mais pourquoi ?

... Voilà, tu sais qu’avec Patrick nous habitons la semaine ici et le week-end à Neuilly, mais en fait Patrick ne se sent nulle part chez lui. Je voulais donc vendre la maison et nous aurions acheté la nôtre tu comprends.

.. Bah évidemment manou, et où est le problème.

... Disons qu’il m’est difficile de quitter cette maison ou j’ai eu mes enfants, ou j’ai tant de souvenirs. Et puis que va penser ton oncle, alors qu’il a tant donné pour faire les travaux.

... Manou tu ne peux pas t’arrêter sur ces considérations. Tu commences une nouvelle vie, tu dois tourner la page. Je ne te dis pas d’oublier tes souvenirs, mais tu dois t’en créer d’autres. Ta vie maintenant c’est vous deux.

Manou m’avance tout un tas d’arguments que je balaie directement, lui démontrant que sa vie ne regarde pas son fils, qu’elle doit penser à son mari.

Une demi-heure plus tard, manou fini par se ranger à mes opinions. Nous nous faisons bisous en nous disant à tout à l’heure

Je vais faire la petite vaisselle, en entrant dans le bureau je vois mon mari assis à ma place, les bras croisés sur le bureau.

Je souris ... Monsieur Jorelle vous avez changé de poste ?

.... Madame Jorelle je vous attends !

... Heu oui, tu as besoin de moi ?

... Nous sommes attendus je te rappelle. Il est midi vingt

... Ah heu oui.

Nous descendons le boulevard à pied. Tout en me rassurant puisqu’il y aura tout le monde, malgré tout j’angoisse un peu de savoir si Alexandre ne va pas me prendre de front. Bon je ne vais pas quitter la main de Matthieu, me réfugier auprès de lui. M’appuyer sur son épaule que je sais forte.

Matthieu pousse la lourde porte. Je peux voir une belle plaque brillante en cuivre

‘’ Docteur Alexandre Duval’’

Comme Patrick doit être fier. Matthieu sonne, à cette nouvelle et belle porte en chêne. Alexandre nous ouvre tout sourire. Je le trouve beau en costume cravate. J’ai eu l’habitude de le voir en jeans ou pantalon de toile et polo ou chemisette.

Il embrasse Matthieu et m’enlace .... Bonjour belle cousine.

Sur la réserve je le regarde droit dans les yeux. Les siens sont pétillants de bonheur. Je lui trouve un air malicieux. Dans l’oreille il me susurre

.... Faisons une trêve belle cousine. Nous parlerons si tu le souhaites.
Pendant ce temps Matthieu embrasse sa tante, je regarde le cousin sans répondre et embrasse Maryse à mon tour.

D’un pas décidé entrainant mon mari je vais dire bonjour à Christine qui me sourit mal à l’aise.

... Bonjour Mélissandre, bonjour Matthieu.

Matthieu répond sèchement ... Bonjour Christine.

Je m’avance pour l’embrasser, Matthieu ne fait pas un geste. Bon qu’est-ce qui se passe encore. Je demande où sont Patrick et ma grand-mère, au même moment la sonnette retentit. Manou au bras de son époux. Dans un tailleur d’excellente coupe, légèrement maquillée, la touche de Bénédicte sur sa coiffure. Elle est resplendissante. Mon cœur s’emballe de joie.
Alors que nous nous sommes vues ce week-end, je l’embrasse comme si j’avais six mois à rattraper.

Un joyeux brouhaha emplit le bureau du médecin. Ghyslaine et Marc arrivent à leur tour, suivit de très près de mon père et Anne-Marie.

Matthieu discute avec sa tante, je me rapproche de ma belle-mère, lui demande des nouvelles de leurs vacances. J’évite au maximum de m’approcher de Christine ou même de Ghyslaine. J’ai un peu de ressenti envers mon amie. J’ai l’impression qu’elle s’est rapproché bien plus de Christine, tout en s’éloignant de moi. Non que je sois jalouse, mais j’ai cette incompréhension qui me dérange.

Alexandre sert le champagne sans compter. Les bouteilles se suivent à une allure vertigineuse. Il faut dire que nous sommes dix personnes

Alexandre murmure quelque chose à l’oreille de Christine, qui fait oui de la tête. Direct je vais vers Matthieu et essaie de m’intéresser à l’échange qu’il a avec mon père qui me dit en souriant.

