Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité

melissandre-meli

melissandre-meli
Publicité
Archives
25 septembre 2000

Malveillance

J’embrasse les filles, et attends monsieur Duval, sachant qu’il ne va pas tarder. Ghyslaine nous raconte une blague de son fils, Lise explique à grands mots et détails, l’anniversaire de Manou.

Je vois le DRH arriver, sa mallette à la main, en pénétrant dans le hall, il me sourit, je lui rends son sourire.

......... Bonjour Madame, mesdemoiselles. Comment allez-vous ?

Ghyslaine ....... Bien monsieur

Mr Duval ....... Je ne demande pas à mademoiselle Dumont, elle est toujours en forme

Lise rit ........ Doucement monsieur Duval, nous ne sommes que lundi hein !!

Mr Duval répond ironique ....... Justement le lundi vous êtes reposée !

Il coupe court et se tourne vers moi ......... Montons mademoiselle Robin.

J’attrape mon sac et m’engouffre dans l’ascenseur à sa suite.

....... Comment allez-vous mon petit ?

........ Bien monsieur je vous remercie

....... Comment votre cousine peut-elle être si dissemblable de vous ?

Je souris ...... Nous n’avons pas le même caractère.

........ Hum ! Je vois ça

Il sourit et ouvre la porte de son bureau, il s’efface pour me laisser entrer.

....... Asseyez-vous, nous attendons le patron !

Je sens mon pouls s’accélérer, monsieur Duval commande trois cafés au travers de l’interphone. La petite souris arrive avec un plateau. J’ai envie de sourire. La même coiffure, la même robe et le même visage revêche

Elle pose une feuille sur le bureau de monsieur Duval

La porte derrière moi s’ouvre, j’entends la voix de monsieur Jorelle autoritaire

....... Mademoiselle Perez, où est le courrier de vendredi ?

Elle répond sèchement........ Il n’est pas tapé !

.... Je ne vous l’ai pas donné vendredi midi ?

... Oui et je n’ai pas eu le temps, je n’étais pas là l’après-midi

Elle repart en claquant la porte. Je reste sidérée.

Mr Jorelle ....... Tu ne m’as pas fait signer de feuille !

Mr Duval ...... Aucune chance, je viens de l’avoir !

Monsieur Jorelle me serre la main, et s’assoit à côté de moi, il me tend une tasse de café, je le remercie, il avale le sien en deux gorgées. Monsieur Duval signe la feuille que la femme a apporté

Monsieur Jorelle se lève.

....... Suivez-moi mademoiselle Robin

Nous allons dans son bureau. J’ai le cœur qui bat, ou va-t-il me mettre ? Un soudain pessimiste me prend, je me sens blêmir.

Il me prie de m'assoir et se met sur son fauteuil. Les coudes posés sur la table, les mains croisées sous le menton, d'une voix adoucie il me demande de le regarder. 

Mr Jorelle ...... Mélissandre, que se passe-t-il ?

Tendue comme un arc, je réponds avec une tranquillité que je n’ai pas ......... Ça va monsieur.

Le téléphone sonne, il décroche et parle quelques instants en faisant des ‘’Hum’’ ‘’ Oui’’ ‘’ Nous en reparlerons je suis en réunion’’

Il raccroche

Mr Jorelle .......Vous allez être mutée définitivement et être formée par Mademoiselle Perez pour la remplacer.  Avec votre niveau d'études cela ne devrait pas vous poser de problème.  Je veux que vous soyez attachée uniquement à mon service et celui de Monsieur Duval !

Je le regarde la bouche ouverte, je n'en reviens pas, j'essaie de me ressaisir.

Mr Jorelle continue .......... Vous avez gravi avec beaucoup d'efforts les étapes, je n'ai eu que des éloges sur votre sérieux. Ce poste sera le dernier. Vous serez appelée de temps à autre à m'accompagner, est-ce que ça peut vous poser problème ?

....... Non monsieur.

 ........ Ces heures vous seront payées. Aurez-vous la possibilité de vous libérer au pied levé ? 

  ........ Oui bien sûr Monsieur, sauf les soirs de cours.

  ........ D’accord ! Nous rajouterons sur votre contrat votre emploi. Suivez-moi !

Il se lève, comme un ressort et va en direction de cette porte latérale nous nous retrouvons dans un bureau clair, d'une belle dimension ressemblant aux deux autres. Assise à une table de travail la petite souris grise, lit le journal.

Mr Jorelle ........ Voici Mademoiselle Robin, vous la formerez jusqu’à votre départ !

Il repart comme il est venu, sans un merci ni bonne journée. La vieille me regarde de la tête aux pieds et se penche sur l'article qu'elle lisait, je reste plantée comme un piquet. Je détaille la pièce, un grand bureau en L, sur le petit côté un écran d'ordinateur. De chaque côté de la pièce une porte de communication. A droite de la porte d'entrée, un petit canapé bas avec deux larges coussins une table basse, quelques revues dessus. Je sens tout de suite l'atmosphère confinée et l'air saturé de cette pièce. Il y pourtant de belles et grandes fenêtres mais certainement jamais ouvertes.

De la matinée, elle ne m’adressera pas la parole. A midi elle enfile son imperméable prend son sac et sort sans un mot.

Je rejoins les filles au standard

Lise ...... Tu es où alors ?

..... Là-haut avec mademoiselle Perez

Ghyslaine ...... Et bien bon courage ma petite chérie.
Lison rit ....... Ouais, ce n'est pas dame bonté. C'est une vieille fille acariâtre, qui se croit encore au temps du vieux.

........ Elle ne m'a pas adressé un mot de la matinée. Je ne sais pas si ça va être comme ça tous les jours.

Les filles m'expliquent que les employés la soupçonnent d'avoir toujours été amoureuse du vieux, que ça fait plus de 30 ans qu'elle est dans la société et que quand la mère du président est décédée, elle a cru devenir patronne. On dit même qu'ils étaient amants
En haussant les épaules je réponds ........ Ah ! des commérages ?
Lise ......... Non, non, tu peux parler de la vieille tout le monde comprendra.
Je lui souris et non sans une pointe d'ironie lui fais remarquer

......... Tu sais moi les affaires des autres je ne m'en occupe pas. Par principe, je n'aime pas qu'on s'occupe des miennes.
Lise baisse le nez dans son assiette, je crois que je l'ai vexée, j'essaie de relancer la conversation. Tout va bien, elle sourit et se détend.

Lise ....... Bah en tout cas ils sont virés ces gros cons. Et ça y va dur dans les couloirs

....... Ils n’en ont pas assez de colporter ?

.......  Bah tu sais, d’un mot en vient un autre, et tout le monde sait qu’il a viré en moins d’une semaine dix personnes pratiquement

Je me sens pâlir, Ghyslaine me sourit

....... Dis la cousine, ne crois pas en être responsable

........ Oui enfin à chaque fois je suis au milieu quand même

Lise éclate de rire ........ Bah ouais, tu te tapes la direction

Je souris, sachant que c’est l’humour de ma cousine.

En rentrant au bureau je m'arrête boire le café avec les filles. J'emprunte les escaliers pour monter les trois étages. Je frappe à la porte et attends.
N’ayant pas de réponse j’entre, elle est assise, son journal posé devant elle.

Pas un mot, elle ne m’adressera pas un mot de l’après-midi. Vers seize heures un type amène une sacoche en cuir qu'il me tend et me demande l'autre.  Je le regarde d'un air complètement idiot. Je ne sais pas ce qu'il veut.
Lui ........ La sacoche de courrier

Je me tourne vers Mademoiselle Perez pour lui demander. Elle me toise comme si j’étais une merde de chien et de sa voix hargneuse me répond ........ Elle n’est pas sur mon nez ! 

Je me retiens de lui répondre, quatre armoires sont adossées au mur de séparation du bureau de monsieur Duval, je bloque devant. Le jeune homme vient à mon secours, ouvre la dernière à droite et prend une sacoche identique à celle qu'il vient de me donner. Il me fait un petit clin d'œil et repart comme il est venu.

Dix-sept heures trente, je la vois enfiler son imperméable prendre son sac et partir. Je sors à mon tour et rejoins ma cousine

Après diner, je vais me préparer pour la nuit, je suis fatiguée d’être restée debout toute la journée. La douche me délasse un peu. J’envoie un message à ma cousine. ‘’ Ma Lison j’ai des devoirs ‘’

Je n’ai pas envie d’échanger avec Elise, je reste un peu avec ma grand-mère et me couche. Le sommeil tarde, je me pose tellement de questions sur cette société. Que de malveillance venant des anciens.

Ce matin je retrouve Lise et Ghyslaine au standard, je prends le temps de boire un café avec les filles, et monte avec monsieur Duval qui me demande si tout va bien

.... Oui monsieur je vous remercie

En sortant de l’ascenseur il me sourit ...... A tout à l’heure mon petit.

Je fais oui de la tête, avec angoisse j’ouvre la porte du bureau, à peine entrée elle m’apostrophe.

...... Vous êtes en retard !

Je ne réponds pas, en retard ou pas, pour ce que je fais. De cette voix pleine d’agressivité, elle m’ordonne de m’occuper du courrier

Je regarde sur le bureau, pas une enveloppe ne traine. Je demande où est le courrier.

...... Vous ne voyez pas la sacoche ? Elle est sous votre nez !

Effectivement sur le petit sofa il y a la sacoche en cuir. Je l’ouvre et sors un gros paquet de lettres sans savoir ce qu’il faut en faire. Les ouvrir, pas les ouvrir ?

Sans me démonter je lui demande ce que je dois en faire. Elle me regarde comme si je descendais de mars et méchamment

... Vous voulez en faire quoi ? A part le trier et le distribuer.

 Dans mon cerveau en ébullition je me répète ‘’Le trier ? Ah oui et comment je fais ? ‘’ Je sens la nervosité me gagner, et demande froidement en quoi consiste le tri

... Vous êtes idiote ou vous le faites exprès ? 

