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13 juin 2000

Enthousiasme

Au standard une jeune femme, me sourit et me demande par qui je suis attendue.

... Bonjour madame, je suis la cousine de mademoiselle Robin.

... Elle ne devrait pas tarder.

... Merci, je vais l'attendre.

Je me mets sur le côté de façon à ne pas gêner, quand je vois Lison arriver.

Elle m'embrasse. ... Tu vas bien ?  Viens je te présente.

Elle va vers la jeune femme derrière le standard et lui fait la bise.
... Ghyslaine, je te présente ma cousine Mélissandre, elle t'a remplacé

Ghyslaine sourit ....... C'est gentil ça, merci cousine.

Je souris, et demande à Lise ce que je dois faire. Elle me répond par une moue qui prête à sourire
... Heu bah attends Duval, il ne va pas tarder.

Elle me sert un café, qu'elle pose sur l'arrondi du comptoir. Les employés défilent nous saluant et nous souhaitant une bonne journée. J'attends un bon quart d'heure, quand monsieur Duval arrive enfin.

... Bonjour madame et mesdemoiselles.

Les deux collègues répondent en cœur ... Bonjour monsieur le directeur.

Je murmure un timide bonjour. Il ne s'attarde pas ...... Montons mademoiselle Robin !

Je prends mon sac et le suis dans l'ascenseur. Nous longeons ce couloir à la belle moquette épaisse. Il ouvre la porte de son bureau et me laisse entrer. J'ai le cœur qui bat. Va-t-il me dire que mon contrat est fini ?

... Asseyez-vous j'arrive.

Il passe la tête par la porte de communication de l'autre bureau et demande un café.

Il s'assoit en m'offrant un gentil sourire. ... Bien mademoiselle Robin, cette semaine vous serez au service automobile.

... Oui monsieur, pourriez-vous m'indiquer où je dois me rendre ?

... Au premier étage 2e porte de gauche en descendant. C'est marqué sur la porte.

Je vais pour me lever quand il me fait un geste de la main. La dame grise arrive avec un petit plateau contenant une tasse de café qu'elle pose sur le bureau sans un mot. Elle repart comme elle est venue sans bruit. Je remarque qu'elle est exactement habillée comme la 1e fois que je l'ai vue. Sa robe grise assortie à ses cheveux gris raides coupés courts. Elle ressemble à une petite souris grise. Jamais un mot, jamais un sourire.

... Je vais vous faire signer un nouveau contrat, si vous voulez bien rester avec nous !

Je souris et le cœur battant le remercie. Il me tend comme la dernière fois des feuillets à parapher et signer. Mon pouls s'accélère, en en-tête et en lettres capitales je lis

« CONTRAT DE TRAVAIL »

Durée de trois mois en date de ce jour

Je reste sans voix.  Une immense joie s'empare de moi. Mentalement je compte tout juin, tout juillet et tout août. C'est plus que mes espérances. Sait-il qu’il m’offre la possibilité de continuer sans trop me poser de questions ? Sait-il que par ce contrat je vais pouvoir aller au premier semestre ?

Je paraphe à côté des initiales M.J déjà apposées et signe à droite de cette belle calligraphie. Je lui tends les papiers

Il décroche son téléphone et compose un numéro

....

Monsieur Duval. ...........Je vous envoie mademoiselle Robin.

....

Pour commencer une semaine !

....

Bonne journée.

Il raccroche et me sourit ... On vous attend.

... Merci monsieur.

Je descends les étages à pied, regarde les plaques sur les portes, et frappe à celle qui indique le service ou je dois me rendre.

... Entrez !

Je me trouve dans un petit bureau en verre, un monsieur sans âge me regarde de la tête aux pieds, peu avenant.

... Bonjour monsieur, je suis ....

Il me coupe la parole, et d'un ton sec ......... Je sais qui vous êtes. Venez !

Il se lève et m'emmène dans la pièce attenante où se trouve 6 bureaux et deux employés présents

... Dubreuil pouvez-vous initier cette personne. Faites-lui faire les récapitulatifs depuis septembre avant que l'autre aboie

Il a parlé sèchement et repart aussi vite qu'il est entré. Ça n'a pas duré deux minutes.
Un homme la quarantaine, petit légèrement bedonnant se lève et vient me serrer la main.

.......... Bonjour je suis Fabrice, venez je vais vous montrer.

Il me fait prendre place à une table de travail, un épais listing à côté d'un ordinateur.

... Vous savez vous servir d'un ordinateur ?

... Oui monsieur.

... Appelez-moi Fabrice, et vous ?

... Mélissandre.

... Joli ! Vous n'étiez pas au standard ?

... Oui je faisais un remplacement.

.... Ah d'accord. Bon ce n'est pas compliqué, sur le listing vous avez le parc automobile rangé par catégorie de véhicules, sur l'ordinateur c'est classé par agence. Il suffit de relier la voiture et de la mettre dans l'agence correspondante. D'accord ?

... Heu, je vais essayer.

... Vous avez compris ?

... Désolée, non pas vraiment.

A l'aide d'un crayon papier, il entoure sur le listing la première ligne qui représente une description de véhicule avec une immatriculation. ... Regardez ce véhicule est dans une agence, il suffit de la retrouver et la pointer en notant sur le listing l'agence.

... D'accord.

... Fais attention, tu peux avoir plusieurs agences dans la même ville. Par exemple Paris tu as les agences A-B-C jusqu'à H

... Et par quel moyen je les différencie ?

... Par ordre d'importance, toutes les villes sont classées pareilles. La A est plus importante que la B, la C moins importante que la B, tu comprends. Les plus importantes sont souvent du nom des gares. Comme Saint-Lazare ou agence de l'est

... Oui merci.

... Si tu as un souci, demande-moi.

... D'accord merci.

Il me tend le crayon et va s'assoir. J'ai entendu qu'il m'avait tutoyé, je ne dis rien.

Je commence par la première ligne du listing, sur la page de l'ordinateur je cherche l'agence 124, je m'aperçois qu'elles ne sont pas rangées par numéraire mais par lettre alphabétique, et comme je ne les connais pas, je perds beaucoup de temps.

Une fois que j'ai pointé, je fais une croix sur le listing pour m'y retrouver et note l'agence, comme me l'a conseillé Fabrice.

Je ne lève pas le nez de toute la matinée. Vers onze heures un type arrive, il me dévisage et va s'assoir sans un mot, il ouvre un journal.

L'autre type après avoir été collé au téléphone plus d'une heure a quitté le bureau.

A midi quand Fabrice me dit qu'il est temps d'aller manger, je suis contente. Je descends l'étage à pied histoire de me dégourdir un peu les jambes. Lise m'attend.

Lise ... Tu manges avec nous Ghyslaine ?

....... Non ne m'attendez pas.

Je pars avec ma cousine laissant sa collègue. Nous allons à la brasserie qui fait poulet rôti  

Tout en mangeant Lise me demande ou je suis placée.

... Au service automobile.

... Lequel ?

... Heu je ne sais pas pourquoi, il y en a plusieurs ?

Elle rit ....... En fait tous les services s'appellent service automobile.

Je souris ...... Je suis au premier, celui qui m'a expliqué s'appelle Dubreuil

Lison fait une grimace ... Beurk, ils ne sont pas très courageux dans ce service.

Je souris sans répondre, et termine mon assiette.

Elle me parle des employés, me rapportant des ragots dans des termes pas vraiment plaisants et qui me gênent.

Sa collègue est assise, à croire qu'elle n'a pas bougé de sa place. Je bois un café avec les filles. Quand je vois Fabrice rentrer, je monte aussi.

Je reprends ma place et continue mon pointage jusqu'au soir. Je n'ai qu'une hâte, que la journée se termine. Ce travail est un peu rébarbatif. Personne ne parle, nous travaillons dans un silence monacal. L'employé parti dans la matinée, arrive avec un autre que je n'ai pas encore vu. Ils n'en feront pas plus

Ce midi, je préviens ma cousine que ce soir je ne peux pas traîner, le technicien d'internet vient pour 18 heures faire l'installation.

A l'heure pile, je range mes affaires, dis au revoir à la cantonade sans attendre de réponse et rejoins Elise qui m'attend.

Au RER nous nous faisons la bise, nous souhaitant une bonne soirée.

Devant chez Manou une camionnette se gare. Je presse le pas. Un gars descend et demande Mademoiselle Robin

... Bonsoir, c'est moi, entrez.
Je l'introduis dans la maison tout en appelant ma grand-mère qui arrive du salon en criant ... Oui ma poupée

.... Manou, c'est le technicien.

Le gars chargé d'un carton d'emballage et d'une mallette d'outils me demande ou est la prise téléphonique

Je le conduis au salon. Il me suit, débranche le poste de télévision et le téléphone pour brancher les appareils. Il m'explique la télécommande. Vérifie que tout fonctionne bien.

Je fouille dans mon sac à la recherche de quelques pièces, et en le remerciant lui glisse un pourboire.

Dans ma chambre, je troque mon tailleur contre une longue tunique. Assise sur mon lit, mon pc sur les genoux, je tape le numéro à rallonge pour me connecter. Je clique sur le moteur de recherches.  Euréka ça fonctionne. 

Dans ma boîte mails, deux, trois pubs que j'efface tout de suite. J'ouvre le système pour une discussion. Je cherche ma cousine et lui envoie une invitation. 

J'envoie un mail à mon père, le rassurant sur ma vie et lui demande si à l'occasion il pourrait m'apporter le reste de mes bouquins. Je surfe un peu en attendant l'heure du repas.

Manou maugrée après sa télé, elle est un peu perdue avec sa nouvelle télécommande. Je ris en l'embrassant, et lui explique, que dorénavant la télécommande de sa télé ne lui servira que pour allumer ou éteindre le poste, quant à l'autre pour changer les chaînes, monter ou descendre le son. Je joins le geste à la parole pour lui faire la démonstration. Manou me remercie et joue avec sa télécommande.

Manou .... Ah oui d'accord, et celle-là j'éteins le poste.
 ... C'est ça Manou. 

.... D'accord ma poupée j'ai compris, allons manger.

Elle nous a concocté un lapin à la moutarde, je me régale, à en sucer les os et mes doigts. Manou rit de mon manque de convenances.

.... Je suis tellement bien ici Manou. Je me sens libre, sans être obligée de jouer à la petite fille modèle
 ... Tu as raison ma poupée, fais comme bon te semble.

Nous échangeons sur les bons usages et le manque de savoir-vivre de certaines personnes

La cuisine rangée, Manou va à sa télé, je vais prendre une douche.

Je m'allonge à demi sur mon lit, mon ordinateur sur les genoux relevés. Elise a répondu à mon invitation en m'envoyant un smiley qui tire la langue. Je souris. Tout en laissant la fenêtre ouverte, je vais sur le programme de mes études, il n'y a aucune info. Une photo de l'école nous invite à nous rendre sur notre espace personnel à partir du vingt-août. Je referme la fenêtre, mon pc émet un bip.

-      Alors Méli-mélo ça va ?

-      Ça va oui merci et toi ?