... Je viens juste de vous inviter pour ce week-end.

... Ah cool papa, oui

Matthieu rit ... Voilà Bernard, vous avez la réponse !

Mon père sourit .... Ton mari me disait te demander avant de me donner la réponse

... Bah si bien sûr, il pouvait dire oui tout seul comme un grand.

Nous rions, d’un coup d’œil je fais le tour du cabinet, qui sent bon le neuf et le propre. Tout a été refait et bien calculer. Un grand bureau avec deux bibliothèques contenant des livres. Devant le bureau deux fauteuils en tissu. Le siège du docteur est une chaise haute de bureau, en cuir. Une cloison sépare ce bureau de la salle d’auscultation.
Une table longue, un meuble avec des instruments, un tabouret dans le coin, et un valet sur pied. Tout est neuf et rutilant.

Alexandre donne le départ pour aller au restaurant. Je me sens mieux, à table, je sais que personne ne pourra critiquer mon indifférence envers mes amies, au cas où ce ne serait pas passer inaperçu.

Tous à pied, nous nous rendons dans le restaurant dont nous avons nos habitudes. Une grande table a été réservée. Un menu spécial a été commandé.

A table, tout le monde devise tranquillement. Je me suis arrangée pour être à côté de mon mari et à ma droite Patrick. Si je croise le regard de l’une ou l’autre je souris, mais ne dit rien.

Deux bonnes heures plus tard, nous quittons le restaurant, je suis étonnée que personne ne se disent au revoir. Avec Matthieu nous rentrons au bureau. Ni Christine puisqu’elle a pris sa journée, ni Ghyslaine ne remonte avec nous.

Dans l’ascenseur, Matthieu me fait savoir, qu’il a juste sa mallette à prendre au bureau, et que nous allons tous à Neuilly.

... Tous ? Heu tout le monde ?

... Oui darling.

... Ah je ne savais pas.

... Je n’ai pas eu le temps de te prévenir, ça s’est décidé ce matin, avec Maryse.

... D’accord !

Je le laisse prendre sa mallette, nous redescendons en ascenseur jusqu’au parking.

Dans le salon, un joyeux brouhaha s’élève, fait de rire et de gaité. Nous nous serrons sur les canapés.

Chacun y va de sa petite blague envers ce tout jeune médecin. Il rit de ce rire, qui ressemble tant à celui de Matthieu.

Plus je l’examine, plus je le connais et plus je vois la parenté entre eux. Ce sont deux Duval purs et durs. Je sais par la tante que le grand-père, était du même acabit. Bel homme de caractère, menant tout le monde avec finesse mais fermeté. Patrick soit- disant lui ressemble physiquement

Quoique je pense Matthieu plus totalitaire, de par ses fonctions à faire tourner une grande entreprise. Alexandre serait peut-être plus affable, lui aussi de par son métier de médecin. Obligé d’écouter la misère et les petits bobos de ses patients.

Catherine et une autre jeune fille, posent des plateaux de rafraichissements. Les deux cousins font le service. Alexandre me tend un verre en me faisant un grand sourire. Je le remercie, sans sourire, je me méfie d’une colère qui pourrait être en sommeil.

Maryse propose une petite promenade dans le parc, pour une meilleure digestion. Nous voilà tous à sortir sous le soleil de ce début septembre.

J’attends Matthieu qui laisse passer tout le monde, avant de descendre les quelques marches.
... Tout va bien darling ?

... Oui et toi ?

Il baisse son regard vers moi et me sourit, sans parler, il attrape ma taille, je mets mon bras autour de la sienne, nous marchons en cadence. Je vois Alexandre se retourner sur nous et attendre. Nous arrivons à sa hauteur

... Matthieu me laisseras-tu deviser avec ta femme ?

... Bien sûr, je t’en prie.

Mon mari me lâche, me laissant là, déconcertée quant à l’attitude que je dois avoir. Mon pouls s’accélère. Alexandre encercle mes épaules et m’attire vers une petite allée transversale. Je ne dis rien. Il m’oblige presqu’à m’assoir dans l’herbe et se met en face de moi, en costume il s’assoit dans l’herbe j’ai envie de rire. Je mets mes jambes sur le côté et joue avec un brin d’herbe

.... Mélissandre, dissipons ce malaise entre nous !