Le cœur battant, la colère au bord des lèvres, je me retiens de ne pas l’envoyer sur les roses. Je me mets dans l'angle du bureau et pose le paquet. Il y a des grandes enveloppes, des plus petites, des à fenêtre.
Celle où je vois PDG ou Mr Jorelle Directeur ou, Mr Duval, je les mets sur le côté. Après je butte, triturant les enveloppes sans avoir aucune idée de quoi en faire.

Pour la énième fois je lui demande de m’expliquer.

........ Mais ma pauvre fille, vous sortez d'où ? Ce n'est pas compliqué pas besoin d'avoir son BAC, il suffit de savoir lire.

Son air revêche, sa voix hostile, me donne envie de la remettre en place une bonne fois pour toute. Je me tais et prends une grande inspiration.

Elle m'arrache des mains les enveloppes que je tiens. Je suis écœurée de son comportement. Je sors et me dirige vers les toilettes les larmes aux yeux. En passant devant l'ascenseur, les portes s'ouvrent sur le PDG, je baisse la tête et continue quand dans mon dos j'entends
....... Mélissandre approchez !

Je ne me retourne pas et continue dans le couloir. Monsieur Jorelle, attrape mon bras et me fait faire un demi-tour sur moi-même. 

Mr Jorelle ........ Ne m’auriez-vous pas entendu ?

Je sais qu'il me détaille, je ne lève pas les yeux, quand je sens sa main sous mon menton m'obligeant à lever la tête vers lui. Le cœur battant, les joues écarlates, les yeux pleins de colère, je croise son regard

Mr Jorelle ....... Que se passe-t-il ? 

....... Rien Monsieur.

..... ... Ça se passe bien avec Perez ? 

Sans répondre, je me dégage d’un coup sec et me dirige vers les toilettes. Je m’adosse au mur, et éclate en sanglots. Je respire à fond pour me calmer. Je bois un peu d’eau fraiche dans mes mains en coupe, avec du papier essuie-main j’efface les traces de larmes et mon maquillage qui a légèrement coulé. Je retourne au bureau l'angoisse me tenaillant les entrailles.

En entrant dans le bureau, je vois la porte de communication du bureau de monsieur Jorelle grande ouverte. 

Melle Perez...... le courrier est trié vous pouvez le porter.

J'enregistre que pour une fois elle a mis en avant le PDG et que le ton est radouci.  Elle me tend le paquet d'enveloppes sans autre commentaire.

Je regarde les en-têtes et commence par le PDG qui me remercie d'un signe de tête. Je passe dans le bureau de Mr Duval qui me sourit.
Je me dirige vers le couloir, mon paquet d'enveloppes à la main. Je regarde les noms, cela ne me dit rien du tout. Je descends au premier et longe le couloir, les portes ne comportent aucun nom, juste les services.

Les services j’en connais quelques-uns pour y avoir travailler, mais je ne connais pas le nom des gens. Je sens le stress me gagner.

Indécise je vais voir Elise, peut-être pourra-t-elle m'aider elle connait tout le monde. J'arrive au standard, ma cousine papote avec sa collègue
Lise ...... Tiens Méli qu'est-ce que tu fais ? 

  ....... Je suis désolée Lise, je dois distribuer le courrier, je suis complètement perdue.
Ma voix s'enroue, Ghyslaine me regarde en fronçant les sourcils, elle lâche d'un ton sarcastique

 ....... Distribuer le courrier ? Quel courrier ? 

Je leur montre le paquet d’enveloppes ....... Celui-là

Lise et Ghyslaine se regardent.

....... C’est nouveau ?  Va Elise emmène ta cousine.

Avec Lise nous faisons le tour des bureaux, je distribue mes enveloppes. En entrant chez Gérard je discute deux minutes avec lui. Il me demande où est Bruno et pourquoi c'est moi qui lui apporte son courrier. Lise prompte comme à son habitude, répond que c'est la nouvelle mode décidée par la vieille. Gérard sourit et me souhaite bon courage.

Je remercie Lise qui m'embrasse en me disant de ne pas m'en faire. Je retourne au bureau une boule au ventre.

....... Ah bah vous en avez mis du temps !

Je la toise sans répondre, elle ne m'adressera plus la parole de la journée. Elle pianote sur son ordinateur ou répond au téléphone sans s'occuper de moi.

Dans l’après-midi elle me donne deux parapheurs ........ Allez porter ça chez Jorelle et Duval !

Je me dirige vers la porte du couloir.

...... Vous allez où ?

Je me retourne .......... Portez ça chez monsieur Jorelle et monsieur .......

Elle ne me laisse pas finir ma phrase ........ Décidément l’intelligence ne vous étouffe pas ! Vous avez des facultés déficientes ou quoi ? Vous passez là.

Elle me montre les portes latérales. ........ A droite Duval, à gauche Jorelle ! Ce n’est pas compliqué.

Une envie de lui envoyer les classeurs dans la tête me prends. Je me ressaisis rapidement et me dirige vers la droite

Je me retrouve dans le bureau de monsieur Duval, je ne comprends pas. Je réfléchis deux secondes quand la porte s'ouvre.
......... Ah mon petit, c’est le courrier ? 

....... Oui Monsieur

...... Bien posez-le sur mon bureau.

Je traverse le bureau de Mademoiselle Perez et vais à la porte de droite que j'ouvre sans frapper. Le PDG est au téléphone. Je me trouve gourde, je pensais le bureau vide. Je stoppe net.
Il me fait signe d'approcher, je lui tends le courrier en rougissant, et vais pour repartir.

Mr Jorelle ........ Merci Mélissandre.

Je rejoins mademoiselle Perez qui est aussi au téléphone. J'attends plantée comme un piquet 

Mr Duval l'appelle à l'interphone, elle le rejoint dans son bureau avec un calepin et un crayon, me laissant seule et désœuvrée jusqu’au soir

Sans un mot elle enfile son imperméable et prend son sac, elle me regarde comme si j’étais la dernière des abruties

..... Vous couchez là ?

Je prends mes affaires, passe devant elle et descends les étages. En me voyant arriver, Lise me regarde en fronçant les sourcils

....... Méli ça va ?

Je me sais pâle, je fais oui de la tête. J’embrasse Ghyslaine, Lise glisse son bras sous le mien, nous allons au métro

 .... Alors ? Ça s'est passé comment ? 

Je lui raconte, quelle ne m'adresse que très peu la parole, ne m'expliquant pas du tout le travail et me traitant d’abrutie

  ... Pfff ça ne m'étonne pas de cette vieille bique. 

Nous nous embrassons en nous quittant. Je rentre chez Manou fatiguée d'avoir été debout toute la journée sur mes talons hauts

Le soir j’échange un peu avec Lise, elle me demande combien de temps je reste avec Perez.

........ C’est mon dernier poste, je suis affectée là, elle part en retraite je crois.
 ...... Woua l’intello c’est trop super dis donc. Et tu fais quoi ?

 ...... Je distribue le courrier et attends qu’elle m’apprenne le travail

 ....... Elle doit t’apprendre, elle doit t’apprendre, enfin pour l’instant c’est le néant.

Je souris .... Oh peut-être que demain ça sera mieux.

...... Ce n’est pas à toi de distribuer le courrier, avec Ghyslaine on ne comprend pas.

..... Oui pas grave, au moins ça m’occupe.

........ Jorelle m’a téléphoné, tu sais pour l’autre jour, les connards du service auto, qu’il a viré

....... Heu oui et ?

Elle rit ......... Il m’a rassuré en me faisant promettre la prochaine fois d’être un peu plus diplomate.
 ........ Faut dire que tu n’y as pas été avec le dos de la cuillère.
...... Oh bah attends, on n’est pas là pour se faire traiter de pute quand même.

..... Non bien sûr

..... Tu vois qu’il est top ce mec, au moins il a des couilles. Je l’adore.

Je ris ........ Oh Lison !

J’’étouffe un bâillement, souhaite une bonne nuit à Lise et coupe. Je m’endors la tête à peine sur l’oreiller. 

Ce matin je refuse le café des filles et monte directement. J’attends Perez qui arrive sans se presser. En entrant elle balance la sacoche qu’elle a en main, sur le petit sofa

......... Ne restez pas plantée là, occupez-vous du courrier.

C’est tout ce que je ferais de la matinée.

A peine assise que Lison me demande, en haussant les épaules je lui réponds.

... Toujours pareil, à part le courrier, je n'ai même pas fait une photocopie, je gobe les mouches. 

Lise …Parles-en à Duval.

Je fais non de la tête, nous entamons notre plat de hachis parmentier.

Avant de rejoindre le 3e je bois un café avec Lise, et me décide à monter défaitiste, sachant ces longues heures sans rien faire

Assise dans le métro, je regarde par la fenêtre machinalement. Nous sommes dans les tunnels sombres. Je suis toute à mes pensées. Qu'est- ce donc que cette Perez encore ? Qu’est-ce que j’ai fait pour ne tomber que sur des gens malveillants ?

Je m'aperçois de plus en plus que cette société n'est pas si paisible que j'aurai pu le penser. C'est à celui ou celle qui poussera l'autre. Ils ont peur de quoi ? Que je leur pique leur place ?

J'arrive chez Manou, ça sent bon le caramel. Je vais à la cuisine et l'embrasse.
Moi ......... Hum Manou ça sent trop bon.
........ Je t'ai fait des œufs au lait ma poupée.
Je fais un nouveau petit baiser à ma grand-mère, elle sait que j'adore ça, quand j'étais petite je lui demandai souvent des œufs dans le lait. Ce qui la faisait rire. Et pour la taquiner je lui dis

  ... Ah tu fais des œufs dans le lait ? 

  .... Oui ma poupée. 
Elle sourit avec bonté, et me demande comment s'est passé cette journée dans mon nouveau post. Je lui dis "très bien" Je ne veux pas la chagriner en lui racontant mes petits soucis. 
 ... Qu'est-ce que je peux te faire Manou ? 

 ... Rien ma poupée va te délasser.
Je vais dans ma chambre, et me change, je range mon tailleur enfile un jeans et un sweat, je prends mes feuillets de cours et m'allonge à demi sur mon lit.