Nous échangeons une bonne partie de la soirée. La fatigue commence à me gagner au moment où Elise m'écrit

-      Je vais te laisser Mél à demain au taf.

-      A demain ma Lison, bisous

-      Bisous l'intello.

Je coupe la connexion éteins le pc et me glisse dans mon lit, je m'endors rapidement

Ce matin je pars avec un peu plus de courage que durant cette longue semaine. Je pense à demain qui ramène tonton et tata

Je suis écœurée par les employés de ce service qui se la coule douce. Le pseudo chef ne dit rien, j'ai remarqué qu'il était souvent absent, en n'en faisait pas beaucoup plus. Ils ont un emploi et ne connaissent même pas leur chance.

Cet après-midi, Leduc m'appelle. Inquiète je vais voir ce qu'il veut.

 ... Vous êtes demandée chez le directeur.

... Bien monsieur.
Je monte le cœur battant, que me veut-il ? Ai-je fait des erreurs dans mon travail ? Le chef se serait-il plaint de moi ? Je frappe et attends, une angoisse me prend aux tripes. J'ai les mains glacées.

... Entrez !

Je ferme doucement la porte et m'avance jusqu'à son bureau.

... Asseyez-vous. Comment allez-vous ?

Une boule obstrue le fond de ma gorge, je déglutis pour répondre d'une voix à peine audible.

... Bien monsieur.

... Comment ça se passe au service automobile ?

... Bien, enfin je pense

... Que vous a-t-on donné à faire ?

... Le pointage d'un listing.

... Toute la semaine ?

Mon pouls s'emballe, ne va-t-il pas penser que je suis lente ?

... Oui monsieur

... Bien ! Bien ! Bien ! Et les autres ? Ils pointent aussi des listings ?

... Je suppose monsieur !

... Vous devez bien vous rendre compte s'ils font le même travail !

Il parle gentiment, sans se départir de son sourire. Je baisse les yeux, imperceptiblement je hausse les épaules en signe d'impuissance.

... Et le chef de bureau monsieur Leduc ?

... Je ne le vois pas beaucoup monsieur.

... Oui il s'absente souvent n'est-ce pas ?

... Oui monsieur.

... Bien ! La semaine prochaine vous irez au service commercial avec monsieur Martel. C'est au premier.

Je suis contente de changer de poste. Je m'ennuie dans ce service ou pas un bruit ne se fait. C'est à croire que je travaille avec des muets. Ils sont tout juste capables de dire bonjour et bonsoir. Seul Fabrice m'adresse de temps en temps la parole. L'ambiance n'est pas vraiment le summum de la courtoisie.

Je me lève et serre la main du directeur. Dans le couloir je m'adosse au mur, espérant calmer mon pouls. Je passe par les lavabos. En mettant mes mains en coupe, je bois deux grandes rasades d'eau fraîche. Passe mes doigts dans mes cheveux et redescends.

En rentrant du travail, Manou me tend une enveloppe à l'entête de la FAC. Anxieuse je l'ouvre, vais directement au deuxième feuillet

« Admise » avec les félicitations du jury ''Mention très bien''. J'exulte et pousse un cri. Les mains tremblantes je tends les papiers à ma grand-mère

.... Explique-moi ma poupée

.... Manou, j'ai ma licence. J'ai réussi

 .... Tu es méritante ma puce. Tu as tellement étudié.

Je ris et pleure à la fois. Ma grand-mère m'attire à elle et m'embrasse toute aussi émue que moi. Je lui demande si je peux téléphoner à Lise

Ma cousine pousse un cri de joie dans le téléphone ... Ah ouais carrément, c'est trop de la balle.

... Tu m'étonnes, je suis trop heureuse, je vais pouvoir m'inscrire au master. Tu peux le dire à parrain ?

..... Oui bien sûr, je vais leur annoncer.

Nous papotons dix minutes, elle me demande si je reste dans le même service la semaine prochaine. Je lui relate les mauvaises impressions que j'aie et espère tomber dans un meilleur service. Elle me conseille d'en parler à Duval.

... Non Lise, je ne suis pas là pour faire de la délation.

...... Ouais, mais bon quand même !

Nous raccrochons. Je rejoins Manou pour manger.

En allant dans ma future chambre, je réfléchis. J'aimerais bien repeindre les meubles plus clairs. Allez, ce n'est pas très important, je suis si bien ici.

J'envoie un petit message à mon père, lui donnant mes résultats de partiels et la réussite de ma licence, je l'embrasse fort.
Je clique sur la fenêtre de ma cousine. L'indicateur me fait savoir qu'elle est connectée

Nous échangeons jusqu'à vingt-trois heures, elle me dit à demain et coupe. Je pose mon pc et me couche. Je ne tarde pas à m'endormir

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16 mai 2000

Lueur d'espoir

Pendant que manou termine la confection du repas, je vais à la boulangerie chercher une baguette de pain frais. En rentrant, elle me fait part d'un appel de ma cousine

Devant ma mine déçue, ma grand-mère sourit.
.... Elle va rappeler.

Mon cœur s'emballe. Que penser ? Deux semaines qu'on a parlé de travail. Deux longues semaines faites d'espoir et de désespoir, pour finir par abandonner cette nouvelle perspective.

Nous finissons de manger quand le téléphone sonne, Manou va décrocher, en revenant elle me fait savoir que c’est Lise

Je prends le combiné et le cœur battant l'approche de mon oreille, ma cousine est à l'autre bout.
Elle me demande comment je vais. Je sais ce qu'elle va me dire. Elle a fait le maximum mais ils n'ont besoin de personne dans l'immédiat qu'ils vont nous tenir au courant si une opportunité se présente.

Je connais la musique

Elise ...Tu as rendez-vous à 15 heures, je te donne l'adresse, tu as de quoi noter ?

... Oui attends deux minutes.

D'une main tremblante j'écris sur le bord d'une enveloppe posée là, les renseignements, la ligne de métro à prendre, la sortie à emprunter. Je la remercie et raccroche joyeuse. Je prends ma grand-mère dans mes bras.

...... Bon c'est juste pour me présenter, mais sait-on jamais.  Je voudrais y croire Manou, juste deux mois, deux tout petits mois, c'est tout ce que je demande pour l'instant

...... Oui ma poupée, il faut toujours espérer. Bonne chance ma puce.

Fébrile, je me mets sur mon trente et un, me maquille, quelles gouttes d’eau de toilette parfait ma tenue.

Féminine je m'habille moderne, sans excentricité. Ma jupe au-dessus du genou, à hauteur raisonnable pour mon jeune âge, mes talons allongent mes fines jambes, mon maquillage léger fait ressortir le vert de mes yeux. Mes cheveux châtains, mi-longs tombent en cascade sur mes épaules. 

Avec Manou nous prenons un café. Anxieuse, je pars un peu après quatorze heures en direction de la station du RER. Mon dossier contenant mon cursus scolaire et mes quelques contrats de travail sous le bras, mon CV et une lettre de motivation, agrémentée d'une petite photo couleur.

J'arrive légèrement en avance. Ma cousine sur le trottoir fume en me guettant, elle rit en me voyant

  ... Bah au moins tu n'es pas en retard, allez viens je t'emmène voir le dirlo.

Tremblante, le cœur battant, je lui emboîte le pas. Nous entrons dans un grand hall. L'ascenseur nous conduit au 3e et dernier étage, une moquette épaisse étouffe nos pas. Elise s'arrête devant une porte au fond du couloir, me regarde et me sourit comme pour me donner du courage. Je prends une grande inspiration.

Elle frappe on entend "" Entrez""

Elle ouvre la porte et me laisse passer.
Elise ... Monsieur le Directeur, voici ma cousine.
Un homme une belle cinquantaine, se lève et vient à notre rencontre, il me donne une poignée de main franche, remercie Elise qui repart.

…... Asseyez-vous Mademoiselle.

Je prends place sur le bord de la chaise en face de lui. Il me demande mon âge, ce que je fais actuellement

….... D'après votre cousine vous n'avez pas fini vos études, où en êtes-vous ? Quels sont vos diplômes ? 

Tout en lui tendant mes papiers, je lui explique mon cursus, mes derniers partiels et mon souhait d'aller au master,

 Il jette un œil rapide sur le CV, s'attarde sur ma lettre de motivation, en hochant la tête

... Bien ! Bien ! Bien !

Il me rend mes papiers, en gardant le CV et la lettre l'accompagnant, tout en me posant des questions tantôt insignifiantes, tantôt subtiles où personnelles. Il note tous les renseignements que je lui donne. Le cœur battant, j'essaie d'affermir ma voix et réponds le plus clairement possible, souriant sous le trac qui me ronge, essayant de ne pas rougir.

….... Une chose m'interpelle mademoiselle, comment faites-vous pour travailler et aller à la FAC ?

En quelques mots, je lui explique le parcours que j'ai choisi, travailler pour payer la suite de mes études.

…... Vos cours se déroulent comment ?

….... Généralement le 1e vendredi de chaque mois entre dix-huit et vingt heures, il est possible qu'un cours soit décalé

……. Les horaires sont de huit-heures trente à dix-sept heures trente. Vous ne pourrez pas être à l'heure.

Mon cœur s'emballe, je blêmis sous son regard. Oh non, il va refuser pour une question d'horaire. J'essaie de trouver une échappatoire.

….... Je n'ai pas long de trajet monsieur, cela devrait aller !

….... Bien, bien, bien ! Seriez-vous prête à tourner dans la société ? Nous sommes à la recherche d'une vacataire à temps complet.

......... Oui bien sûr monsieur, sans aucun problème.

........ Quand seriez-vous libre ?

........ Je me tiens à votre disposition monsieur.

........ C'est parfait, mademoiselle, votre cousine vous tiendra au courant.

Il décroche son téléphone

..... Dites à mademoiselle Dumont, de monter chercher sa cousine. 
Il se lève signifiant l'entretien fini. Lise entre dans le bureau.

Lise .... Alors ? C'est bon monsieur ?

Le directeur sourit .... Il me faut soumettre le dossier au patron mademoiselle Dumont.

Lise étonnée ......... Bah ce n'est pas vous le DRH ?

Le directeur d'une voix taquine .... Sachez mademoiselle Dumont, qu'au-dessus de ma tête, il y a une autre tête

Lise éclate de rire .... Ah bah ouais hein, et pas une petite !

Je suis sidérée de l'insolence de ma cousine. Voudrait-elle faire louper cette toute petite occasion que je pourrais avoir, qu'elle ne s'y prendrait pas mieux.

Je ressors doublement déçue, encore un coup d'épée dans l'eau. Vingt minutes d'entretien pour me dire qu'on me contactera. Et avec l'intervention de ma cousine, je n'ai guère de chance, s'il associe sa verve à moi.

Dans le couloir ma cousine demande ....... Alors il a dit quoi ?

....... Qu'il te tiendra au courant.

 ....... Ah c'est tout ?

...... Oui !

...... Bah on attend hein !

...... Oui bien sûr.

...... En fait ça été long, parce que Duval était absent, mais dès qu'il est revenu, je lui ai parlé de toi

....... Oui, merci ma Lison

J'embrasse ma cousine et repars le cœur gros. Un immense désappointement me serre l'estomac. Je ne vais pas pouvoir continuer mes études et j'en suis dépitée.  