Je le regarde, essaie de chercher dans ses yeux de l’animosité. Il sourit, ses yeux clairs et pétillants m’envoie un message de gentillesse

... Ce n’est pas moi qui aie créé ce malaise Alexandre.

.... Disons que j’ai eu une version un peu erronée ou extrapolée.

... Ah ! Et comment as-tu su que les dires étaient faux ?

... Par ton amie, qui est malheureuse de cette dissension

J’éclate de rire .... Ah, alors elle te raconte des faux prétextes elle fait courir des bruits et après elle est malheureuse ?

Il sourit .... Non belle cousine, c’est Madame Germain ton amie, qui a remis les points sur les I

... Comment ça ?

... Disons que Christine ayant perçu chez toi, une censure à notre relation, m’a rapporté tes supposés dires de façon, un peu imagée.

... Ah !

... Un soir que j’étais avec son mari, madame Germain m’a convié à diner, nous avons discuté, elle m’a expliqué que je faisais fausse route sur ce qui m’avait été rapporté.

... Et tu ne pouvais pas tout simplement me demander, au lieu de m’agresser ?

Il éclate de rire .... Belle cousine au tempérament fougueux. Disons que Christine n’est pas très expressive, et il est difficile de communiquer si elle est soucieuse.

... Donc elle raconte à sa sauce, et hop tu t’en tiens là, sans chercher plus loin.

... Mélissandre, quitte ce ton de reproche, je suis là pour faire la paix, et recommencer notre relation sur un meilleur pied.

Je pousse un soupir, essaie de respirer calmement. Moi aussi je voudrais faire la paix, mais j’en ai gros la patate, qu’on ait pu penser que j’étais jalouse. Je sens les larmes monter.

... Mélissandre, les choses étant claires maintenant, reprenons notre relation de cousin-cousine là où nous l’avons laissé

Je fais oui de la tête, n’arrivant pas à parler de peur d’éclater en sanglots.

... Alors oui je venais de jeter Isabelle aux yeux de tous, mais ça faisait un an que je savais que je ne ferais pas ma vie avec elle. Matthieu m’a aidé à m’en délivrer, et je l’en ai remercié. Ne crois pas que je coure après chaque jupon. Avec Christine je n’ai qu’une relation toute amicale ! Elle ne peut infirmer

... Ecoute, c’est votre histoire, j’ai voulu essayer de protéger celle que je considérais comme une sœur, maintenant je ne m’en mêlerai plus, et même si je voyais un quelconque problème, je ne ferais rien

.... Tu ne la considère plus comme ta sœur ?

... Disons que je suis refroidie.

... Elle est peinée de ta froideur

.... Non Alexandre, ce n’est pas de la froideur, disons que je me tiens sur mes gardes, et à part lui parler boulot ou demander des nouvelles des miens, je n’aurais pas d’autre conversation avec elle.

... Ne veux-tu pas t’expliquer avec elle ?

... M’expliquer de quoi ? Pour qu’elle prenne mes paroles à contre sens ? Qu’elle aille bavasser je ne sais quoi !

.... Et si c’est Christine qui vient à toi ?

Je hausse les épaules, je ne sais que répondre. Ironique je demande
.... Et son attitude envers mon mari, ça ne t’interpelle pas ?

...... Nous en avons parlé, elle craint Matthieu.

....... Arrête Alexandre, il ne l’a jamais engueulé même pas au travail, quand elle me suppléait à la direction. Se serait-elle, là aussi imaginée des trucs qui n’existent pas ?

... Je ne pense pas, non, quels trucs ?

... Ah je ne sais pas, demande-lui ! Et surtout demande-lui de t’expliquer pourquoi ici elle le vouvoie et lui donne du monsieur et au travail devant les autres, elle le tutoie l’appelle Mathieu et rigole avec lui. Parce que là je suis curieuse !

Il sonde mon visage, pour savoir si j’ai tout dit, si je ne lui cache pas quelque chose. Je souris hypocritement. Qu’il se démerde avec sa dulcinée

D’un bond il se lève, secoue son pantalon et me tend la main, je me lève à mon tour. Les mains dans les poches de son pantalon, Alexandre marche au même pas que moi. Nous remontons vers la gloriette sans un mot. Je crois que tout est dit.

Nous ne rencontrons personne, je me demande s’ils sont rentrés. Alexandre monte les quelques marches en bois je le suis. Nous nous asseyons, laissant passer quelques minutes de silence

Alexandre .... La paix est signée belle cousine ?