Manou .... Méli, téléphone pour toi c'est Lise.

Je me lève, rassemble mes feuillets et vais au salon, Manou à poser le combiné sur la petite console.
... Allô ?

... Alors Méli, ça n'a pas été ta journée ?

Je lui raconte en gros le stress de cette journée et lui demande pourquoi Mademoiselle Perez agit de cette manière.
....... C'est une vieille fille aigrie, elle ne veut pas partir en retraite, ça fait deux ans déjà qu'elle devrait avoir quitté la société mais elle s'accroche, elle a commencé il y a 30 ans avec l’ancien patron, elle était sa maitresse. Tu sais ce que je disais c'est vrai. Il la sautait sur le canapé dans le bureau. C'est de notoriété publique
Lise termine sa phrase en riant. 

....... Ah d'accord, donc elle va me faire la misère, et après je fais comment si elle ne m'apprend rien du boulot ? Je vais être complètement perdue, et me faire virer, je ne ferai jamais l'affaire.

...... Ecoute attendons quelques jours et on en parle ok ? 

...... D'accord Lison. Dis-moi comment ça se fait qu’il y ait une telle ambiance dans cette boîte !

..... Ça ne fait pas assez longtemps que j’y suis, mais c’est surtout les anciens qui mettent la pagaille. Ils le font exprès

 ........ Mais pourquoi ?

 ...... Parce que l’ancien patron a été viré et Jorelle a pris la place.

........ Mais comment ça ? Qui a viré l’ancien patron ?

....... En fait ce n’était pas le patron, c’était le mari de la patronne mais c’est lui qui faisait tourner la boite

...... Mais qu’est-ce qu’il y avait avec l’ancienne direction ?

...... Bah il ne s’occupait de rien, chacun faisait ce qu’il voulait, ça été loin. Moi je suis arrivée après, je ne l’ai pas connu. C’est Duval qui l’a remplacé

...... Et monsieur Jorelle ?

... Bah je ne sais pas trop pourquoi c’est lui qui est à la direction en fait.

On discute encore quelques minutes, je raccroche sur bisous-bisous. Je me sens un peu mieux. 

Nous passons à table, Manou aime bien manger à 19 heures ensuite elle suit ses informations et son film. C'est tout un rituel, et je ne veux en aucun cas lui perturber ses petites habitudes. 

Après manger je l'aide à débarrasser, lave la vaisselle, j'y tiens absolument et sors la poubelle. Manou va se mettre en chemise de nuit pendant ce temps et file s'asseoir sur son beau canapé pour regarder la télé. Souvent je lui tiens compagnie puis à l'heure du film, je la laisse tranquille.

La semaine se termine sans amélioration. Comme les jours précédents, ma journée consiste à aller de service en service porter le courrier.

Avec Manou, nous allons faire notre petit marché, elle achète des macarons en prévision de jeudi, elle est décidée à recevoir ses copines pour un goûter. Je suis contente, qu’enfin elle prenne de bonnes résolutions. 
En chemin elle me fait part de l’invitation des parents de Lison pour le lendemain.

Nous vidons le panier et rangeons nos achats. Manou me propose pour ce midi des escalopes à la crème et champignons avec de la purée.
...... Impeccable Manou, tu veux que j’épluche les pommes de terre ?

...... Si tu veux ma poupée.

Je m’assois à la table et pèle les pommes de terre, je les coupe en carrés dans la passoire. Manou s’active, elle sort le couvert, quand une idée me vient.
...... Manou, tu ne voudrais pas que le week-end on mange dans la salle à manger ?

.......... Mais oui ma poupée, pourquoi pas !  

...... Bah oui, elle est tellement jolie, il faut en profiter

Manou sourit ... Toute ma maison est jolie. Je suis tellement heureuse.

Tout en préparant nous échangeons nos impressions. Nous nous mettons à table, Manou tourne légèrement la télé du salon que nous puissions la voir en mangeant. Ce qui ne nous empêche pas de parler.

Pendant qu’elle va chercher les escalopes et la purée, je zappe sur les chaines, jusqu’à tomber sur une émission de jardinage.
Manou me sert et s’assoit.
....... Oh regarde Manou c’est trop joli ces parterres de fleurs.

....… Oui ma poupée, tu sais du temps de ton grand-père, j’avais des fleurs partout. 
….... Ah bon ! Mais on pourrait en remettre si tu veux !

Manou en riant me fait remarquer qu’elle est trop vieille pour bêcher le jardin.

Je ris … Mais manou on demandera à papa, je suis sûre qu’il voudrait bien nous aider.

Ma grand-mère me regarde en souriant, ses yeux sont pleins d’amour. De cet amour d’une grand-mère qui chérit sa petite fille. Je l’aime aussi de tout mon cœur.

J’essaie de rattraper toutes ces années, ou l’autre m’a privée de ma grand-mère. Tout en sachant que le temps perdu ne se rattrape pas. J’ai eu mal quand au cours d’une conversation, m’a grand-mère m’a avoué être restée des week-ends entiers à pleurer parce qu’elle m’apercevait et ne pouvait même pas m’embrasser. Elle m’a confessé en vouloir à mon père de ne pas être suffisamment autoritaire pour tenir tête à sa pimbêche. Je souris en entendant ce sobriquet. Je lui avais confié les sévices et traumatismes psychologiques qu’elle m’a fait endurer. Manou fine et à l’écoute, m’avait fait comprendre que si je m’étais jetée autant dans les études c’était pour oublier mon mal-être, lui prouver que j’étais et allais devenir quelqu’un

Après manger, je refuse que ma grand-mère m’aide à ranger la cuisine, je la renvoie à sa télévision, je sais que son émission va commencer. Nous avons trainé à table.

Je porte un café à Manou, mets les tabourets sur la table, balaie et lave le sol. Contente de moi je vais me détendre.

Je m’installe sur mon lit avec mon ordinateur et bipe ma cousine.

Je lui écris ... Lison je ne mets pas la cam, Manou regarde la télé.

Je baisse la fenêtre et cherche sur internet quelques explications sur des Maths, quand la fenêtre de Lise clignote.  

-       Tu fais quoi ?

-      Rien de spécial je vois mes cours et toi ?

-       Moi non plus. Vous venez manger demain 

-       Oui Manou m’a dit.

-       Ça te dirait de sortir ce soir, je vais avec des potes dans un pub.

-       Non je te remercie, il faut que je fasse mes devoirs.

-      Mais jamais tu sors !

-       C’est important pour moi, je ne peux pas rater mon année tu sais.

-       Ouais mais tu pourrais t’amuser un peu quand même.

-      J’aurais le temps après ma Lison.

Nous échangeons pendant plus d’une heure, quand je lui dis que je vais bosser un peu.
Lise -   D’accord l’intello, bon courage.
Je lui envoie un smiley de bisous et la remercie. Je ferme sa fenêtre.

Je bosse une bonne partie de l’après-midi. Le soir je me délasse devant la télé avec manou.

A onze heures, tonton vient nous chercher. Tata nous accueille à la porte. Les embrassades n’en finissent pas.

On entend Lise dévaler les escaliers.

Mon oncle …... Adieu calme et tranquillité

Lison …...... Oh papa, comment tu es hein !

Mon oncle rit et demande à sa fille, de reconnaître que c’est une tornade.

Aidée de ma cousine, nous mettons le couvert dans la salle à manger, tonton sert l’apéritif. Il me propose un doigt de porto que j’accepte.

Comme à son habitude tata a cuisiné avec talent. Le repas est animé. Manou s’étonne de ne pas voir mon père.
Tonton ........ Nous l’avions invité, mais il était pris.

Lison me demande ce que j’ai fait hier

....... J’ai perdu mon latin sur un devoir de maths que je n’ai pas compris.
Mon oncle ........ Tu aurais dû l’emmener, nous l’aurions vu ensemble ma chérie.

....... Ah mince je n’ai pas pensé !

....... Donne-le à ta cousine, et je te téléphonerai si tu veux.

........ Oh oui tonton, tu es super, merci.

Mon oncle rit …… Je savais bien ma puce que j’étais super !

Ma tante rajoute en se moquant........ Fais attention, tu pourrais avoir les chevilles qui enflent.

Nous montons dans la chambre de ma cousine. On échange un peu sur tout, mes études, le travail, la mode, nous écoutons de la musique en sourdine. Lise comme à son habitude saute du coq à l’âne.

Nous dinons avec eux, tonton nous raccompagne en fin de soirée.

Lise m’attend au métro, pour me donner du courage comme elle dit en riant. Le midi, les filles me répètent que je n’ai pas à distribuer le courrier, ça ne fait pas partie de mes tâches
Je leur demande si elles sont sûres de ce qu’elles avancent

Ghyslaine ...... Ma belle, c’est le travail de Bruno de s’occuper du courrier, toi tu fais celui de Jorelle et Duval !

Je leur raconte par le menu détail mes journées. Ce qui est très vite fait et dit.

Je bois le café au standard.

Ce matin je me prépare avec un calme apparent, que je n’ai pas. Une boule au ventre je vais au travail. C’est décidé, je ne bougerai pas.

Ghyslaine n'est pas encore arrivée, je bois un café avec ma cousine et monte au troisième, assez nerveuse me demandant comment ça va se passer. Lison a eu beau me réconforter, je me fais un sang d'encre.

En une semaine je n'ai rien appris du travail. Je ne sais pas ce qu'elle fait sur son ordinateur comment sait- elle qu'il y a du courrier à taper ? Qu’est-ce qu’elle fait comme photocopie ? Les dossiers dans les armoires, que concernent-ils ?

Je perds le peu de confiance que j'ai.

Ghyslaine arrive nous nous faisons la bise. Mademoiselle Perez prend la sacoche que Lise lui tend et me regarde d'un œil mauvais, la bouche pincée. 

Lise ....... Fini ton café, elle n'a rien à te dire, quand c'est elle qui te fait attendre.
Je hausse les épaules dans un signe de lassitude, en pensant ... Et on n'est que mardi !