En rentrant Manou, voit tout de suite que je suis contrariée.

 ....... Tu ne sais pas ma poupée, ne te mets pas la rate au court-bouillon, il y a peut-être un espoir.

Je lui raconte la manière un peu cavalière que Lise a eu.

......... Ce n'est pas ta cousine qui fera pencher la balance.

Je hausse les épaules, fatiguée d'un coup.

....... Comme maintenant je vis chez toi, je vais essayer de demander une bourse d'études, peut-être aurais-je de la chance, et je vais demander à papa pour cet été

 ....... Mais oui, ça te permettra de jongler avec tes petits boulots.

Dans un murmure je lâche un « Oui peut-être »

Dans ma petite chambre, je troque mon tailleur contre mon short de ce matin.  Un livre en main je m'installe dehors sur les marches.

Je n'arrive pas à lire, mes pensées se baladent ailleurs que le règne du Tsar de Russie. 

Cette nouvelle semaine me parait interminable. Je n’ai pas de nouvelle de ma cousine depuis mardi. Le DRH n’aurait pas retenu ma candidature ou peut-être le patron voyant mon peu d’expérience. Ou alors l’impolitesse de Lise aurait joué contre moi ?

Je ne sais que penser.

Cette nouvelle semaine est terrible. Tous les soirs en me couchant, j’ai le cœur gros. Je comprends que je ne serais pas prise non plus dans cette société. Qu’est-ce qui fait pour que ça ne fonctionne pas ? Chagrinée au plus haut point, j’essaie de faire le point sur ma situation. Je vais malheureusement être obligée d’arrêter là mes études, je n’ai pas d’autre solution

Je m’endors les larmes aux yeux et le ventre plein de contractions

Ce matin, tout en faisant le marché, manou m'apprend que demain nous allons déjeuner chez mon oncle.

....... D'accord.

 ....... Tu n'as pas l'air enchantée ?

....... Si bien sûr Manou

J'espère me changer les idées avec ma cousine. Je suis désolée d'offrir ma tristesse à ma grand-mère, mais depuis cette dernière entrevue, et qui n'a pas plus aboutie que les autres, j'ai perdu mon entrain. J’ai compris qu’il ne servait à rien que je m’entête à vouloir continuer sur le chemin que je m’étais tracé. Je perds mon temps, jamais je ne réaliserai mon rêve. 

Habillée d'une jupe printanière fleurie et son caraco assorti, j'enfile mes ballerines quand j'entends ma grand-mère

....... Tu es prête poupée ? Ton oncle est là.

Nous montons en voiture. Tonton sifflote, et me regarde dans le rétroviseur en me faisant un petit clin d'œil. Je lui souris.

En ouvrant la porte on entend Lison dévaler les escaliers dans un cri de joie. Son père la rabroue en la traitant de petite gamine.
Lise taquine son père... Ouais bah c'est de ta faute si je suis petite, tu n'as pas mis la bonne dose

Nous rions de sa boutade. Le repas est animé. Je suis bien, j'oublie mes soucis.  Manou leur apprend que j’ai passé mes examens.

Mon oncle me regarde en fronçant les sourcils, ignorant de quoi Manou parle

... Quels examens ?

... Mon rendu de mémoire pour la fin des partiels

Lise ... C'est quoi les partiels ?

En deux mots je lui explique la fin de ma licence et la possibilité de passer en niveau supérieur, si j'ai réussi bien sûr.

Ma cousine railleuse ... Mais tu comptes t'arrêter un jour ?

En riant, je réponds ... Oui lorsque j'aurai mon master en droit !

Mon oncle ... Et comment s'est passé la première partie ?

... Bien mieux que je ne pouvais l'espérer, j'ai eu de belles moyennes.  

Mon oncle laisse échapper un sifflement ...... Ben dis-donc ma nièce, tu es une bonne toi !

Je souris en rosissant légèrement.

Lise se rembrunie un peu.
Lise ... Pfff ça m'énerve, elle a pris toute l'intelligence et moi vous ne m'avez rien légué.

Ma tante ... Tu es intelligente aussi ma chérie, ceci est de l'instruction. Vous êtes différentes, c'est tout ! Il faut des instruits, des petits, des grands, des patrons, c'est tout ce qui fait un monde.

Lise rit ... Ouais on va dire ça hein. Je t'aime maman.

Ma Tante ... Moi aussi je t'aime ma chérie, et je ne veux pas que tu changes, reste toi-même.

Mon oncle regarde sa fille, taquin ... Mais moi aussi mon petit lapin rose, je t'aime, tu es ma fille préférée.

Nous rions en aidant ma tante à débarrasser la table.  
Tout en dégustant la charlotte au chocolat confectionnée par tata, tonton demande à sa fille de ne pas faire durer le plaisir plus longtemps.

Mon regard va de ma cousine à son père. Ma tante, sourit, Manou attentive, suspend son geste. Un silence règne quelques secondes.
Mon oncle ... Allez Elise, annonce-lui !

Lison prend une profonde inspiration et se lève, d'une voix théâtrale ajoutant le geste à la parole, elle vient se poster près de moi en faisant une révérence qui prête à rire.
.........  Si mademoiselle Robin veut bien se présenter lundi matin 8 heures 30 à la société Cathenry et Cie, elle pourra signer son contrat de travail

J'écarquille les yeux, mon pouls s'accélère .... QUOI !

 ... Oui mademoiselle, vous êtes demandée au bureau du DRH de la société avec vos papiers et une attestation de Manou comme quoi elle t'héberge, enfin tout ton barda quoi !

Je me lève d'un bond et serre ma cousine dans mes bras, les larmes aux yeux je la remercie. Elle m'entraine dans une danse qui associe, le rock, la valse et le slow. Au travers de mes larmes, j'éclate de rire.

Ma tante ... Nous sommes heureux pour toi ma chérie. Nous cherchons par ailleurs dans nos connaissances. Mon frère n'est pas contre pour te faire aussi un contrat. Seulement tu aurais un long trajet 

... Je vous remercie, vous êtes formidables.

Mon oncle ... Ouvrons le champagne, ça te portera chance Mélissandre.
Nous trinquons à la venue de l'été, à cette chance d'avoir trouvé un job, à mes partiels. A la vie !

L'après-midi avec Lison nous allons dans le jardin profiter du soleil, nous parlons de tout ce temps perdu, de ces années sans nous voir ou si peu. 

Je me prépare avec grand soin. J’embrasse Manou lui souhaitant une bonne journée et pars heureuse. Je fais un rapide calcul, même en touchant le minimum légal, si je reste deux peut- être trois mois, je pourrais payer l’inscription et pratiquement un trimestre tout en gardant pour mes transports et mes repas du midi, j’allouerai à manou une petite somme pour mon entretien. Bon il ne me faudra pas faire de grandes folies, mais au moins j’avance et je croise les doigts

A la sortie du métro, ma cousine appuyée sur une vitrine de magasin m'attend. En riant nous nous embrassons.

Lors de ma présentation, je n'ai pas remarqué sur la gauche de l’entrée, une espèce d’alcôve avec un comptoir en demi-lune. Une plante verte trône sur un arrondi du plateau. Une grande fenêtre laisse entrer les rayons de soleil, filtrés par un store

Nous nous trouvons dans une grande pièce ouverte sur le hall. En face j’aperçois l'ascenseur, à sa gauche l’envolée de marches menant aux étages De l’autre côté presqu’en face de l’ascenseur un petit couloir mène à une porte en fer qui doit certainement être un sous-sol, à droite se profile un autre couloir

Nous passons de l'autre côté du comptoir, dessous une large étagère supporte plusieurs téléphones à touches. Lise appuie sur un commutateur, les voyants des téléphones s'allument, elle se retourne et met une cafetière en route, elle me fait asseoir à côté d'elle. Nous buvons notre café en discutant, quand le monsieur qui m'a reçu arrive, une mallette de cuir à la main.
Instinctivement je rougis me sentant prise en faute, et murmure un bonjour monsieur.

Le DRH ... Bonjour mesdemoiselles, allez-vous bien ?

Lise ... Bah comme un lundi hein !

Le DRH ... Oui comme un lundi, en forme après deux jours de repos donc !

Lise rit ... Ouais enfin le week-end c’est pour sortir. Et puis je suis toute seule, vous comptez faire quelque chose ?

L’homme sourit .... Mademoiselle Dumont, je vous sais capable d’assurer la bonne marche du standard.
Elle bougonne un .... Ouais, ouais c’est ça, mais le salaire lui il n’assure pas deux personnes
Le DRH ne répond pas, je suis choquée de l’audace de ma cousine. Elle cherche quoi ? A ce qu’il ne m’embauche pas.

Il me regarde en souriant, intérieurement je boue de colère contre l’attitude de Lise

Le DRH ... Voudriez-vous me suivre mademoiselle !

Je prends mon sac, et lui emboite le pas, nous montons en ascenseur. Il ouvre cette belle porte de chêne, à la plaque de cuivre indiquant « DRH »

... Asseyez-vous mademoiselle.

Je me pose au bord de la chaise, un peu nerveuse. Il me fait un grand sourire jovial, pose sa mallette sur le bureau et prends place face à moi.
... Comme je vous l'ai dit nous recherchons une personne pouvant tourner dans les services au gré des besoins d’autant que les congés arrivent

Il ne quitte pas mon regard. La gorge nouée je fais oui de la tête.

..... Actuellement vous serez postée au standard, avec votre cousine, puisqu’elle râle que sa collègue soit absente quelques jours. Avez-vous apporté les documents que j'ai demandé à mademoiselle Dumont ?
... Oui monsieur

J'ouvre mon sac, prends mon portefeuille et sors mes cartes, sécurité sociale et identité

.... Permettez-vous que j’en fasse des copies ?

... Oui bien sûr Monsieur

Il se lève, se dirige vers une porte latérale, j'entends parler. Je jette un coup d'œil circulaire sur cette belle pièce claire.

Un grand bureau directorial en bois clair, l’écran d'ordinateur placé sur le retour. Un siège haut en cuir noir. Quelques papiers en pile bien rangée.

Il revient les mains vides, s'assoit et me demande un justificatif de domicile et un RIB. 

.... Puis-je les garder ?

.... Oui monsieur.

.... Vous travaillez surtout en milieu bancaire, à ce qu’il me semble.

... Oui monsieur.

Une dame vêtue de gris, à la mine revêche entre par cette porte latérale, elle pose sur le bureau mes documents et les photocopies, ressort sans un sourire, sans un mot.

Il prend les photocopies qu’il pose sur le côté de sa table de travail et me tends mes cartes. Je les glisse dans mon sac.

... Le travail n’est pas vraiment le même.
... Je sais m’adapter monsieur.

.... Bien ! Je vais vous faire signer un contrat pour un mois, nous aviserons ensuite !

Il ouvre un tiroir sort des papiers dactylographiés et un stylo qu'il me tend, il pose les feuilles devant moi

... Vous pouvez lire ! Le contrat relate votre fonction en tant que vacataire. Il est en deux exemplaires.