Je souris ... Oui bien sûr.

... Rentrons-nous ?

... Oui

Je me lève, d’un geste qui me surprend, Alexandre m’enlace et me claque deux bises sur les joues. Je réponds avec joie, je sais qu’il n’y aura plus de quiproquos entre nous.

Il me tient par les épaules et en riant .... Belle cousine, lorsque j’aurai un doute, je viendrai te trouver, je te sais franche et sans détour. Matthieu a trouvé une perle rare, un joyau en toi.

Je lève la tête vers lui. .... Christine n’est pas une perle rare ?

Il rit .... Une perle rare, ne se trouve pas deux fois !

Je suis étonnée de cette réponse ... Que comptes-tu faire ?

... Comment ça ?

.... Avec Christine

... Le temps nous le dira.

.... Alors je ne comprends pas ce que vous faites ensemble si tu n’es pas sûr de toi.

... Ne te méprends pas Mélissandre. J’apprécie Christine, nous nous découvrons. Certains côtés m’attirent, tandis que d’autres me posent questions.

Nous arrivons devant l’envolée de marches menant à la maison, je n’insiste pas.

Alexandre .... Nous en reparlerons si tu le veux bien. Tu connais ton amie, peut-être pourras-tu m’en dire davantage, qu’elle ne veut en laisser paraitre.

Je ne réponds pas, Marjorie sourire aux lèvres a ouvert la porte.

Nous rejoignons la tribu au salon, ils sont à l’apéritif. Je vois le regard sombre de Christine, je ne m’attarde pas

Maryse ... Bah les enfants où étiez-vous passés ?

Alexandre .... Ma tante, dans le parc, où voulez-vous qu’on soit ?

Le ton froid d’Alexandre arrête net sa tante dans sa curiosité. Mon mari me tend un verre de martini, son sourire à couper le souffle éclaire son visage. Je me hisse sur la pointe des pieds pour effleurer ses lèvres.

Il m’attire près de mon père pour nous asseoir. Le froid installé dans le salon à notre entrée, s’efface petit à petit, les conversations de tous genres reprennent.

Le diner se déroule dans une bonne ambiance. Mes parents repartent emmenant une Christine renfrognée. La famille Germain quitte aussi le domaine, en m’embrassant Ghyslaine me demande comment je vais. Je réponds gentiment. Manou et Patrick restent à Neuilly, nous repartons à l’appartement.

En chemin Matthieu me demande si j’ai pu m’expliquer avec son cousin. Je lui raconte les gros traits de nos échanges.

Cette nuit nous ferons l’amour comme des assoiffés, des boulimiques, prenant une revanche sur ce mal-être qui m’habitait je me donne entière et sans réserve.

Je ne revois pas Christine qui a posé trois semaines de congés. Je ne demande rien, ni où elle est, ni ce qu’elle fait.

Mercredi Ghyslaine m’invite à déjeuner. Elle essaie de discuter de Christine. Je n’y vais pas par quatre chemins, lui envoyant ce que j’aie sur la paillasse. Lui faisant comprendre que depuis son rapprochement avec Christine je suis passée à la trappe.

Ghyslaine se défend, m’expliquant qu’ayant de fréquents rapports avec Alexandre, elle se sent obligée d’inviter Christine. 

.... Mélissandre, je ne suis pas une girouette, tu es et resteras mon amie. Sache que je n’ai que toi en véritable amie. Christine est une copine, une bonne collègue, point barre ! Si tu as pensé que je m’étais éloignée tu as eu tort, mais je n’arrive pas à t’aborder, systématiquement tu refuses ma présence.

... Comment savoir ? A qui faire confiance ? Tu sais la trahison de Lise m’a servi de leçon, je suis devenue méfiante. Tu peux faire de Christine ton amie, tu as le droit d’en avoir plusieurs, mais sache que depuis tous ces problèmes je me tiens sur mes gardes. J’ai découvert un trait de caractère de Christine qui ne me plait pas, donc je préfère me tenir à distance. J’aime, non j’adore mon mari, et à lui seul je fais confiance

Elle rit ... Tu peux, parce qu’il devient féroce quand on ose toucher à un de tes cheveux.

... Comment ça ?

.... Chaque fois que tu es mêlée de loin ou de près à un problème, monsieur Jorelle sort les griffes et balaie tout devant son passage sans aucune considération pour celui qui est devant.