Elle ne m'adresse pas la parole moi non plus et c'est très bien. J'ai décidé de ne rien faire de mon propre chef. Si elle ne m'explique pas le travail, je ne bougerais pas, je n’irais pas distribuer le courrier.

...... Occupez-vous du courrier au lieu de rester planter

Je la toise et très calmement je réponds ........ Occupez-vous-en vous-même !

Avec un semblant de calme je m’assois sur le sofa et feuillète une revue automobile qui se trouve sur la petite table. L’attitude de mademoiselle Perez ne change pas. Elle ne s’occupe absolument pas de moi. Je suis complètement transparente. Je ne descends plus distribuer le courrier. J’attends avec impatience l’heure de partir

Jeudi dernier, Mr Jorelle m'a fait appeler, pour me dire qu'il ne comprenait pas le courrier que je lui avais remis, qu'il me fallait être plus consciencieuse dans mon travail. J'étais sortie du bureau, écœurée, c'est elle qui m'avait envoyée.
Je passe ma matinée debout à faire les 100 pas dans le bureau, à regarder par la fenêtre et à m’assoir sur ce vieux canapé défoncé.

Dès qu’il est midi, sans attendre, je prends mon sac et rejoins les filles au standard, le soir pareil je n’attends pas une minute de plus.

Ce soir en entrant, j’ai un mail sur le portail de l’école, m’avertissant que nous avons cours jeudi soir, le prof ne pouvant pas l’assurer vendredi

Mon ordinateur bipe c'est ma cousine

-      Ça va Méli-Mélo ? Je t’attendais, ça fait vingt minutes que je t’ai bipé !

-      Oui, j’étais avec une copine de fac, pour un devoir

-      Ah d'accord ! Je ne savais pas. Bon alors ça a donné quoi la vieille.

-      Rien de changé tu sais, je n'ai toujours rien vu, rien n'appris. C’est le néant total et j’ai décidé de ne plus distribuer le courrier, je verrais bien.

-       Bah oui elle est cinglée cette vieille bique, tu ne distribues que le courrier de Jorelle et Duval

-      Je ne sais pas si elle se rend compte des retombées désastreuses pour moi, si je me fais virer.

-      Tiens le coup 

-      C’est dur, je ne sais pas si je vais y arriver. Et je fais quoi lundi prochain ?

Je sens les larmes monter malgré moi, Lison s'en aperçoit

-      On va s'en occuper, et aller voir Duval.

-      Non laisse, je verrai bien. Je me débrouillerai

Nous parlons encore un bon moment, au travers de l'écran.

Les jours défilent, on est déjà jeudi. Je ne dors plus, j’ai l’appétit coupé et très mauvaise mine

En mangeant ce midi avec ma cousine et Ghyslaine, je craque et fonds en larmes.

Les filles sont dépitées pour moi. En rentrant, Lise m'oblige à boire un café, elles me retiennent le maximum. Le personnel commence à rentrer. Je finis par monter pour attendre 17 heures 30 à ne rien faire.

Il est environ 15 heures quand l'interphone sonne

Mr Duval ........ Mademoiselle Perez, dites à Mademoiselle Robin de venir !
Elle ne répond pas, éteint l’interphone et se replonge dans son journal.

De moi-même je vais dans le bureau du directeur, le cœur battant, une anxiété terrible me prend dans le ventre. J’ai les jambes molles.
  ....... Vous m'avez fait demander Monsieur ? 

  ......... Oui mon petit, fermez la porte.

Je m’exécute et approche de son bureau. Je me sais pâle.

...... Asseyez-vous mademoiselle Robin ! Je ne vous ai pas vu depuis lundi. Tout va bien ? 

... Heu oui Monsieur.
.... Alors racontez-moi, qu'avez-vous appris la semaine dernière ? 

Je me sens me liquéfier. Ça y est, l'heure fatidique est arrivée. Il va comprendre.

  ... Je ne sais quoi vous répondre.

  … Juste ce que vous avez acquis comme connaissances !

  … Rien Monsieur.

  ... Comment ça, vous n'avez rien appris ? Vous ne retenez pas les explications de Mademoiselle Perez ? 

  ... Ça doit être ça.

  ... Sauriez-vous me dire ce qu'elle vous a expliqué et que vous n'avez pas compris ? 

Je suis coincée, il va me pousser dans mes retranchements. Je sens mon estomac se serrer. Mes mains sont glacées.

.... Pas grand-chose monsieur

  ... C'est quoi pas grand-chose ? 

  ... Rien Monsieur.

  ... Comment rien, elle ne vous a rien expliqué ou vous ne voulez pas répondre ? Rien, ne veut rien dire.

Il tente un sourire. Il n'est pas en colère, non, il parle calmement, il essaie de comprendre, mais que lui dire ? Que je suis payée à rester debout 8 heures pour gober les mouches ?  Il n'insiste pas, décroche son téléphone 

....... Je t’attends !

........

Il raccroche me regarde et sourit. J'entends dans mon dos la porte s'ouvrir. Le directeur se lève et vient prendre place à côté de moi. Monsieur Jorelle s'assoit sur le siège de monsieur Duval et me transperce de son regard. Je me sens mourir.

Le PDG appuie sur l'interphone ... Venez dans le bureau de Monsieur Duval

Melle Perez ne répond pas, la porte de communication s'ouvre, elle avance, son air revêche est parti de sa figure.

Mr Jorelle .... Mademoiselle Perez, comment ça se passe avec Mademoiselle Robin ? 

Melle Perez ... Bien Monsieur.

Sa voix ne montre aucune animosité, elle serait presque aimable. Je suis carrément dégoûtée de cette mauvaise foi.

..... Que fait-elle ? Qu’avez-vous eu le temps de lui apprendre en une semaine et demie ? 

Melle Perez ... Nous avons survolé le principal après c'est de la routine.
Le regard de Monsieur Jorelle ne me quitte pas des yeux, son regard me glace. Je me sens au bord de la nausée, mes tempes cognent. Sans me lâcher du regard, il continue de s'adresser à Mademoiselle Perez.

..... Que fait mademoiselle Robin ? La question est simple me semble-t-il ?

Mademoiselle Perez pince la bouche ...... Pas grand-chose elle refuse de faire ce que je demande

Une chappe de plomb s’abat sur mon estomac
Monsieur Jorelle me transperce de son regard ......... Mademoiselle Robin ?

Je prends une grande inspiration ......... Monsieur, je ne refuse rien du tout, juste d’aller distribuer le courrier dans tous les services. C’est tout ce que mademoiselle Perez m’a demandé depuis le début

Monsieur Jorelle ........ Distribuer le courrier ? Louviers est absent ?

Monsieur Duval ...... Non, non il est là.

Monsieur Jorelle d’un ton glacial, en baissant le ton .......... Vous vous prenez pour qui mademoiselle Perez ? Et, les autres vous les prenez pour des simples d’esprit ?

Elle commence à se sentir gênée. Je n'écoute pas, je pars ailleurs, je suis vidée. L'écœurement et l'indignation devant de tels mensonges me prennent entièrement, jusqu'au moment où j'entends Monsieur Jorelle hausser le ton.

..... Je vous écoute !

Elle marmonne un truc inaudible.

Mr Jorelle ......... Mademoiselle Robin fait quoi et comment à partir de lundi ?  Les mauvais courriers, le sucre dans mon café c'est vous en fait ! Vous n'êtes qu'une imbécile !

Il la toise de la tête aux pieds. ......... Faites-moi un topo demi-heure par demi-heure de l'emploi du temps d'une journée

Melle Perez ne répond pas, blême elle regarde ses chaussures. Monsieur Jorelle, sur ce même ton de colère.

....... J'attends, je ne vais pas y passer le week-end !

A chaque fois, qu'elle écrit, Mr Jorelle lui demande d'expliquer en détail.  D'une voix tremblotante elle s'exécute contre son gré. J'essaie de me secouer et de retenir ce qu'elle dit.

Au bout d'un long moment, Monsieur Jorelle tend la main vers le calepin, parcoure les quelques feuilles, les arrache et me les tend.

Mr Jorelle ... Vous prendrez la place de Mademoiselle Perez et recopierez ces feuilles au propre avant de partir. 

Il tourne la tête vers la souris ........ Quant à vous, je suis au regret de vous dire que c'est une faute professionnelle, ne pouvant vous licencier puisque vous partez, vous ne recevrez pas de prime de départ !

Il s’adresse à monsieur Duval ....... Tu téléphones à la compta et tu leur dis, de faire son solde de tout compte sans prime de départ !

Il se lève ........ Non, mais j’aurais tout vu, que des abrutis et des incapables !

Il sort par la porte du couloir, qu’il ferme avec brusquerie.

Monsieur Duval me sourit ....... Allez mon petit, prenez place au bureau et mettez ces notes au propre.

Mon estomac se relâche, mon pouls se régule.

Sans un mot je prends des feuilles vierges à la photocopieuse, avant de m'asseoir sur le grand siège, je le règle avec la manette, et sans un regard vers elle, je fouille dans les tiroirs pour trouver un stylo.

Je trace un tableau et recopie soigneusement les écrits

- 8 heures trente faire signer le courrier de la veille à Mr Jorelle et Mr Duval. Photocopier les lettres ranger les photocopies- mettre les lettres sous enveloppes ranger dans la sacoche courrier.

- 9 heures...........  Et ainsi de suite jusqu'à midi... Je reprends de 13 heures jusqu'à 17 heures 30

L'interphone sonne, machinalement j’appuie sur le bouton qui vient de s'allumer vert, en laissant mon doigt dessus.

... Oui ?

Mr Jorelle ... Avez-vous fini de recopier ? 

 … Oui Monsieur.

  ... Portez moi vos écrits.

 ... Oui Monsieur.

Je ramasse mes feuillets et me dirige vers la porte de communication, je frappe discrètement.
Mr Jorelle .... Entrez.