Je survole rapidement, mon pouls s’emballe au chiffre de mon salaire. C’est une fois et demie ce que j’avais espéré.

Je mets mes initiales, signe la deuxième page, écris comme il me le conseille « lu et approuvé » et mets la date. Je fais de même avec l'autre contrat. Tout ça à côté d’une signature bien calligraphiée et un paraphe M.J

Il me tend un exemplaire, et avec un grand sourire, me souhaite la bienvenue dans l'entreprise.

... Saurez-vous redescendre ?

... Oui monsieur.

Je le remercie. Le cœur battant de bonheur je rejoins ma cousine à son poste. 

Elle me donne une photocopie contenant des noms et des numéros, m'explique les touches du standard, j'ai devant moi 3 téléphones, Lise aussi. Elle m’explique le fonctionnement de toutes ces touches, selon si la lumière est verte ou rouge.

... Si on te demande Mr Duval ... regarde sur la feuille, Duval est au numéro 2, tu appuies sur la touche 2 et là tu as Duval en direct ... Tu lui donnes le nom de la personne et s'il te dit passez-le moi, tu enfonces cette touche verte qui sera rouge quand tu es en ligne. S'il te dit, ne me le passez pas. Tu appuies sur cette touche et tu dis Mr Duval est actuellement en ligne il vous rappellera, ou il est sorti, ou il est rendez-vous, enfin tu dis ce que tu veux.

Je ris ... Hou la ! La ! Pourvu que je ne me trompe pas.
Lise ... T'inquiète je vais t'aider.

Lise, me fait prendre des tickets restaurant au secrétariat. La société est entourée principalement de bureaux et boutiques, un fast-food, et plusieurs petits restaurants ou café-restaurant-brasserie faisant des plats du jour et, payables au moyen de ces tickets, permettent de nous restaurant à prix raisonnable.

Le midi elle m'emmène manger dans un petit restaurant tout près.

En rentrant Elise fait du café. Tout en le buvant elle m'explique qu'on travaille pour une société de location de véhicules, et qu'on se trouve au siège social.
... En tout cas ça va me permettre de voir venir.

Lise fait une moue qui me fait rire .... Moi mon père m'oblige à mettre de côté pour passer mon permis

... Tu as bien raison, moi je vais placer pour mon inscription et payer le premier trimestre et je donnerai à Manou pour ma bouffe et mon entretien, sa retraite n'est pas trop grosse, et je ne veux pas profiter de la situation.

... Oui moi j'ai la chance mes parents ne me demande rien

Elle rit, elle est bien plus jeune que moi dans sa tête et pourtant elle est de 6 mois mon aînée. Oui mais voilà, nous n'avons pas eu la même jeunesse. Tant mieux pour elle, je ne la jalouse pas, nous avons toujours été très proches petites, nous sommes davantage des sœurs que des cousines.

Le soir tout en mangeant je raconte enthousiasme ma journée à Manou, en lui précisant que j'ai signé un contrat d’un mois.
... Dis Manou, le directeur m'a dit quand j'ai signé mon contrat, nous aviserons après.  Tu crois que ça veut dire qu'il m'en fera un autre ?

... Oh certainement ma poupée, je ne vois pas les choses autrement. Celui-ci est le contrat d’essai légal

En me couchant je pense avec bonheur à ce travail qui va enfin me sortir de mes soucis. Le salaire et la prime de vacation me donne une somme largement au-dessus de mes espoirs.

En arrivant ce matin au métro, je surprends Lise à fumer

... Bah tu fumes dès le matin ?

Elle rit ... Bah oui pourquoi ? Ça va ?  

... Oui et toi ?

... Ben ouais demain on ne travaille pas, c’est cool !

Je souris, elle écrase son mégot, en chemin. Tout en préparant le café, Lise répond au salut des employés qui défilent les uns derrières les autres. Certains sont familiers et lui font la bise, d'autres plus réservés, un signe de main. D’autres encore, passent sans nous voir.

Les premiers jours, les salariés s’étonnent de ne pas voir la collègue de Lise  

... Salut Elise, tu as changé de collègue ?

Lise ... Oui c'est ma cousine.
Quelques-uns se trouvant drôle, demandent, si je suis Bécassine. Inlassablement Lise répond mais non, c'est Mélissandre.

J’apprends par Lise que la femme grise de là-haut est la secrétaire de direction. Le matin elle arrive avec son air revêche. Nous devons lui remettre une sacoche de cuir contenant le courrier. Je lui tends avec un sourire. Elle la prend d’un geste sec et part sans un merci. Je suis un peu décontenancée de cette attitude.

Le directeur arrive, affichant son sourire jovial, il vient nous saluer. Taquine Lise lui répond effrontément, ce qui me met mal à l’aise. Enfin le calme se fait dans le hall, nous buvons tranquillement notre café.

Je fais part à Lise que je trouve le patron assez cool et bel homme, mais un peu vieux pour elle

Dans un éclat de rire elle m’explique... Ah non Duval ce n'est pas le patron, c'est le directeur, enfin le DRH !

... Ah d'accord, et le patron c'est qui ?

... On le voit rarement au standard, Il passe directement du parking au troisième

... Bah au moins il n’est pas sur votre dos.

 ... Non ça va, on le voit des fois le midi quand il va bouffer. Il est trop canon ce mec ! Il est à tomber

Je ris, ma cousine se croit amoureuse toutes les semaines. Je lui fais remarquer railleuse

 ... Non mais là tu ne peux pas comprendre, je te jure Méli je suis raide dingue de lui. Quand je le vois, j’ai les jambes qui tremblent ? Ça n’a rien à voir avec les copains !
Je ris ...  Donc on a toujours à faire au DRH ?

... Ouais généralement c’est ça !

D'un coup les lignes se mettent à sonner, presque toutes en même temps, arrêtant nos échanges. Je fais au mieux pour ne pas me tromper. D'un œil Lise surveille si éventuellement je commets une erreur.

Vers midi, enfin le calme revient.
Lise ... Tu t'en es sortie à merveille ma Méli.

... Heu oui, mais pas rapidement.

... Ouais bah ils attendent et puis c'est tout.

Au métro Lison m'embrasse et me souhaite un bon jeudi, alors que je pars vers ma destination, elle me crie
... Fais un bisou à Manou

Des gens se retourne, je souris, et lui fais signe de la main.

Demain nous ne travaillons pas, en raison du jeudi de l’Ascension, et dans le RER je réfléchis à plusieurs choses. Je voudrais demander la permission à ma grand-mère d’installer internet, je vais en avoir besoin pour mes cours. J'aimerai aussi enlever ce petit lit de bébé qui ne sert qu’à coucher mes poupées et celles de Lise. A la place je pourrais installer un bureau pour travailler. Mais comment l’obliger à tous ces chamboulements sans lui perturber sa petite vie tranquille ?

Je profite de l'après-repas, le moment où nous nous retrouvons toutes les deux dans le salon pour regarder un peu la télévision. Je me lance.
... Manou j'aimerai te demander quelque chose.
Manou ... Oui ma poupée, qu'est-ce qui se passe ?

... Voilà pour l'école j'ai besoin d'internet, les cours sont en visio-conférences. De plus j'ai toujours d'importantes recherches à faire. Est-ce que cela t'ennuie si je le fais installer ?

  ... Non bien sûr, mais combien cela va nous coûter ?

  ... Non Manou, je paierai, et ne t'inquiète pas du prix, ce n'est pas exorbitant trente euros tout au plus.

  ... Hum, tu me racontes des histoires !

J'éclate de rire devant la mine sceptique de ma grand-mère, et lui propose d'aller chercher un prospectus à la boutique.

Bras dessus-bras dessous, nous descendons la rue et allons sur le grand boulevard.

Une jeune femme souriante nous accueille, demandant si elle peut nous renseigner.

Tout en répondant à son sourire, je lui demande les offres internet.

La vendeuse très aimablement nous propose diverses offres avec un téléphone portable que je décline. Je ne vois pas la nécessité pour l’instant de cette dépense superflue.

Elle me conseille, l'offre à vingt-quatre euros quatre-vingt-dix. Je me tourne vers Manou en souriant.
... Tu vois ce n'est pas si cher que ça !

La vendeuse ... C'est notre offre de bienvenue aux nouveaux clients. Elle est très avantageuse

Sans hésiter je lui dis .... Je prends celle-ci. Pourriez-vous faire en sorte que ce soit rapide ?

La vendeuse regarde sur son ordinateur et me propose mercredi prochain dans la matinée.

 ... Je préfère un soir après 18 heures, ma grand-mère sera seule, et je veux être là. Sinon un samedi.

La vendeuse .... Malheureusement tous nos samedis sont pris jusqu'en août. Sinon j'ai jeudi 15 juin à 18 heures.
J’hoche la tête ... C'est parfait, je vous remercie.

Elle me fait signer le contrat et l'autorisation de prélèvements. En rentrant nous faisons quelques achats en prévision du repas.

Je reprends le travail pour une journée. En moi je souris, cette semaine est courte.

Le midi j’apprends à Lise que je vais bientôt avoir internet, elle me donne ses coordonnées de connexion. Au RER avant de m’embrasser elle me demande si ça me dirait de sortir. Gentiment je refuse prétextant de la fatigue.

Je prépare deux menthes à l'eau et entraine ma grand-mère dans le jardin. Installée sous le gros tilleul Manou me demande des nouvelles de mon travail.

...... Tu sais Manou c’est assez répétitif. Répondre au téléphone, n'est pas plus compliqué que ça, quand tu connais le standard.

Manou sourit pleine de bonté .... Ce n'est pas grave ma poupée, tu as du travail c'est l'essentiel !

... Oui Manou, c’est super, je n’y croyais plus vraiment
... Tu vois qu’il ne faut jamais perdre espoir.

... Oui, un mois pour l'instant, je verrai après. Il me faudrait peut-être dès à présent chercher une autre place Manou

... Non d'après ta cousine, ton contrat va se prolonger

... Ah bon ! Comment peut-elle le savoir ?

... Aucune idée, mais elle a l’air d’être sûre de ce qu’elle avance
Je fais une moue dubitative. Je ne fais jamais de projets trop lointains, j'ai toujours l'impression qu'un grain de sable va contrecarrer mes plans.

J’aide manou à préparer le repas.

Tout en lavant la salade, je lui demande si ça la dérangerait que je mette un bureau dans la chambre à la place du petit lit.

N’obtenant pas de réponse je me retourne, et aperçois avec stupeur, le visage de manou voilé par la tristesse.

... Manou ça va ?

... Oui ! Oui ma poupée, mets un bureau.

.... Non Manou, ne t'inquiète pas, c'était une idée stupide, je travaillerais dans la cuisine si cela ne t’ennuie pas.

Posant la pile d'assiettes je prends ma grand-mère dans mes bras, et l'embrasse. On se sépare en entendant la sonnette.

En ouvrant, je me trouve devant une Lison toute excitée. Mon oncle et ma tante suivent leur fille en souriant.
Manou .... Ma jolie te voilà bien excitée, c'est de venir rendre visite à ta grand-mère ?