... Tu veux me dire quoi ? Tu sais quelque chose ?

.... Non ma belle, rien de particulier, mais je le sais c’est tout. J’ai bien vu avec Lise. Et je me suis aperçu qu’il battait froid Christine.

... Heu, oui peut-être.

...Mélissandre, j’ai eu une conversation avec Alexandre Duval, j’ai remis les choses à leur place.

Je le sais, par la conversation que j’ai eu avec le cousin, mais je veux en savoir d’avantage, qu’est-ce qui a fait qu’il soit revenu vers moi. Innocemment je demande

... Ah ! Et tu as dit quoi ?

... Ce qui devait être dit. La vérité. Que jamais au grand jamais tu avais interdit à Christine d’avoir cette relation, simplement que tu l’avais mise en garde de ne pas précipiter les choses, et d’attendre qu’elle soit sûre.

... Et il a dit quoi ?

... Il m’a demandé des explications, ce que je lui ai donné, répétant mot à mot ce que tu avais dit à Christine, puisque tu me l’avais répété. J’ai grande confiance en toi Mélissandre, je sais que tu ne mens pas.

... Mais elle non plus ne mens pas, enfin elle ne nous avait encore pas donné le prétexte de douter d’elle.

.... Non je ne pense pas qu’elle mente, quoique des fois il y a eu des quiproquos qui font méditer. Je suppose qu’elle a voulu rapporter tes propos en donnant sa version, sans penser à mal. Elle a peut-être un peu grossi votre conversation.

... De toute façon Gi, je ne dirai plus rien. Elle m’a déçue franchement. J’en viens à me demander si ce qu’elle nous a dit sur sa mère, n’a pas été amplifié, qu’elle ne cherchait pas une excuse pour se barrer de chez elle.

... Non, Mélissandre, j’ai eu sa mère à plusieurs reprises au téléphone, et elle s’emporte facilement. Mais là aussi la dernière conversation laisse à penser que Christine n’a pas tout dit

... Ouais, enfin de toute façon, avec Christine ça sera bonjour-bonsoir et basta.

.... Ça reviendra petit à petit, si avec Duval fils, vous vous côtoyez

... Ça sera moins qu’avant de toute façon. Dans le sens où nous irons à Neuilly que tous les quinze jours.

... D’accord, ma belle. On rentre ?

Bras dessus, bras dessous, nous retournons au travail, j’accepte de boire le café avec mon amie retrouvée.

Vendredi Matthieu vient me chercher à onze heures, nous rentrons à l’appartement. Dans l’entrée des bagages.

La surprise est immense. Nous allons une semaine en Dordogne. Nous faisons le plein de tendresse, d’amour et de repos.

En rentrant ce samedi après-midi, nous allons directement chez manou, qui m’apprend que son pavillon est en vente, et que quelques visites ont été effectuées. Un couple avec deux enfants semble très intéressé.

Je demande à manou si elle a une autre maison en vue. Elle me fait savoir qu’en attendant de trouver, ils iront à Neuilly

Alors que nous nous trouvons toutes les deux dans la cuisine, je m’informe à savoir si tonton est au courant.

Le regard de manou se voile. Il aurait répondu, à sa mère, qu’elle n’avait pas besoin de ses conseils, entrée dans une grande famille, qu’elle prenne plaisir à vivre leur train de vie

J’ai regardé ma grand-mère sans comprendre et lui ai demandé de m’expliquer

.... Ils sont écartés maintenant, et d’autant que je suis avec Patrick, alors ils sont blessés et se sentent mis de côté.

... Alors parrain n’est pas juste. Tu n’y es pour rien !

Manou hausse les épaules, et empoignant la corbeille de pain, me prie de la suivre, et de ne parler de rien

Nous rentrons dimanche soir sur Paris. Je discute avec mon mari de cette vente de maison.

Après avoir tergiversé, mercredi après-midi, une fois le courrier plié, j’envoie un mail à ma cousine

Salut Lison, comment vas-tu ? Que deviens-tu ? As-tu écrit ou téléphoné à mon mari ? As-tu des nouvelles de manou ?

En attente de te lire, je t’embrasse. Méli

Le soir pendant le repas j’essaie de savoir si Matthieu a eu ma cousine au téléphone, ou si elle a écrit.