Je lui tends mes feuilles, qu'il lit rapidement. Le tableau est clair et compréhensif.
Mr Jorelle ... C'est parfait. Asseyez-vous.

Pendant que je prends place sur un fauteuil en face de lui, il me demande pourquoi je ne suis pas venue le voir dès le début.

 ... Je pensais que ça allait s'arranger, et il n'est pas dans mes habitudes de me plaindre Monsieur. 

  .... Ce n'est pas se plaindre que de venir m'expliquer une faute grave. Il en va de la marche de la société Mademoiselle.

Il me toise, je rougis en faisant oui de la tête.

..... Qu’auriez-vous fait lundi ?

..... Je me serais débrouillée monsieur, j’aurais fait au mieux.

..... Je ne veux pas du mieux, je veux du parfait !

..... Oui monsieur.

Il me tend les feuilles, me signifiant que l'entretien est fini. Je le remercie et ferme discrètement la porte de communication. A la grosse pendule du mur, il est l'heure de partir. Je plie mes feuilles en deux, attrape mon sac, et sans attendre la souris grise, je pars. Dans l'ascenseur je glisse mes feuilles dans mon sac à mains. Je ne sais pas pourquoi, ma première envie était de les ranger dans un tiroir du bureau, une intuition m'a fait les emmener.

En chemin je raconte à Elise la convocation de Mr Duval.

  ... En rentrant de déjeuner j’ai demandé à Duval si je pouvais lui parler. Je lui ai tout raconter, que tu étais en train de péter un câble, qu'elle ne t'avait absolument rien appris, et qu'elle te faisait distribuer le courrier. Il m'a répondu, j'avais comme un mauvais présentiment. Je vais voir ça. Merci mademoiselle Dumont.

Je presse le bras de ma cousine et la remercie de cette démarche, qui m'a sortie du pétrin

Ce dernier jour, les portes de communications avec Le DRH et le PDG restent grandes ouvertes. Quand le téléphone dans un de leur bureau sonne, la porte se ferme, et s’ouvre dès que la communication est finie.

Toute la journée, mademoiselle Perez m’explique du bout des lèvres le déroulement du travail, me montre comment faire le courrier, m’explique le classement des armoires, le fonctionnement de l’imprimante et du perco.
Je note consciencieusement toutes les explications et range les feuilles dans mon sac.

Samedi après-midi je revois le cours donné jeudi. Lise m’a rendu le devoir de maths avec toutes les explications de tonton. J’ai téléphoné pour le remercier. Il m’a renouvelé quelques éclaircissements, difficiles de justifier par écrit. 

Dans sa jeunesse, il rêvait d'être prof de maths. Il est imbattable dans cette matière. Pendant un boulot d'été dans une banque, il a bifurqué dans ses études. Une belle jeune fille venue ouvrir un compte, s’est présentée à mon oncle derrière son guichet. Elle deviendra ma tante. Ça fait bientôt vingt-cinq, qu'ils s'aiment comme au premier jour.

Je souris à cette pensée. C'est vrai qu'ils forment un couple merveilleux !

Dimanche soir, je regarde le film avec Manou pour me détendre un peu. Du week-end, je n’ai pas levé les yeux de mes bouquins.

Publicité
Publicité
23 septembre 2000

Anniversaire de Manou

En catimini avec ma cousine nous avons préparé l’anniversaire de Manou dans les moindres détails, et j’espère que ce sera une belle fête.

Il est prévu que j’envoie Manou chez le coiffeur. J’ai téléphoné à mon amie Bénédicte qui tient le grand salon sur le boulevard, lui demandant de la retenir une bonne heure.

C’est une journée ensoleillée comme on en a rarement fin septembre. Manou se prépare pour aller à son rendez-vous. Je lui ai suggéré de mettre sa robe à boutonnage et col chemisier.
Manou ...... Oh tu crois ma poupée ?

...... Mais oui Manou, je t’aime bien dans cette robe, tu fais jeune, et comme tu vas être bien coiffée tu seras magnifique. N’oublie pas qu’après je t’emmène déjeuner.
Ma grand-mère sourit, m’embrasse et son sac en bandoulière descend la rue. Je la regarde par la fenêtre.

Je m’empresse de téléphoner chez mon père pour l’avertir que la voie est libre. 

Dans la salle à manger, j’enlève le napperon et la plante, ouvre les rallonges. Je vais chercher dans le bas de mon armoire la jolie nappe fleurie en papier que j’ai acheté en douce. J’entends toquer à la porte, je crie « c’est ouvert »

... Méli c’est moi !

... Je suis dans la salle à manger.

Mon père arrive, encombré d’un énorme carton.

... Mets le dans ma chambre mon papounet.

Il revient déchargé de son colis. Nous nous embrassons.
Papa ... Qu’est-ce que je peux faire pour t’aider ?

... Tu m’aides à dresser le couvert

Je sors les belles assiettes en porcelaine de Manou et les tends à mon père. Nous mettons les verres à pied, je plie les serviettes quand j’entends la porte s’ouvrir, mon cœur s’accélère, je vais voir. OUF !

C’est Lise et ses parents. Mon oncle porte un panier qu’il me tend
... Je vais garer la voiture plus loin.

Mon père ... Oui moi aussi !

J’embrasse ma tante et ma cousine. Nous allons à la cuisine. J’enlève les bouteilles du panier que tonton m’a donné, je range le champagne au frigo et cache les deux bouteilles de vins sous l’évier. Tata range un grand plat dans le micro-onde. Lise à son tour essaie de caser le carton de pâtisserie au frais.

Tonton réapparait avec deux boîtes plastique fraicheur, qu’il donne à tata, et un énorme bouquet de fleurs de toute beauté qu’il confie à Lise
Je demande à ma tante ce qu’il y a dans la boite, elle enlève le couvercle de la première, je découvre des petits friands apéritifs et dans l’autre des amuse-bouche constitués de mini brochettes.

.... Tata comment on fait chauffer les friands sans four ?

Tata ... On les passera deux minutes au micro-onde. Que faut-il faire ?

... Bah j’étais en train de mettre le couvert avec papa.

Nous allons à la salle à manger, tata supervise .... Cela me semble parfait !

Nous nous asseyons au salon, en parlant doucement, il va bientôt être l’heure que Manou revienne.

Tonton ... Effectivement ce canapé est complétement défoncé il est temps d’en changer.
Lise ... A quelle heure viennent les livreurs ?

Tonton ... Nous leur avons dit trois heures précises.

Le téléphone sonne, je décroche.

Bénédicte .... Bonjour Mélissandre, ta grand-mère vient de partir.

....... Je te remercie Béné.
........ Passez une joyeuse journée. Bise, je te laisse j’ai du monde
......... Bise Béné, à bientôt
Elle raccroche, je préviens tout le monde. Nous ne faisons plus un bruit, la porte d’entrée s’ouvre

... Poupée tu es là ?

Je vais au-devant de ma grand-mère et la complimente sur sa coiffure, je fais durer un peu le plaisir.

Manou ... Es-tu prête ?

... Oui, tu peux prendre mon sac dans la salle à manger ?

Manou .... Oui ma poupée.

Je vois ma grand-mère se diriger vers la salle à manger, je la suis en riant sous cape. Elle entre et d’un coup on entend

BON ANNIVERSAIRE 

Lise l’embrasse la première en lui offrant le bouquet de fleurs, nous l’embrassons tous. Elle serre ses fleurs sur elle, et pleure.

... Oh mes enfants, Oh mes enfants.

Tonton la prend dans ses bras, elle est si petite et menue à côté de son grand garçon.
... Bah maman, tu ne vas pas pleurer tout de même, sinon on repart.

... Non mon grand, c’est la surprise, le plaisir de vous avoir. Je vous aime tant.

Elle m’attire à elle et attire ma cousine... Mes poupées d’amour.

Une larme roule sur sa joue. Tata s’active dans la cuisine, je prends une bouteille de champagne, papa fait sauter le bouchon. Nous applaudissons.

Le repas, est un vrai repas de fête avec Manou à l’honneur ! Il va être quinze heures. Dans la cuisine, avec Lise nous empilons la vaisselle et rangeons au frais les restes de victuailles. Ma cousine fait le café, je dresse le gâteau sur un plat et allume les bougies. Précautionneusement nous emmenons le gâteau devant Manou.

Manou rit .... Oh vous auriez pu mettre des chiffres, toutes ces bougies.

Tonton ... Ah non, des chiffres c’est tricher !

Manou souffle en s’y reprenant à deux fois, nous applaudissons quand la sonnette se fait entendre.

Tonton ... Tu attends quelqu’un maman ?

Manou ... Ah non !

La sonnette à nouveau retentit.

Tonton ... Et toi Méli ?

... Bah non, vas voir !

Tonton souriant en coin va ouvrir aux livreurs, de la porte d’entrée il crie.
.... C’est ici madame Dumont ?

Manou fini par se lever pour aller voir. Un livreur lui dit.

... Nous venons vous livrer le canapé.

Manou ... Mais je n’ai jamais commandé de canapé.

Tonton s’adresse aux livreurs .... Oui c’est bien ici.

Les livreurs demandent ou le mettre, on les emmène au salon, ils embarquent le vieux canapé et remontent avec le neuf qu’ils mettent à la place. Ils enlèvent le papier épais qui protège les accoudoirs et les pieds. Manou est figée sur place.

Tonton raccompagne les livreurs à la porte.
Manou ... Oh mes enfants, c’est trop !

Lise précise... Ah le canapé c’est papa maman et moi uniquement !

Manou embrasse son fils sa belle-fille et sa petite fille. Papa revient de ma chambre avec son colis.
... Et ça Manou c’est de la part de Mélissandre et moi !

Manou rit et pleure en même temps .... Mais c’est quoi ? C’est quoi ?

Lise ... Bah enlève le papier cadeau Manou.

Manou ... Oui ma puce.
D’une main tremblante Manou bataille avec le papier et découvre un carton marron. Aucune inscription, elle ouvre et trouve, une plaque de polystyrène qu’elle enlève. Elle se trouve devant une façade en émail. Les hommes viennent l’aider. Avec Lise et tata, on fait de la place sur la table. On pousse le gâteau et les verres.