Lison en riant prend notre grand-mère dans ses bras et la fait tournoyer. Manou rit de bon cœur.
Lise ... Mais oui Manou tu sais bien que tu es la meilleure des mamies et que je t'aime à la folie.

Manou embrasse sa petite fille en la traitant de petite rusée. ....... Qu'as-tu à me demander ?

Lison fait l'offusquée .... Moi ? Mais rien Manou, comment peux-tu penser un truc pareil ?

.... Parce que je te connais ma puce, et tout comme quand tu étais petite et que tu me faisais un câlin pour une sucette.
Lison ... Oh Manou, tu parles de trop, ça ne se dit pas ces choses-là.

Nous rions Manou arrange le joli bouquet de fleurs que ma tante vient de lui offrir, elle place le vase au milieu de la table de salon.

Nous nous installons pour prendre l'apéritif, je bois une menthe à l'eau. Mon oncle me demande les résultats de mes partiels, je lui réponds que je n'ai encore rien reçu.

Manou ....... A ce propos mon grand, Mélissandre a besoin de place pour travailler, ne serait-ce qu'un bureau. Vois-tu un désagrément à ce qu'elle prenne le tien ?

Mon oncle ........ Maman, tu es chez toi, tu fais comme bon te semble. Et pourquoi ne pas lui donner ma chambre tout simplement ? Elle est bien plus grande

Manou ........ Mais oui bien sûr, ça serait parfait. Tu veux ma poupée ?

...... Heu bah si ça ne gêne pas.

Tonton rit.... Mais non, prends la chambre de ton vieil oncle ! Tu sais je n’en ferai plus rien

 .......  D’accord alors !

..... Et tu seras mieux installée. Elle donne sur le jardin, tu verras c'est sympa l'été avec la porte-fenêtre. De plus elle est moins bruyante que l’autre qui donne sur la rue

 ........ Merci, je déménagerai mes affaires ce week-end

......... Dis maman, nous pourrions la rajeunir un peu tu ne crois pas ? Un petit coup de peinture ne serait pas du luxe. Le papier avec des voitures et des motos, ce n'est pas terrible
Manou ... Je ne veux pas t'obliger mais c'est vrai que ça ne serait pas mal

Ma tante qui n'a rien dit jusqu'à là rajoute.... Oui c'est triste pour une toute jeune fille, et nous pourrions profiter pour faire ces quelques travaux de rafraichissement, qu'en pensez-vous Manou ? Depuis le temps qu’on en parle.

Ma grand-mère sourit ........ Vous êtes gentille Patricia, c'est vrai que ce pavillon n'a pas bouger depuis plus de trente ans.
Mon oncle d’un ton qu’il veut autoritaire. ........ C'est dit, nous viendrons faire des travaux rapidement, attends Mélissandre avant de transférer tes affaires

Manou ....... Mais combien ça va couter ?

Tata répond gentiment ... Ne vous inquiétez pas de ça, mon beau-frère nous fera de bons prix.

Sur ces bonnes paroles nous passons à table. Manou à fait un rôti avec des petites pommes de terre sautées à l'ail.

La journée est faite de rires et projets de travaux pour moderniser le pavillon de ma grand-mère, chacun donnant ses goûts et ses idées.

Entourée de ma famille qui m’a tant manquée, je renais.

J’entame ma deuxième semaine au standard avec Lise. Les journées passent vite, entre les appels téléphoniques et les bavardages incessants de ma cousine qui me fait souvent rire, elle ne prend rien au sérieux. Elle connait tout le monde, me raconte la vie des uns et des autres, elle est au courant de beaucoup de choses sur les employés. Untel couche avec Untelle ou Untel manque souvent, ou encore Untel fait ci ou ça, a dit ceci, cela.

Dans les moments creux de l’après-midi Elise lit des magazines ou fait des mots mêlés pour passer le temps, quelques fois elle sort fumer une cigarette. Du coup j’emmène quelques fiches de révisions.

Ce matin, Lise taquine effrontément le DRH, qui demande si tout va bien

......... Bah pire monsieur, trois jours de repos, vous imaginez ?

Narquois il répond. ......... Oui mademoiselle Dumont, j’imagine, et vous allez êtes en grande forme mardi !

....... Exactement !

Je le vois prendre l’ascenseur en souriant. Je suis tout de même un peu estomaquée de la manière qu’elle a de répondre.

En rentrant ce soir, manou m’apprend que la famille vient demain pour commencer les travaux. En pensant à ma future chambre, je fais des projets Je la voudrais peinte en clair pour qu’elle soit bien lumineuse. Les meubles sont en bois foncé, presque noirs, ce n’est pas grave, au moins j’ai un toit et je suis bien, plus de cris, plus d’insultes. Que l’amour de ma grand-mère qui m’a tant manqué.

Tonton a décidé de commencer les travaux rapidement avant que Manou ne change d’avis. Nous avions ri devant la tête de ma grand-mère.

... Non mais traite-moi de girouette

Il a répondu sérieux .... Non juste que ça fait dix ans qu’on te propose de rajeunir cette maison. Tu vis dans les souvenirs ça ne sert à rien. Nous serons là samedi matin.
Le visage de ma grand-mère s’était quelque peu assombrit. Tata avec beaucoup de finesse avait détourné la conversation, expliquant que lundi étant férié, en trois jours c’était suffisant pour remettre la chambre en état.

La sonnette de la porte d’entrée retentit, la famille entre avec grand bruit, Lise chante. Ils sont chargés de grands cartons de pizza, une énorme tine de peinture blanche et tout un attirail de matériel dans des sacs

Ma cousine demande à Manou pour dormir avec moi ce soir. Heureuse d’avoir ses petites filles, elle accepte d’emblée.

Tonton ... Vous êtes en forme les filles pour faire les travaux ?

Lise … Bien sûr mon papounet, tu vas voir comment on est d’attaque.

Je sers un café à tout le monde. Attablés, nous récapitulons avec tonton un plan des tâches. Démonter les meubles, les sortir au maximum de la chambre pour avoir de la place, décoller le papier, laver les murs, lessiver le plafond, faire de l’enduit, peindre et enfin poncer le parquet avant de le vitrifier
Lise ... Oh doucement hein, tu nous as pris pour des bonhommes ?

Son père rit ........ Non, mais si tu mets autant d’ardeur au travail que ta langue peut en fournir, nous devrions avancer rapidement

....... Ouais, ! T’as vu comment t’es ? Espèce d’esclavagiste

Son père riant pousse sa fille .... Allez les filles on y va !

En un tour de main, tonton démonte le lit et le bureau, avec Lise nous portons les planches dans le salon, tonton et tata le sommier et le matelas qu’ils adossent au mur dans le couloir.

Avec Lise nous rangeons les bibelots dans des cartons que nous portons dans la voiture de ses parents. En revenant, nous voyons l’armoire au milieu de la chambre.
…… Tu ne la démonte pas tonton ?
….. Non ma grande, gagnons du temps, elle ne nous gênera pas pour l’instant.

….. D’accord.

Avec ma cousine, nous vidons l’armoire, qui ne contient pas grand-chose. 

Tonton remonte de la cave, avec des seaux remplis d'eau chaude. Tout en sifflant des petits airs il nous entraine en cadence. Nous décollons le papier peint désuet et passé, qui se détache facilement du mur. Nous tirons de grands pans en riant

La matinée est bien occupée, dans de grands sacs poubelle nous mettons les lés de papier arrachés, et les portons dans la voiture, tonton passera à la déchetterie.

Après manger, avec Lise nous lessivons et grattons les murs à l’aide d’eau chaude additionnée de lessive, pour enlever les traces de colle. Pendant ce temps tonton nettoie le plafond.

Nous rangeons le chantier à l’heure de diner. La journée se termine par un repas dehors à l’ombre du gros tilleul. Lison n’arrête pas de jacasser et faire le pitre, Manou rit aux larmes. Avec ma cousine, nous débarrassons et rangeons la cuisine. Fourbue nous embrassons notre grand-mère et allons prendre une douche avant de nous coucher, nous ne tarderons pas à nous endormir.

Pendant que nous débarrassons la table du petit déjeuner, Manou va se préparer, Lise ouvre à ses parents au premier coup de sonnette

Après un café avalé rapidement, mon oncle nous entraine dans la chambre.

D’un gros pot il prend sur une spatule un peu d’enduit et nous montre comment reboucher tous les trous, imperfections et petites fissures des murs.

A midi nous prenons une pause pour déguster le repas que tata et manou ont cuisiné.

L’après-midi, tonton nous tend deux grosses pailles de fer et nous explique comment la passer sur le parquet dans le sens des lames de bois.

Il ponce légèrement l’enduit des murs, et remets par-ci par-là un peu de pâte. A quatre pattes par terre et en appui sur nos mains avec Lise nous frottons poussant des cris de bêtes féroces en riant.

Les murs prêts, il décape les plinthes à l’aide d’une petite ponceuse plate.

Nous passons un bon coup d’aspirateur et de serpillère pour enlever toute trace de poussières.

Tonton ferme la porte, s’en est fini pour ce dimanche.

Lise dort avec moi, nous ne bavardons pas longtemps. Fatiguées, nous nous tournons chacune de notre côté.

Je secoue doucement Lise ... Hé la marmotte tu te réveilles ?

.... Hum il est quelle heure ?

... Neuf heures et tes parents vont arriver. Elle se lève d’un bond, les cheveux en bataille je ris devant sa tête d’endormie. Nous allons à la cuisine, Manou épluche une salade.
... Alors les poupées, avez-vous bien dormi ?

Lise ... Oui Manou trop bien.

Je laisse ma cousine embrasser notre grand-mère et lui fais à mon tour un petit baiser. Nous nous asseyons autour de la table pour déjeuner.

La sonnette retentit, Manou va ouvrir.

On entend tonton ....... J’espère qu’elles sont levées les toupies.
Manou ... Oh il n’y a pas bien longtemps mon grand.

Nous mettons nos bols dans l’évier et allons embrasser les arrivants
Mon oncle ... Vous avez cinq minutes pour vous préparer !

On fonce dans la salle de bains, en riant. J’attache mes cheveux en queue de cheval.

Il nous tend deux balais-brosses ....... Vous trempez le balai dans le seau, attention il y a de la lessive à base de soude, puis vous frottez lame par lame, ensuite nous rincerons.

Avec Lise nous nous mettons pleines d’ardeur au travail, appuyant sur nos balais de toutes nos forces. Je commence à avoir mal aux avant-bras. Lise souffle comme une baleine.

Nous jouons aux épées avec nos manches de balai, tonton se fâche

... Oh les filles, vous n’êtes pas possibles.

Nous rions de plus belle pendant que tonton rince soigneusement. Nous lui amenons des seaux d’eau claire au fur et à mesure.

 A midi tata nous appelle pour manger. Je me désaltère de deux grands verres de menthe à l’eau et les avale coup sur coup.

Tonton ... Bien les filles, vous êtes de bons petits soldats. Nous allons nourrir le plancher, allez venez !

Le parquet en séchant est devenu blanchâtre, je suis déçue du résultat.