... Non pourquoi ? Tu as des nouvelles ?

... Heu bah non justement.

.... Alors que veux-tu que je te dise ?

... Non rien c’était juste pour savoir.

Je ne dis rien du mail que je lui ai envoyé. Je sens que ça l’agace quand je parle de Lise.

Vendredi nous allons directement à Neuilly. Maryse est seule. La soirée est très calme

Samedi midi manou et Patrick nous rejoignent, je suis contente.

Matthieu demande à sa tante .... Comment va Alexandre ?

.... Il a assez de travail, il est lancé. Les clients affluent je pense par curiosité

Matthieu sourit .... Il se fera une belle réputation. Le verrons-nous ?

Maryse pousse un soupir ... Je ne le vois guère.

... Comment ça ? Il ne réside pas ici ?

... Si bien sûr,

... Alors vous le voyez, que voulez-vous de plus ? Il ne va pas vous faire la lecture

... Ne sois pas ridicule !

... Il a son travail, il a une vie extérieure, n’a-t-il pas droit à sa liberté ? Vous voulez lui moucher le nez ?

... Ce n’est pas ce que je dis, maintenant je vous vois une semaine sur deux, et Alexandre ne passe que rarement son dimanche ici.

... Ma tante, j’ai aussi une belle famille, qui demande à voir ma femme ! Si vous vous ennuyez prenez des pensionnaires !

... Que ferais-je de pensionnaires ?

... De l’occupation, prenez des étudiantes par exemples, louez à bas prix deux ou trois chambres, vous aurez de l’animation

Je vois les yeux de la tante se mettent à briller, j’ai envie de sourire

... Crois-tu cela faisable ?

Matthieu éclate de rire ... Et pourquoi pas ?

... Mais comment saurais-je si ce sont des étudiantes de qualité ?

.... N’ayant pas assez de travail à la société, je vais comme d’habitude m’en occuper !

Maryse pousse son petit rire de comtesse .... Vois-tu comme tu sais être obligeant mon neveu.

Nous rions, le bon ton est donné. Matthieu se ressaisit en souriant. Toutefois, il la met en garde

... Pas de familiarité, je ne les veux pas à notre table quand nous sommes en famille ! L’escalier de service leur sera réservé.

La tante s’empresse d’acquiescer ... Oui, oui bien sûr.

... Et dès que j’aurais le dos tourné vous en ferez à votre tête

Elle rit ... Voilà, tu as tout compris

... Les chambres du haut, aucune des nôtres, aucune du premier. C’est bien compris ?

... Mais oui ne t’inquiète pas.

... Et le personnel, n’est pas à leur disposition. Entendons-nous bien.

Comme une petite fille Maryse répond .... Oui d’accord.

Nous passons à table. Patrick nous apprend que dans la semaine, ils vont visiter un bien immobilier que je connais, pour être passée souvent devant. Une maison, plutôt une belle demeure, avec ses grandes portes fenêtres à petit carreaux. Un immense jardin, caché par des grilles hautes. Dans le quartier huppé de la ville, pas loin de chez mon père.

Matthieu ... Vous visitez quand ?

... Jeudi nous avons rendez-vous à quinze heures.

... Bien !

... Vous voulez venir avec nous ? Je pense que cela ferait plaisir à ma femme.

Je regarde manou qui me sourit en plissant ses yeux, je me tourne vers mon mari qui me regarde interrogatif

D’une voix émue je réponds .... Oui, je veux bien.

Matthieu ... Ok, nous déjeunerons ensemble et nous irons à cette visite. Veux-tu que nous emmenions Garcia ?

Patrick ... On peut oui !

Manou ... Qui es Garcia ?

Matthieu .... Un architecte, qui détectera tout de suite un problème

Manou ... Quel problème ?

Matthieu ... Une fissure ou autre, que sais-je

Manou .... D’accord, merci Matthieu

... De rien chère manou.

Maryse, évidemment rajoute son grain de sel.... Il me tarde de vous voir installer alors.

Patrick .... Ma chère sœur, non que je ne veuille pas que tu te joignes à nous, mais qu’est-ce à dire si nous venons en délégation ?

Maryse de son air de petite fille rabrouée, me fait sourire .... Oui bien sûr je comprends

Nous passons un après-midi tranquille, un dimanche au calme. Nous rentrons sur Paris, après avoir diné. Patrick et manou partent aussi.

Publicité