Papa plonge ses mains dans le carton, pendant que tonton le tire vers le bas.
Tonton ... Tu es prêt Bernard ?

Mon père ... Vas-y je le tiens.
Manou découvre au fur et à mesure un four pour sa cuisine.

Manou .... Oh mais non, mais vous êtes fous... Oh la-la mes enfants.

Et hop elle verse une nouvelle larme. Tata tend une bouteille de champagne à son mari qui fait sauter le bouchon. Avec Lise on chante ... Bon anniversaire, nos vœux les plus sincères ...

Les parents reprennent en chœur, nous trinquons. Manou est toute chamboulée. Nous passons la journée à rire. Le soir nous finissons les restes du midi. Tata avait prévu largement.

En partant, tonton promet de venir demain après-midi pour installer le four.

Lise .......Oh bah je peux dormir là alors.
Tata ....... C’est à Manou qu’il faut demander.
Manou ....... Bien sûr ma puce !

Nous nous disons à demain, Manou invite papa à se joindre à nous.

Avec Lise nous finissons de ranger la cuisine et rejoignons notre grand-mère qui nous fait rire, elle caresse les accoudoirs du canapé.
Lise ...... Bah Manou alors !

Manou ... Il est trop beau, et vraiment confortable avec ses gros coussins.

Nous restons avec Manou pour parler, et allons toutes les trois nous coucher, la journée a été chargée d’émotion.

Nous trainons un peu au lit avant de nous lever.
Manou est prête. Je rêve ou quoi ? Elle s’est légèrement maquillée, un peu de blush et un rose à lèvres. Elle ne porte même pas sa vilaine blouse à fleurs, je lui fais remarquer qu’elle est toute jolie
Elle sourit et nous sert de grands bols de café au lait. Sur la table elle met, le pain, le beurre et la confiture.
Nous déjeunons tout en parlant, enfin surtout Lise qui jacasse comme une pie.
Dans l’après-midi papa arrive, suivi de très près des parents de Lise.

Les deux hommes se mettent au bricolage sans perdre de temps. Tata et Manou vont dans le jardin, et nous dans ma chambre. J’ouvre légèrement la porte-fenêtre, il fait beau.

Assises en tailleur sur mon lit, nous rions de ses petits amis qu’elle jette comme un kleenex, de l’attirance qu’elle a envers le grand patron. Des commérages au travail. Le licenciement des trois types et celui de Delafond font grand bruit dans les couloirs. Lise étant au premier plan vu la situation du standard.

Tout le monde part en fin d’après-midi. La maison d’un coup est calme. Pendant le diner Manou me parle encore de la journée d’hier. Ces deux jours passés dans les rires, ont été magiques.

18 septembre 2000

Ca ne rigole plus !

En arrivant au métro, je vois ma cousine appuyée le long d’une grille de magasin, elle fume en m’attendant.

Elle jette son mégot et m’embrasse.
... Hello Mél.

Taquine je lui demande.... Bah tu t’ennuies de moi ?

Lise rit ... Mais non mais je viens d’arriver alors comme je voulais fumer je t’ai attendu.

...... Ah d’accord

....... Ça va mieux ?

....... Heu oui pourquoi ?

....... Non comme ça, je t’ai trouvé bizarre ce week-end chez manou

....... Non, ça va. Je suis un peu fatiguée, je veille souvent avec mes cours.

..... T’es où cette semaine ?

....... Aucune idée,

....... Tu ne retournes pas au service d’Aimeriau ?

........ J’espère que non. Je dois voir monsieur Duval !

....... Ah ok, bah tu l’attends avec nous.
........ Oui, oui, bien sûr.

Lison allume les postes téléphoniques, pendant que je prépare le café, Ghyslaine arrive. Nous nous embrassons

Je vois entrer les trois inséparables du département automobile. Tiens pour un lundi, ils sont tôt au boulot ! J’ai envie de sourire, quand le plus hardi du nom de Serge s’exclame

....... Salut les gigolettes !

Lise se retourne d’un coup, les regarde et leur lance « salut les branleurs »

Le plus grand jette méchamment « salut les petites putes »

Ghyslaine ......... Dis donc Bernard, tu pourrais rester correcte !

Le gros crasseux y va de son grain de sel ........ Des petites putes ? Non plutôt une garce. P’ t’être quelle suce bien

Serge ........ Mais non tu n’y es pas, c’est un matelas pour la direction.                       

Bernard ....... Ouais ou une couverture si elle se met dessus.

Ils éclatent de rire, le gros Serge de rajouter

 ......... Oui, d’ailleurs ça ne peut être que vrai, elle ne dit pas un mot, sa bouche sert à autre chose

Ils éclatent d’un rire grossier. Seul le troisième ne dit rien, il sourit en coin en me fixant.

Je deviens livide, le cœur battant à tout rompre. Un poids me pèse sur l’estomac. Je n’en reviens pas. Lise me regarde et d’un coup sans qu’on s’y attende, éclate dans une colère incontrôlable. Elle les traite de tous les mots orduriers qui puissent exister, en hurlant. Ce qui les amusent, et leur permet d’en rajouter.

Ghyslaine ......... Pst Elise, arrête, inutile de leur répondre. Ce sont des abrutis.

Avec Ghyslaine on essaie en vain de la calmer. Elle est rouge de rage. Les employés qui rentrent, s’arrêtent dans le hall pour écouter, demandant ce qui se passe. Un brouhaha empli le hall.

Je vois monsieur Duval arriver. D’une voix sévère que je ne lui connais pas, les sourcils froncés il demande ce qui se passe !

Les trois mecs se sont volatilisés comme par enchantement. Monsieur Duval envoie les autres employés dans leur service.

Lise toujours sous le coup de la fureur, apostrophe le directeur en disant qu’on ne se laissera pas traiter de pute.
Mr Duval ........ Calmez-vous mademoiselle Dumont, et expliquez-moi ça tranquillement.

Lise ........ Ces connards se permettent de nous traiter de putes mais pour qui ils se prennent, ils n’en branlent pas une de la journée, ils ne sont jamais au travail.

Mr Duval ....... Calmez-vous mon petit !

Lise ....... Me calmer ? Je vais les défoncer oui !

Monsieur Duval esquisse un sourire et me prie de monter avec lui.

Il passe la tête par la porte commande deux cafés et vient s’assoir en face de moi. Je sais qu’il va me questionner, mais que vais-je lui répondre ? Bien sûr que Lison avait raison dans le fond, son tort est d’avoir hurler et d’ameuter tout le monde.

La petite souris amène le plateau et le pose sans mot.
Mr Duval ........ Merci madame Perez, fermez la porte je vous prie.

Monsieur Duval me tend une tasse et la soucoupe de sucre. Je le remercie. Je bois doucement, il est très chaud.

Mr Duval ........ Racontez-moi la foire de tout à l’heure !

Je pose ma tasse et croise son regard, il n’a pas l’air en colère, ses traits se sont détendus. Je baisse mes yeux sur mes mains glacées et tremblantes.

........ Ce sont les employés du département auto

........ Oui j’ai cru comprendre.

La porte s’ouvre ........ Bonjour Patrick, comment va ?

......... Bonjour Mathieu ! Nous avons un sérieux problème !

Mr Jorelle me serre la main, et appuie sur l’interphone pour demander un café et d’une voix exaspérée demande
......... Quel problème encore ?

Mr Duval en quelques mots explique le cirque du hall d’entrée.

La souris amène le café et repart en fermant la porte. Monsieur Jorelle décroche le téléphone et ordonne que madame Germain monte immédiatement. 
Le DRH se lève pour laisser la place à son supérieur.
Mr Jorelle ......... Reste assis !

On entend frapper, monsieur Jorelle répond « entrez ! »

.... Asseyez-vous madame Germain.

Il se place sur le côté du bureau près de monsieur Duval. Deux doigts dans les poches de son pantalon, il va de Ghyslaine à moi.
......... Bien ! Expliquez-moi exactement ce qui a déclenché cette altercation et avec qui !

Ghyslaine ......... Le trio du département automobile en passant nous ont apostrophées vulgairement.
Mr Jorelle ........ C’est-à-dire ?

Ghyslaine ........ Je ne peux pas vous répéter monsieur

Mr Jorelle .......... Ecoutez je n’ai pas toute la journée, je veux des faits et des mots, alors mettez votre susceptibilité dans votre poche et répétez- moi leurs propos si salaces soient-ils

Son ton claque comme un couperet. Ghyslaine sans s’offusquer raconte mot à mot exactement la scène, en amenuisant malgré tout, la colère de ma cousine. Mentalement je la remercie.

Mr Jorelle ........ Leurs noms !

Ghyslaine ... Serge Massir et Bernard Pavinel.

Mr Jorelle ......... Qui est le troisième ?

Ghyslaine ........ Jacques Lemoine, mais lui ne disait rien.

Mr Jorelle ......... Il ne disait rien mais ne retenait pas ses sbires, il a bien ri avec eux ?

Ghyslaine ........ Oui monsieur.

Mr Jorelle ........ Merci madame Germain, vous pouvez regagner le standard et essayez de calmer votre collègue !

Ghyslaine ......... Oui monsieur.

Mr Jorelle s’adressant à monsieur Duval ......... Fais monter le trio !

Quelques minutes plus tard, on entend frapper.

Mr Duval ......... Entrez !

La porte s’ouvre sur les trois compères, je me sens blanchir. Monsieur Jorelle plonge son regard dans le mien.

Le trio avance vers le bureau. Le PDG se trouve sur l’autre bord. Il les dépasse d’une tête au moins. Les mains dans le dos il les questionne d’une voix froide

Mr Jorelle ....... Que s’est-il passé dans le hall ?

Le plus hardi, ce Pavinel ... Rien de bien méchant.

Mr Jorelle ........ C’est-à-dire ?

Bernard ....... Rien, on a plaisanté avec les filles c’est tout !