Tonton ... Voilà des pinceaux, et dans le sens des lames, vous allez passer ce produit pour le raviver

Il nous montre, se met dans un angle et commence à appliquer le liquide qui ne sent pas très bon. Au fur et à mesure que le produit entre dans le bois et sèche, le parquet reprend une couleur moins terne.

Nous prenons une pause d’une heure, avec Lise affalée dans l’herbe nous somnolons. Tonton vient nous chercher pour passer une deuxième couche de produit sur le parquet.

Nous nettoyons les pinceaux, rangeons le matériel dans un coin du couloir. Tonton ferme la porte.

Tonton .... Allez, nous verrons le reste samedi prochain. Ça suffit pour ce week-end !

Je passe aux toilettes, et vais me rafraichir un peu à la salle d’eau. Au travers de la porte, Lise m’appelle

....... Tu viens Méli

..... Oui j’arrive.

En revenant à la salle à manger, je vois à ma place plusieurs paquets cadeaux. Vendredi j’ai eu vingt ans. 

Mon pouls s’accélère. Depuis combien d’années personne ne m’a souhaité mon anniversaire ? Je sens les larmes monter, je les regarde un par un, bouleversée et ne sachant pas quoi dire.
Ma cousine m’entraine vers ma chaise

.... Allez l’intello, montre-nous un peu tes cadeaux.

Je souris au travers de mes larmes et commence par un premier paquet, de la part de mon oncle et ma tante, je découvre un très beau sac à main féminin tout en cuir. Le deuxième cadeau, de la part de manou est une jolie veste blazer noire Enfin le cadeau de ma cousine, un jeans de marque. Emue, je me lève et fais le tour de la table pour embrasser et remercier tout le monde

Lise en riant me dit ... Ouais tu feras moins intello en jeans

En riant je lui fais remarquer que dans un bureau, le tailleur est plus approprié.  

Nous dinons dans la joie et les rires. Ce qui ne m’était pas arrivé depuis très longtemps. Comme d’habitude Lise amuse tout le monde

Son père ... Tu n’es pas si fatiguée que ça, ma fille.

Lise ... Oh papa, c’est pour combattre la fatigue justement. Pfff tu ne comprends rien.

Nous rions devant son air de petite fille prise en faute.

Ces trois jours sont passés à une telle vitesse. Il faut dire que tonton nous a bien occupées.

6 avril 2000

A la recherche d'un job

Dans le RER qui me ramène en banlieue chez mon père, je suis en pleines pensées tristes et amères.

J'ai envoyé une dizaine de cv, passé autant d'entretiens, et toujours la même réponse.

.... Bien Mademoiselle, nous vous contacterons.

Je sais par habitude que personne ne prend la peine d’appeler, les rares fois c’est pour me dire, que je suis trop jeune, je n'ai pas d'expérience. J'ai trop de diplômes ou je n'en ai pas assez, je n'ai pas fini mon cursus. En fait ça ne va jamais.

Je ne comprends pas qu'on convoque les gens, pour leur faire comprendre qu'ils n'ont pas le profil de l'emploi.

Une moue dubitative, la femme fait semblant de lire mon cv et ma lettre de motivation. 

Tout en répondant distinctement, malgré mon pouls battant la chamade, priant au fond de moi qu'elle retienne ma candidature.

C’est une annonce d’hôtesse d’accueil qui a retenu mon attention.  Que veulent-ils comme personnel ? Il ne faut tout de même pas un niveau d'études supérieures pour ce job.

Alors qu’elle repose les papiers sur sa table de travail, souriant ironiquement, et de sa voix mielleuse, elle me fait savoir, qu’ils me contacteront. A cette minute précise, je sais qu’il n’en sera rien. Une intuition me fait comprendre, qu’une fois de plus, la démarche est perdue d’avance.  

Je ramasse mon dossier, et me lève, je me dirige vers la porte et me retourne vers elle, en la toisant bien.

…… Ne prenez pas cette peine, ne perdez surtout pas votre temps si précieux.

Je quitte le bureau, la tête haute pour bien lui montrer que même sans son aide je m’en sortirai, malgré cette colère qui m’enveloppe toute entière.

En me rendant à cet énième rendez-vous, j’y croyais vraiment. Notre conversation téléphonique, m’avait fait penser que c’était gagné. Mais non ! Encore une nouvelle déception.

Je n’ai nulle envie de rentrer chez mon père pour me confronter à l’autre.

Je l’entends déjà me dire ... « Ma pauvre fille, que veux- tu, tu es tellement insignifiante, personne ne te remarque. »

Un poids s'abat sur mon estomac. J'ai la rage en pensant à cette femme qui n'a jamais été une mère pour moi. Sa destruction subtile et psychologique a fait certains ravages sur la petite fille que j'étais. Je me rappelle, quand elle me disait ironique, avec ce mauvais sourire.

...... Mais qu’est-ce que tu es moche, ma pauvre fille, tu ne ressembles vraiment à rien.

Mon père râlait ... Voyons, ne dit pas ça ce n'est qu'une petite fille.

Elle répondait en riant .... Mais c'est pour rire, elle le sait.
Mais oui à dix ans on est tout à fait capable de comprendre la finesse persifleuse d'une adulte. 

Il faut vraiment que je décroche un poste rapidement, L'enregistrement à la fac doit être fait au plus tard le dix de septembre et si je ne trouve pas un job d'été pour payer l'inscription et le premier trimestre je vais perdre une année. D’autant que j’espère pouvoir prendre une chambre d’étudiante pour enfin quitter cette maison, et être tranquille pour étudier.

Mon père pourrait m'aider financièrement, il n'est pas contre. Oui mais voilà c'est sans compter sa compagne, hurlant qu'à presque vingt ans je ne suis même pas capable de m'assumer. Elle n'a jamais travaillé et se fait entretenir par mon père depuis toujours ce qui décuple ma colère contre elle.

Généralement les étés je travaille comme stagiaire. Ces deux années passées, mon père a fait en sorte que je sois prise en juillet et août, au siège régional. Le salaire satisfaisant, m'a bien aidé, le travail intéressant et les collègues pour la plupart masculins très sympathiques. Oui mais voilà parait que la haute direction n'embauche pas à temps complet.

J'ai fait toutes les boutiques bordant notre avenue, même à la boulangerie en tant que vendeuse. Ils n'ont besoin de personne dans l'immédiat et sont fermés en août. Il me suffirait d'un salaire minimum, même un mi-temps, ce qui me permettrait en économisant de voir venir. Puis je pourrais donner des cours particuliers, trouver un autre job à mi-temps.

J'arrive à notre gare et d’un pas trainant me dirige vers la maison de mon père. Je n'ai vraiment pas envie de rentrer et de subir le persiflage de la vipère.

Au lieu de descendre le boulevard, je tourne la première à droite et m’engage dans cette rue qui m’emplit de joie. J’ouvre le petit portail, traverse le jardin et toque directement à la porte d’entrée, affichant un sourire à ma face.

... Bonjour Manou 

... Oh quelle surprise, bonjour ma poupée comment vas-tu ? 

 ... Bof, je suis allée me présenter mais comme d'habitude on me contactera, je sais ce que ça veut dire.

 ... Crois en toi, ma chérie, la chance va venir. As-tu mangé ? 

 ... Non, je n'ai pas faim.
... A ton âge on doit manger, un sac vide ne tient pas debout.
Je souris et précède ma grand-mère dans sa petite cuisine vieillotte. Elle s'active entre ses casseroles, et pose devant moi une omelette baveuse, accompagnée de salade verte. De son réfrigérateur elle sort un yaourt.

Tout compte fait je mange de bon appétit et aide ma grand-mère à ranger. Nous nous installons devant un café.
Ma grand-mère me dit tristement ... Ah si je pouvais t'aider dans tes études ma poupée, crois-moi je le ferais. 

... Je sais Manou, je vais m'en sortir ne t'en fais pas. En septembre j'espère que l'intérim va reprendre un peu.

Nous papotons une bonne partie de l'après-midi. Mon père ne va pas tarder à rentrer du bureau, je me décide à partir.

Manou toujours peinée de me voir si peu ... Va ma poupée et reviens vite me voir.

... Je passerai ce week-end promis.

Elle me glisse un billet dans la main. Je l'embrasse tendrement en la remerciant

En arrivant au coin de notre rue, j'aperçois mon père, je lui fais signe de la main, et accélère le pas. Il m'attend pour entrer dans la maison

... Alors cet entretien ?

... Comme les autres, ils me contacteront.

Mon père soupire, passant son bras autour de mes épaules il m'attire à lui, et m'embrasse gentiment sur le front.

 ... Tu vas finir par décrocher un vrai travail ma grande, sinon j'ai demandé pour cet été, ils veulent bien te prendre au siège, ils sont satisfaits de toi, et puis nous nous débrouillerons pour ton inscription.

Je lui souris. Au pire, j'aurai toujours de quoi payer le premier trimestre, si comme l'an passé il m'aide pour l'inscription mais après ? Ce ne sont pas les quelques heures de baby-sitting ou les quelques cours que je donne, qui vont faire que ! D’autant que je préfèrerais me débrouiller par moi-même.

Comme promis je pars en milieu de matinée rendre visite à ma grand-mère. Je lui amène un petit bouquet de fleurs. Tout en me remerciant, elle me sermonne

 ... Ma poupée garde ton argent pour toi.

... Ce n'est pas grand-chose Manou, et je sais que tu aimes les fleurs.

 ... Tu es tellement mignonne.
Je serre fort ma grand-mère dans mes bras. Elle sent bon la violette, une soudaine émotion m'envahit.

Tout en buvant une menthe à l'eau, elle me demande si un petit mois de travail m'aiderait. Je la regarde sans bien comprendre.
 .... Tu sais Madeleine, sa fille n'a pas de nourrice, elle est en arrêt. Du coup elle cherche quelqu'un en urgence. Ce n'est pas la panacée mais au moins ça te fera deux sous en attendant mieux. Madeleine part chez son fils, et ne peut pas prendre le petit.

... Mais Manou je ne vais jamais pouvoir garder un enfant à la maison.

... Non tu viendras le garder ici, je le prendrai le matin en t'attendant. Si tu es d'accord je téléphone à Madeleine qui parlera à sa fille.

Je ne prends pas le temps de réfléchir, et opine de la tête. Manou va téléphoner à son amie.

Nous reprenons notre conversation, ma grand-mère me propose un autre verre. La sonnerie stridente du téléphone nous interrompt. Ma grand-mère de son pas encore alerte va décrocher.
Elle revient souriante

... Voilà ma poupée, la fille de Madeleine, est ravie de notre proposition. Et en attendant un travail mieux rémunéré ça t'aidera

Je remercie ma grand-mère en l'embrassant. Il est décidé qu'à partir de lundi je devienne la nourrice du petit Thomas âgé de sept mois.