Mr Jorelle d’un ton glacial ........ En les traitant de putes ?

Sans les regarder, je sens qu’ils se contractent. Certes Monsieur Jorelle est plus jeune qu’eux mais il est tout de même leur patron.

Mr Jorelle ........ Je vous écoute !

Bernard......... Ah parce que l’autre elle nous a bien parlé ?

Mr Jorelle ........ Vous insultez une gamine et vous vous étonnez qu’elle vous réponde ?

Bernard ........ On plaisantait la môme a commencé à nous insulter. Elles sont quoi ici ? Elles nous respectent on les respectera !

Mr Jorelle ......... Elles sont quoi ici ? Tout sauf des garces se tapant la direction.

Bernard ...... On n’a jamais dit ça !

Mr Jorelle d’une voix contenant de la colère......... Vous n’avez pas traité mademoiselle Robin de petite garce et de suceuse, qui met autre chose que des mots dans sa bouche ?

Je suis mal, très mal. Une boule au ventre me donne des crampes terribles. Je me revoie plus jeune quand une crise me prenait à cause de l’autre.

Monsieur Jorelle d’un ton sec, en les regardant un à un, jette glacial. ....... Ramassez vos affaires, et sortez de cette société ! Vous êtes virés

Jacques......... Monsieur Jorelle, pour ma part je ne me sens pas concerné, je ne les ai pas insultées.

Mr Jorelle ........ Vous ne les avez pas insultées, mais vous avez bien ri, ce qui revient à dire que vous cautionnez !

Il regarde monsieur Duval et lui demande de les accompagner pour avertir le chef que dorénavant il sera en effectif réduit.

Mr Jorelle ........ En même temps note les absents de ce service, je vais le fermer, il ne sert à rien

Monsieur Duval se lève et part avec les trois employés. J’ai le cœur qui cogne tellement fort, que j’en ai une douleur dans la poitrine.

 ........ Suivez-moi !

Nous sortons dans le couloir, et allons dans son bureau. Il me prie de m’assoir et se met sur son fauteuil. Les coudes posés sur la table, les mains croisées sous le menton, d’une voix adoucie, il me demande de le regarder. 

Mr Jorelle ........ Mélissandre, que se passe-t-il ?

Toujours sous pression, une soudaine envie de pleurer me prend. J’essaie de me retenir. ........ Ça va monsieur.

Le téléphone sonne, il décroche, parlemente quelques minutes avec un correspondant, raccroche et enfonce son regard dans le mien. Je me sens rougir

....... Bien mademoiselle Robin, Voyez avec monsieur Duval, pour la comptabilité

...... Oui monsieur

Je me lève et sors. Je vais frapper à la porte de monsieur Duval

....… Entrez !

...… Où est ce que je dois aller ?

....… Oui mon petit, entrez !

Je referme la porte et m’avance vers le bureau.

..... … Ça va mieux ?

...… Oui, merci monsieur.

....... Pourriez-vous aller à la comptabilité, ils ont besoin de quelqu’un pour la semaine.

... Oui bien sûr.

Il me souhaite bon courage et me laisse perplexe par ses dernières paroles.

....... Mon petit si quelque chose n’allait pas, venez me le dire aussitôt.

........ Oui monsieur.

Je descends, mal à l’aise et oppressée. Dans quel service je vais encore tomber ?

Une jeune femme me reçoit gentiment.

........ Tu es l’intérimaire ?

........ Heu non pas vraiment, je suis postée dans ce service.

...... D’accord, assieds- toi ici je vais t’expliquer.

Elle va chercher une corbeille sur un meuble bas et reviens vers moi.

....... Voilà des fiches, il suffit juste de les rentrer sur une grille

Elle ouvre l’ordinateur et clique sur un document. Une feuille s’ouvre avec des cases vides. En haut dans des cases des titres et des abréviations.

....... Vois-tu tu as exactement la réplique du listing tu as juste à recopier. Ça ira ?

....... Oui merci.

....... Nous devons informatiser

......... D’accord.

Elle me laisse et va s’asseoir un peu plus loin, les filles bavardent, elles finissent par se mettre au travail. On n’entend que le cliquetis des touches du clavier.

Je m’applique, relisant deux fois plutôt qu’une tout en essayant d’aller le plus vite possible.

A midi je rejoins Lise et Ghyslaine pour aller déjeuner. Nous allons à ce petit restaurant qui fait des plats sympas

Tout en mangeant Lise me demande ce que je fais. Je lui explique rapidement en ajoutant que je suis tombée sur un service qui a l’air sympa

Lise ....... Ah bah ça change tu es où ?

........ A la compta

Ghyslaine ... La compta c’est sympa ?

Prête à mordre dans son pain elle suspend son geste, et me regarde étonnée.

........ Oui, ça va, les filles ont l’air cool.

....... La cheffe n’est pas là ?

....... Ah je ne sais pas, qui c’est ?

Ghyslaine........ Madame Delafond, je ne l’ai pas vu passer. Un grand cheval blond les cheveux frisés comme un caniche

Je ris à la description de Ghyslaine et lui répond que non, personne ne ressemble à ça dans le bureau.

Lison ....... Ah d’accord ! Bah attends de la voir alors, tu vas changer d’avis.

Elle rit avant d’enfourner sa bouchée

En remontant je vois quelques filles déjà au travail, celle qui m’a reçue gentiment ce matin me fait un grand sourire et me demande si je m’en sors.

... Je vous remercie, oui ça va.

Je suis en pleine saisie, quand la porte du bureau s’ouvre à la volée, je lève les yeux pour croiser le regard de cette femme, sans façon elle m’apostrophe. Je la reconnais direct, à la description que les filles m’en ont fait

... Vous êtes la suppléante ?

... Oui madame, bonjour !

... Suivez-moi.

Je me lève, elle m’entraine vers son bureau et me montre une armoire ouverte avec dans le bas des cartons pleins de feuilles comme j’avais ce matin dans ma corbeille.

... Vous prenez les cartons, et vous rangez les feuilles dans les classeurs

Je me baisse et remonte un carton, que je pose sur la petite table à côté. Je prends un paquet de feuilles, je ne comprends pas ce que je dois faire et surtout comment faire ce classement.

Je me tourne vers cette femme peu aimable et lui demande des explications, elle vient vers moi, prend un feuillet et me dit

.... Regardez ici vous avez l’agence, là l’année ... c’est simple vous rangez par mois dans le classeur correspondant au magasin par lettre alphabétique. Lorsqu’un mois est fait, vous le glisser dans une pochette plastique et vous notez, le mois et l’année sur une étiquette. Vous mettez une année par classeur. Vous avez compris ?

... Oui davantage, je vous remercie.

Je commence le tri en faisant des piles. Dès que j’essaie de m’assoir, la chef m’appelle pour telle ou telle raison, soit elle a besoin d’un dossier, soit elle m’appelle pour me donner des pochettes plastiques, soit elle me tend un rouleau d’étiquettes. Je finis mon après-midi debout.

Le soir j’ai mal aux jambes, perchées sur mes talons hauts. Le dos courbaturé d’être moitié penchée j’ai hâte qu’il soit l’heure de partir.

Le lendemain je fais le même tri, je n’en vois pas le bout, j’ai l’impression de ne pas avancer. Ce travail, le même que dans les autres services, encore et encore. Un désordre innommable à trier, ranger, classer.

Le soir je rentre fatiguée, à peine mon repas avalé, la cuisine rangée, je prends une longue douche et me couche. Je masse mes mollets durs

Je papote un peu avec Lise. Je lui explique ce que je fais, elle compatit en riant à mon malheur, me conseillant de ne pas me laisser faire par cette gonzesse.

....... Tu veux que je dise quoi ? C’est une cheffe.

........ Oui mais tu n’es pas là pour faire sa merde.

Je ris et l’embrasse, lui souhaitant une bonne nuit. Je coupe et m’allonge. Je m’endors presqu’instantanément tellement je suis fatiguée.

Lundi et hier j’ai trop souffert d’être en talons, ce matin, je m’habille en jeans, et mocassins plats J’embrasse ma grand-mère, lui souhaitant une bonne journée.

Madame Delafond me reçoit en me détaillant de la tête aux pieds. J’ai remarqué que c’était une manie chez elle.
.....… Vous êtes en jeans, parfait ! Je vais vous montrer où sont les archives et vous rangerez les dossiers des cinq dernières années

Je fais oui de la tête, la gorge nouée par l’anxiété. Elle me conduit au sous-sol dans une pièce noire et sentant le renfermé.

Elle active un commutateur qui allume deux tubes au néon. Nous allons vers des travées, elle me montre des rayonnages.
......… Tout ce qui date, vous le mettez dans ce grand chariot, vous gardez les trois dernières années, ensuite vous resserrez en partant du haut et vous remontez au fur et à mesure pour faire de la place, après vous prendrez ceux du bureau et les rangerez à la suite.
.....… Bien madame !

Elle ressort me laissant seule dans cet endroit lugubre à peine éclairé. Je suis dépitée, un immense cafard m’envahit.

Je vais chercher un lourd chariot fait d’une grille qui se rabat sur un côté et commence à sortir les grosses boîtes d’archives pour les placer dedans. Je respire une tonne de poussière. J’ai les yeux qui brulent et mon nez qui coule

A midi je remonte à la surface, aux toilettes je me lave les mains et secoue la poussière sur mes habits, je passe mes doigts dans mes cheveux pour les remettre en place.

Je rejoins Ghyslaine et Lise au standard. J’ai hâte de m’assoir, je suis fatiguée d’avoir piétiné toute la matinée

Je ne parle pas beaucoup, Lise me demande ce qui m’arrive. Je hausse les épaules et lui réponds que je suis aux archives.
Ghyslaine ...… Oh ma pauvre !

Lise ....... Tu veux que je te prête mon baladeur ?

Je souris et lui fais non de la tête. Nous rentrons boire un café. Tout compte fait je prends le baladeur et redescends au sous-sol.
L’après-midi tout en écoutant de la musique je m’active. Le soir enfin j’ai rempli trois chariots pleins et remonté les années précédentes sur les rayonnages du haut.