Tout en déjeunant nous bavardons, nous avons tellement de choses à nous raconter.  Je passe l'après-midi avec ma grand-mère, l'embrasse tendrement et rentre chez mon père en début de soirée

Je me lève heureuse, non seulement je vais être avec ma grand-mère et en plus je vais gagner quelques billets. Bon d'accord, pas une fortune, bien mieux que mai est plein de journées fériées, mais c'est toujours mieux que rien. Ça paiera au moins une partie de mes bouquins, et en plus je pourrai profiter de ma grand-mère

Il est à peine huit heures quand j'arrive chez manou, le petit n'est pas encore là. Nous prenons un café, quand nous entendons la cloche de la grille. Je vais ouvrir.
Une jeune femme un bébé dans les bras me sourit.
... Vous êtes Mélissandre ? 

... Oui bonjour, voulez-vous entrer ? 

 ... Oui que nous puissions parler un peu, je suis venue en avance exprès, sinon je viens pour huit heures trente, et le soir 18 heures. Vous serez payée par semaine. Je fournis couches et repas.

Je fais un rapide calcul, effectivement ce n'est pas grandiose mais je prends, ça m'occupera loin de la maison et me permettra de réviser en toute tranquillité, en vue de mes prochains examens.

La jeune femme salue ma grand-mère, embrasse son fils et nous dit à ce soir
Je prends le petit dans mes bras, et lui enlève son gilet. Ma grand-mère plie une couverture par terre dans le salon. J'installe l'enfant dessus avec les jouets que sa mère m'a apportés. Je m'assois pour jouer avec lui, pendant que ma grand-mère vaque à ses occupations. 

Vers 10 heures, Thomas montre des signes de fatigue, je change sa couche et l'allonge dans le lit de bébé que j'ai toujours connue. Pour l'enfant ma grand-mère a mis des draps et la petite couverture rose. Je souris.

Je reste près de lui de peur qu'il ne se mette à pleurer. Son pouce dans la bouche il s'endort rapidement. Je sors de la chambre sur la pointe des pieds, et rejoins ma grand-mère dans sa cuisine, pour l'aider.

Le soir quand la maman vient chercher le petit, je lui demande une poussette pour le promener ou du moins le mettre dans le jardin pour profiter du soleil. Je rentre chez mon père contente de ma première journée.

C’est avec plaisir que je m’organise. Je pars en même temps que mon père et rentre un peu après lui, ainsi je reste le plus longtemps possible hors de la présence de l’autre

Le matin quand l'enfant dort, j'aide ma grand-mère à son ménage. L'après-midi je me mets dans le jardin, Thomas dans sa poussette, je révise mes cours ou joue avec lui pendant que Manou est devant sa télévision

Manou m'amène un grand verre de menthe à l'eau et s'assois près de moi

... Ça va ma puce ?
...  Oui Manou. Dis, comme je mange avec toi, je te donnerai une partie de mon salaire pour mes repas.

 ... Certainement pas, je peux au moins mettre ton couvert. Tu sais cette nuit j'ai pensé à bien des choses.

 ... Comme quoi Manou ? 

... Je sais que je suis vieille, mais tu es majeure et tu peux habiter ou tu veux. Pourquoi ne viens-tu pas t'installer ici ? Tu pourrais étudier en toute sérénité, tu aurais moins de souci. Si je ne peux t'offrir tes études, je peux t'offrir une maison.

Je regarde ma grand-mère, étonnée. Quand j'étais petite j'aurai tant voulu habiter ici, et voilà qu'elle me le proposait.

... Mais je vais être une charge. 

Manou lève les yeux au ciel .... Une charge, ma propre petite fille, mais où va-t-on !

Je ris devant son air qu'elle veut scandalisée embrasse sa figure à peine ridée et fais oui de la tête, des larmes d'émotion dans les yeux.

... Mais si je travaille, je t'aide financièrement, il y a les factures et les courses qui seront doubles.

 ... Oui, oui c'est ça, nous verrons quand tu auras un vrai travail.

Thomas babille dans le lit, je vais le chercher, et fais chauffer son repas, il mange de bon appétit. C'est un gentil petit, il nous fait des risettes quand on lui parle, et essaie de former des petits mots, qui ressemblent plus à des bruitages.

Je garde un amour de bébé qui ne pleure pas, je suis avec ma grand-mère chérie, la vie me sourit un peu. Il ne m’en faut pas davantage.

Le week-end je reste chez mon père, et les heures me paraissent longues. Je travaille mes cours, plus pour m'occuper que par envie. Je n'ai pas trop la tête aux révisions. Ces deux jours sont une fois de plus, tumultueux entre mon père et l'autre, à tel point que dimanche en milieu de repas mon père part en claquant la porte, je me réfugie dans ma chambre et n'en sors pas.

Cette nouvelle semaine auprès de ma grand-mère et du bébé me ressource. Le soir une angoisse me fait toujours retarder le moment de rentrer.

Ce vendredi je quitte ma grand-mère le cœur lourd, connaissant d'avance l'ambiance du week-end.

En m'embrassant elle me propose de venir dimanche, pour voir mon oncle et ma tante qui doivent lui rendre visite. J'accepte avec plaisir et lui fais savoir.

Le cœur en fête de passer la journée avec ma grand-mère, de revoir mon oncle et ma tante, je m'arrête à la chocolaterie qui fait aussi salon de thé et pâtisserie, je choisis un œuf en chocolat rempli de petites fritures.

Avec un mélange de tendresse et d'affection, je l'offre à ma grand-mère, contente de lui faire plaisir. Tout en me remerciant, elle me sermonne gentiment .... Ce sont des dépenses ma poupée

Emue, elle me prend dans ses bras et claque deux grosses bises.

Après déjeuner nous nous mettons dans le salon pour boire un café en attendant la famille. Je demande si ma cousine sera là.
Manou fait une moue malicieuse.... Tu sais, je ne la vois pas beaucoup.

Je sens un peu de tristesse dans sa voix, je lui demande comment vont mon oncle et ma tante. Je suis impatiente de les revoir, il y a tellement longtemps.

Peu avant quinze heures, on entend la cloche tinter.

Mon oncle .... Oh ma grande content de te voir, que deviens-tu ?

Manou lui explique mon petit emploi temporaire de nourrice. Il sourit en hochant la tête.

... C'est très bien, vous veillerez l'une sur l'autre. Et ton père ?

Haussant les épaules d'un geste fataliste .... Ça va tonton.

Nous dégustons la tarte qu'ils ont amenés pour le goûter. A mon tour je demande des nouvelles de Lise que je ne vois plus à cause de l'autre qui nous a séparé de notre seule famille

Nous nous entendions si bien petites, comme des sœurs. Je sais par manou qu'elle a arrêté l'école et travaille comme standardiste dans une entreprise sur Paris.

Nous parlons de mes études, de cette difficulté que j'ai à trouver un emploi stable, n'ayant pas fini mes études

Mon oncle me dit se renseigner autour de lui, pour savoir si on pourrait m'offrir un poste pour l'été, voire plus

... Je ne te promets rien ! Je téléphonerai à maman rapidement, qui te tiendra au courant
.... D'accord tonton merci beaucoup.

Manou les garde à dîner, je ne peux malheureusement pas rester si je ne veux pas m'attirer les foudres de la sorcière. Je repars le cœur gros.

Je reste chez mon père pour ne pas envahir Manou. Ce lundi de Pâques, je n'ai pas le petit à garder. La journée me parait longue. Je révise mes cours, la tête ailleurs. Je pense à mon oncle et ma tante, à ma cousine que devient-elle ?

C'est le cœur léger que je me lève, heureuse d'aller chez ma grand-mère.

Mercredi soir en rentrant, l'autre me remet un courrier. C'est la convocation à la FAC, pour le rendu de mon mémoire afin de boucler ma licence. Enfin je vais voir le bout de ces deux années espérant obtenir mon diplôme. J'aimerais tant aller au master.

Ce vendredi, je traine un peu avec Manou, une appréhension me fait comme souvent retarder le moment de rentrer chez mon père, sachant que ce week-end sera sans fin.

En arrivant, je vais leur dire bonsoir, ils sont dans la cuisine en train de discuter, je crois même qu'ils se querellent.

J'ai à peine franchi le seuil de la cuisine, qu'elle m'aboie dessus.
.... Tu te crois ou ici ? A l'hôtel ?

….. Non chez moi !

...... Tu pars le matin et rentre le soir sans rien dire, et tu rentres juste pour te mettre les pieds sous la table.

..... Travailler ça te parle ?

..... J’aimerais bien savoir où tu travailles, feignasse comme tu es !

Mon père essaie de l'amadouer....  Laisse là profiter, elle est jeune.  

Hargneuse elle répond ... Et moi je me tape son linge et tout le reste, c'est ça je suis sa boniche. Elle est incapable d'aller travailler, elle poursuit soit- disant des études pour ne pas faire autre chose, ce n'est qu'une paresseuse, ouvre les yeux, une bonne à rien je te dis !

Je la regarde ironique ....... Je ne te demande rien, et de plus tu ne fais plus ni ma chambre ni mon linge depuis des années, je m'en occupe seule !

D'une voix ou la méchanceté ressort, elle jette criant comme la harpie qu'elle est ....... C'est ça, je ne m'occupe pas de toi, je ne me suis jamais occupée de toi peut-être ? Depuis tes dix ans je te sers comme une reine, il ne faut jamais rien te dire, tu as toujours raison.

... Effectivement tu ne t'es jamais occupée de moi, à part pour me tabasser, ou me faire subir des brimades, alors arrête de t'inventer un rôle de mère

........ Tu me dégoûtes, espèce de garce !

......... Et toi tu ne me dégoutes pas ? T’inquiète je vais partir tu auras le champ libre.

Mon père passe sa main dans ses cheveux. ........ Méli, tu ne peux pas partir, tu vas aller où ? Ma chérie réfléchis.

........  N’importe où. Mais t’inquiète je sais où aller, là où on me supporte, et où ma gueule ne donne pas envie de vomir ! Là où on ne me cherche pas querelle pour un oui pour un non. Là où je serais au calme !

Subitement hystérique, elle me traite de tous les noms, je réponds sur le même ton. Mon père essaie de la calmer. Elle vocifère davantage. Sa haine transpire par tous les pores de sa peau. Sans que je puisse intercepter son geste, elle me gifle à la volée.

Je suis dans une colère noire. Dans ma chambre, j'ouvre un sac de voyage, vide ma commode et mon armoire pêle-mêle dedans. Dans un petit sac, je range mon ordinateur, mes papiers et le maximum de mes bouquins, je glisse au milieu de mes affaires le cadre de ma maman qui me sourit.

J'attrape mon sac qui est lourd, le balance sur mes épaules, et prends l'autre à la main. Je n’ai pas mis un quart d’heure à rassembler mes affaires.  Je vais embrasser mon père livide, passe devant elle qui murmure ......... Bon vent !

........ Oui bon vent, en attendant ce n'est pas moi la garce ! Dommage que mon père soit aveugle.

Je quitte cette demeure hostile. Ma grand-mère vient juste de finir de dîner, c’est les larmes aux yeux et le cœur battant que je lui explique ce qui vient de se passer.

Manou …... Ne pleure pas ma poupée, prends la chambre et installe-toi, je te fais chauffer un peu de pâtes, et j'ai du jambon

J'emmène mes sacs dans ma chambre de petite fille, qui avant moi était celle de ma mère. J’essaie de caser mes affaires dans la petite armoire, le cœur gros et retenant mes larmes

De temps en temps, et surtout dès que je pouvais, je rendais visite à ma grand-mère, mais pas aussi souvent que nous l'aurions voulu. Quand l'autre l'apprenait, elle faisait une scène terrible par jalousie, de nous savoir si proches.

Tant de fois j’ai rêvé, prié pour venir habiter ici, dans le calme, entourée de tout l’amour de ma grand-mère.

Après un petit brin de ménage, avec manou, nous allons au marché bras-dessus bras-dessous. Nous trainons dans les allées, nous arrêtant pratiquement à chaque étalage. Manou discute quelques minutes, me présente. Fière d'être avec sa petite fille qui fait de grandes études.

Ma grand-mère a toujours habité ce quartier elle connait pratiquement tout le monde. Elle ne louperait pour rien au monde sa balade au marché du samedi.  Elle y voit ses amies, elles en profitent pour se donner rendez-vous dans la semaine chez l'une ou l'autre, rarement chez ma grand-mère.

Je me rappelle petite, quand nous allions au marché avec mon père et l'autre, nous rencontrions ma grand-mère qui avait toujours une sucette pour moi. Dès qu'elle avait le dos tourné, l'autre me l'arrachait et la jetait par terre

 ....... Ce n'est pas elle qui paiera le dentiste. 

Si ma grand-mère demandait de pouvoir me prendre pour la journée, elle s'empressait de répondre non, avant que mon père puisse dire quelque chose.  Les rares fois où il s'est opposé, l'autre faisait un tel esclandre sur le trottoir que mon père cédait. J'avais les larmes aux yeux le restant du marché.

En allant vers la boulangerie, je marque un temps d'arrêt, là sur le trottoir mon père et l'autre. Il nous a vu, et se dirige dans notre direction

Mon père .... Bonjour Odette, comment allez-vous ?

Manou ... Bien merci. On ne peut pas en dire autant de vous, vous m'avez l'air fatigué.
Mon père passe une main sur son visage tiré, Manou ignore totalement l'autre qui l'ignore aussi. Il hausse les épaules, me prend dans ses bras pour m'embrasser.
........ Comment vas-tu Mélissandre ? 

J'embrasse mon père en le rassurant. Il sait maintenant, quoiqu'il dût s'en douter, que je suis chez ma grand-mère.

Comme à regret il nous quitte, l'autre piaffe d'impatience avec un évident agacement. En le regardant partir mon cœur se serre, je trouve qu'il a les épaules affaissées, lui qui d'habitude se tient bien droit.

Pour Ses 45 ans mon père est un bel homme. Grand mince, tiré à 4 épingles. Elle sophistiquée au possible ses cheveux décolorés blonds, ses ongles longs au vernis d'un rouge voyant.

Je glisse mon bras sous celui de ma grand-mère, nous rentrons tranquillement à la maison.

Ce dimanche matin, la sonnerie stridente du téléphone nous surprend. Ma grand-mère va répondre.

Elle me crie du salon ... Mélissandre dis-moi poupée, aimerais-tu que nous allions manger chez tonton ? 

Je souris ... Oui avec plaisir Manou.

Vingt minutes plus tard mon oncle klaxonne devant le pavillon de Manou.

Ma tante nous reçoit avec un grand sourire

.... Si tu veux aller réveiller ta cousine, elle dort encore, elle est sortie hier soir.
Je souris et monte quatre à quatre les escaliers menant aux chambres. Je frappe à sa porte, sans attendre de réponse. Je souris en entendant un grognement.
 ... Dis donc la marmotte, tu pourrais te lever pour me recevoir.
Ma cousine les cheveux ébouriffés s'assoit dans son lit en riant

....... Ma Méli qu'est-ce que tu fais là ? 

 ... Je suis venue avec Manou.

... Quoi ? Manou est là aussi ? 

D'un coup de pied elle envoie voler draps et couvertures, enfile un jeans et un débardeur, je la regarde, secouant la tête en riant. Bras dessus bras dessous nous dévalons les escaliers. Elle se rue sur notre grand-mère pour l'embrasser.
Autant je suis châtain les yeux clairs, réservée studieuse, autant ma cousine est blonde les yeux marrons exubérante et pleine de vie.

Mon oncle ... Houlà Lise, du calme !

Elle rit en se frottant à son père ... Mais mon petit papa il y a des lustres que je n'ai pas vu Manou.

Ma grand-mère n'a jamais fait de préférence entre nous deux, peut-être un petit penchant pour moi, dans le sens où je lui rappelle tellement sa fille partie trop jeune.

Petites elle nous prenait chaque fois qu'elle pouvait pendant les vacances. J'ai de bons souvenirs de cette époque.

Le repas est joyeux, je suis aux anges. Après manger ma tante nous envoie dehors.

Je proteste ... Attends tata, nous allons t'aider à débarrasser.
Ma tante d'un ton qui se veut sévère au travers de son sourire ... Oust, j'aurai le temps plus tard, profitez toutes les deux.

Ma cousine m'entraîne dans le jardin, nous nous installons dans des fauteuils en rotin à l'ombre d'un lilas en fleurs. Elle babille sans arrêt, me raconte que son travail est sympa, que son patron est beau comme un Dieu, que toutes les filles sont dingues de lui, qu'elle-même en est amoureuse et qu'il est pour elle, qu’elle ne laissera personne lui prendre

Je ris ...A ce point-là ?

.... Ah tu ne peux même pas imaginer !

Nous plaisantons sur cet homme que je ne connais pas. L'imaginant d'un certain âge pour être patron.

Elle me demande des nouvelles de mon père. Je lui explique mon installation chez Manou et ma recherche d'un vrai travail

... Oui papa m'en a parlé, mardi j'en parle au DRH, il est super sympa. Dis-moi ou tu en es exactement dans tes études

En quelques mots je lui explique mon parcours.

......... J'ai terminé ma licence. Je voudrais aller au master, mais sans boulot je ne peux pas m'inscrire à la fac

Ma cousine me regarde sans comprendre ... Oui mais si tu travailles tu ne peux pas aller en cours.
........ Si bien sûr, en fait je prends des cours par correspondance et certains soirs par cam avec des profs de fac

Elle semble réfléchir et dans un soupir ......... Ah carrément, bah ouais alors, parce que sans diplôme j'ai réussi à trouver ce boulot. Bon je ne suis que standardiste mais je me plais bien, on voit du monde, ma collègue est sympa

Elle finit sa phrase en riant. Manou m'appelle. En remontant vers la maison j'embrasse ma cousine

....... Je te remercie.

...... Je ne te promets rien, mais en ce moment ça recrute un peu.

Je fais oui de la tête. Nous nous embrassons tous et promettons de bientôt nous revoir. Mon oncle nous raccompagne en voiture. 

Aujourd'hui je ne garde pas Thomas. Je vais sur le boulevard, chercher un petit pot de muguet pour la fête du 1e mai.

Emue ma grand-mère me remercie en me prenant dans ses bras. Nous nous étreignons tendrement.

Ce matin je retrouve Thomas avec plaisir, il me tend les bras et me fais de grands sourires.
Je préviens sa maman de mon absence, mercredi et jeudi prochains, en raison de mes partiels qui se déroulent de huit heures trente à midi et de quatorze à dix-sept heures. Je lui présente ma convocation.

Elle sourit ....... Passez vos examens tranquillement. Il n'y a pas de problème, si votre grand-mère veut bien s'occuper du petit ça m’arrangerait.

…… Oui bien sûr.

Pendant que Thomas dort, j'aide ma grand-mère au ménage. Je m'occupe pour éviter de penser. L'après-midi généralement Manou se met à sa télé avec soit une petite broderie, soit un napperon au crochet ou de la couture. Elle a toujours les doigts occupés, ne sachant pas rester sans rien faire. Quelques fois je la retrouve assoupie son ouvrage en main. Je souris devant ce visage qui respire la gentillesse et la douceur.

La semaine se termine sans que j'aie de nouvelles de ma cousine.  

Ce mardi huit est encore férié, je n'ai pas le petit en garde.  En réalité ce mois de mai, je n'ai pas beaucoup le bébé et du coup ça me fait un manque à gagner.

Les jours dits, je me rends à l'autre bout de Paris le cœur battant, une angoisse me tenaille. Il me faut absolument réussir, je n'ai pas les moyens d'échouer. Ce petit mois au calme chez ma grand-mère, m'a permis de réviser, j'ai mis les bouchées doubles. Installée souvent dans le jardin sous le gros tilleul quand Thomas faisait sa sieste à l'ombre dans sa poussette.

Ces deux jours sont intenses, j'ai donné le maximum de mes capacités. Les épreuves terminées, je relâche la pression.

Thomas protégé d'un petit parasol somnole en tétant l'oreille de son lapin en peluche. C'est un adorable bébé qui ne demande pas d'attention particulière. Pleurant rarement, il babille gracieux, offrant quantité de sourires.

C'est son dernier jour avec nous, le soir je propose à la maman de lui garder de nouveau si elle a un souci de nourrice, ou si elle cherche une baby- Sitter pour un soir ou un week-end. Elle me remercie gentiment et promet d'y penser

En rentrant du marché je propose à Manou de manger dans le jardin, un beau soleil s’est invité. Nous devisons tranquillement, sautant du coq à l'âne

J'apprécie particulièrement de discuter avec ma grand-mère, c'est une personne sage, toujours de bons conseils. Très ouverte nous pouvons aborder n'importe quel sujet sans qu'elle ne s'offusque. Au fil des jours nous réapprenons à nous découvrir. Je me sens si bien à ses côtés. Je revis.

Cet après-midi je me repose allongée dans l'herbe. Je décompresse un peu, tout en étant perplexe. Comment être certaine d'avoir bien répondu ? Tout dépend du correcteur, de l'interprétation qu'il se fait à la lecture d'un devoir. Suis-je parvenue à exprimer mon idée sans pour autant l'imposer ? Ce sujet sur la raison de pensée, de Kant m'a laissé perplexe. Les Maths particulièrement difficiles m'ont mis un peu sur la touche. J'ai tout donné, mais est-ce que sera suffisant ?

Depuis notre repas chez Elise, j'attends avec impatience son appel, espérant une bonne nouvelle. Au fil des jours, j'abandonne tout espoir. Elle a essayé certainement, je n'en doute pas d'ailleurs, mais a échoué. En deux semaines, elle aurait dû me donner une réponse. La journée je donne le change à Manou, pour ne pas la préoccuper, le soir je me couche le cœur gros, comprenant que ma cousine n'a pas obtenu ne serait-ce qu’un rendez-vous.

Lundi, ça me fait drôle de ne pas avoir le bébé à garder. Je tourne un peu en rond. Pas de révision, pas d'enfant. Je décide de ranger mon armoire trop petite. Je fais un peu de tri dans mes affaires, me promettant d'en faire bénéficier quelqu'un. Je mets tout dans un sac, dans le bas de l'armoire. Dans l'après-midi je range mes cours. Je retrouve manou devant la télévision, et lui tiens compagnie jusqu'au repas du soir 

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