L’ascenseur s’arrête au rez-de-chaussée et ne descend pas jusqu’au sous-sol. La dizaine de marches à monter et descendre commence à se faire ressentir
Le soir je suis vidée. Tout de suite après le repas, je prends une douche et me couche, je m’endors comme une souche.
Je me lève démoralisée de savoir ce qui m’attend encore aujourd’hui et demain. Je me force pour aller au travail, me réconfortant comme je peux en pensant à la chance que j’ai d’avoir un emploi, me permettant de réaliser mon rêve. Poursuivre mes études sans avoir à trop compter mon argent

Le vendredi après-midi je monte prendre les derniers cartons d’archives au bureau, quand madame Delafond m’interpelle.
.....… Mademoiselle Robin, montez chez le PDG, il vous attend.
Je ne réponds pas, pose mes boites et le cœur battant monte l’étage. J’espère de tout cœur qu’il va me changer de poste.

Je frappe discrètement à la porte.

... Entrez !

Dès que j’ouvre la porte, le PDG me détaille de la tête aux pieds, je ne me sens pas à mon aise, en jeans, je me sais poussiéreuse. Il me fait signe avec la main de venir m’assoir. Il est au téléphone. Je pose mes fesses au bord de la chaise, et croise mes mains sur mes genoux, pour empêcher leurs tremblements.

Je baisse le regard, devant celui du PDG qui m’observe.
Il fait des ... Hum ! Oui bien sûr ! C’est entendu ! ...

Il finit par dire ... Ne vous préoccupez pas, je vais voir ça !

Il raccroche sans me quitter des yeux.

....... Mademoiselle Robin bonjour.

....... Bonjour monsieur.

...... Où êtes-vous actuellement ?

...... A la comptabilité monsieur.

... Je le sais que vous êtes à la comptabilité, vous étiez absente hier ?

….. Non monsieur.

…. Que faites -vous, où êtes-vous ?

Je ne réponds pas, son ton est coupant mon pouls s’accélère

Il me dévisage et répète d’une voix doucereuse. ..... Que faites-vous mademoiselle Robin ?

Devant ses yeux qui foncent au fur et à mesure. Je baisse les miens. Comment lui dire que je ne fais que du ménage et du classement d’archives ?

Mr Jorelle … Je suis descendu hier matin et ne vous ai pas vue. Où étiez-vous ?

...… Au sous-sol

........ Que faites-vous au sous-sol

........ Je range les archives

.......... Depuis quand ?

........ Mercredi.

Au fur et à mesure que je lui explique le travail qu’on m’a demandé de faire, je vois son visage changer de couleur, il est pâle, la colère se lit dans ses yeux qui foncent

Il regarde sa montre, se lève, enfile sa veste et me demande de le suivre.

Nous descendons. D’un geste brusque il ouvre la porte, faisant sursauter les filles, il me laisse entrer et fait signe à madame Delafond de venir.

Au travers de la vitre de son bureau je la vois raccrocher le téléphone. Tout sourire elle va pour serrer la main du PDG qui la toise de toute sa hauteur.

Mme Delafond .......... Monsieur le Président, bonjour.

Il n’y a pas un bruit dans le bureau, les filles ont stoppé le travail. Une crampe à l’estomac me bloque la respiration.

Le ton de monsieur Jorelle, me glace le sang quand il s’adresse à la cheffe de bureau. ... ........ Lorsque je vous ai téléphoné pour vous avertir que j’envoyais mademoiselle Robin, qu’ai-je précisé ?

Mme Delafond de sa voix maniérée ... Oui, je sais, mais j’ai pensé plus important de lui faire faire les archives !

Mr Jorelle ........ Pourquoi ?

Elle glousse un petit rire ........ Une intérimaire est bien là pour combler nos retards, et en tant que cheffe de ce service j’ai pensé qu’il était plus intelligent de les lui faire ranger

Mr Jorelle de cette voix qui se durcit ........ Seriez-vous payée pour penser à ma place !

........... Non bien sûr monsieur le Président mais étant responsable du service je pensais que ...

Il ne la laisse pas finir, d’une voix glacée, d’un ton qui cingle comme une gifle. ........ Vous allez pouvoir penser et gérer tout ce que vous voulez, mais certainement pas chez moi ! Vous êtes licenciée !

Mme Delafond devient blême. ........... Mais vous n’en avez pas le droit !

Sa voix devient saccadée, comme si elle avait le hoquet.

Mr Jorelle .......... Sachez qu’ici j’ai tous les droits. Le bon vieux temps est fini ! Et vous pouvez aller aux prud’hommes, je ferai valoir une faute professionnelle, et des absences répétées non justifiées !

Mme Delafond ........ Mais monsieur Jorelle, vous ne pouvez pas me licencier pour si peu.

Monsieur Jorelle regarde sa montre ........ Je vous donne cinq minutes pour sortir d’ici, vous recevrez votre solde de tout compte par courrier, moins les jours que vous me devez !

Elle toise le président sans bouger. Il regarde sa montre en or pour la deuxième fois et ironique lui fait remarquer

......... Il reste trois minutes !

Elle retourne dans son bureau prend son sac jette les clés sur un bureau. Elle marmonne quelque chose en sortant.

Mr Jorelle, regarde tour à tour les filles du bureau qui n’en mènent pas large. Moi non plus d’ailleurs.

.......... Madame Leroy vous prendrez la tête de ce bureau jusqu’à nouvel ordre !

.......... Bien monsieur.

Mr Jorelle ........ Mademoiselle Robin restera ici jusqu’à ce que je juge nécessaire de la déplacer.

Il sort en disant au revoir. Je regarde les filles, le cœur battant, vont-elles penser que je suis allée baver ? Que je me suis plainte ? Je ne bouge pas. Je suis figée sur place sentant les larmes arriver

Madame Leroy s’approche de moi .......... Mélissandre, ne pleure pas.

Mes larmes coulent le long de mes joues. C’est la deuxième fois qu’il vire quelqu’un par ma faute, et les bruits de couloir vont aller bon train encore une fois. 

Monique demande qui veut un café, d’office elle m’en sert un.

......... Allez Mélissandre, ne te tracasse pas, de toute façon, nous le savons, tout l’ancien personnel est viré depuis qu’il est là. 

Nadia qui parle rarement, ironise........ Bah il ne lui faut pas grand-chose quand même.

Sabine ........ Tu viens d’arriver, tu n’as pas connu avant. Où tu passais sous le bureau ou tu n’étais pas embauchée, alors ne te plains pas, qu’on est enfin un vrai patron !

Monique ......... Entre le père Gaubert qui se payait les gonzesses et sa fille qui était homo on était servi

Sabine me prend par le bras, elle me tend un mouchoir en papier et m’oblige à m’assoir à sa place.

Je la remercie et murmure. ...... Je ne me suis pas plainte, simplement il a demandé ou j’étais, j’ai été obligée de lui dire que j’étais au sous-sol.

Monique ........ Oui c’est vrai, il est venu hier, on se demandait même ce qu’il venait faire. Delafond n’était pas là

Nadia ........ Enfin moi ça fait deux fois que je le vois, je le trouve trop craquant notre PDG, j’en ferais bien mon dessert

Les filles rient, l’ambiance se détend. Nous finissons l’après-midi en bavardages, les unes se félicitant d’avoir un vrai patron, les autres tombant amoureuses devant ce patron trop craquant. Je finis par rire avec mes collègues.

14 septembre 2000

Le cocktail

Ce matin Lise reprend le travail. Personne ne m'a rien dit, je ne sais pas où je dois aller, en chemin je me pose tout un tas de questions.

Je retrouve ma Lison au standard. Nous nous embrassons et discutons du week-end pendant qu'elle allume ses commutateurs, je mets la cafetière en route, et attends Gislaine pour lui dire bonjour.

Elle arrive en discutant avec Monsieur Duval qui vient nous saluer.
Mr Duval ........ Mademoiselle Robin comment allez-vous ? 

......... Bien Monsieur je vous remercie.

Mr Duval ........ Pourriez-vous retourner avec Aimeriau ?

........ Oui bien sûr monsieur.

........ Parfait bonne journée mesdemoiselles

Mon pouls s'accélère. Oh non tout mais pas ce service. Combien de temps je vais être avec eux ?

Du coup je n'ai même plus envie de café, je vois le chef arriver, je monte aussi.

Je n'en reviens pas, sur le bureau le listing n'a pas bougé de place, le crayon posé dessus est tel que je l'ai laissé. La pochette de cartes grises est au même endroit. Une colère s'empare de moi. Comment ça peut être possible ce truc ?

Dépitée je me mets au travail sans aucune ardeur. J'espère ne pas rester toute la semaine ici. Les journées sont mornes et longues. C'est avec impatience que j'attends jeudi.

En lisant cette énième carte grise, mes pensées vagabondent. Comment va se dérouler cette soirée avec mon patron ? La première au théâtre il s'est montré charmant. Un homme différent de celui du travail. Nous avons échangé nos goûts et avec ravissement j'ai vu que nous avions sensiblement les mêmes. Nous apprécions les mêmes livres, les mêmes auteurs, nous sommes éclectiques en matière de musique, allant du classique au disco, sans parti pris. Cela m'avait laissé songeuse et pas indifférente.

En fin de matinée, pendant que mes pseudos collègues se la coule douce, le chef vient m'avertir que je suis demandée au téléphone par le PDG.

Je vais dans la bulle en verre, lui servant de bureau, avec une certaine appréhension. Va-t-il annuler sa proposition pour ce soir ?

Je prends le combiné des mains de monsieur Aimeriau.  Il reste debout à côté de moi, certainement pour écouter la conversation. Je le trouve très indélicat.

........ Bonjour monsieur

......... Sauvez-vous !

......... Bien monsieur.
Il raccroche sans que je puisse rajouter quelques mots. J'attrape mon sac, ma veste et sors sans un mot. Je sais qu'ils vont parler sur moi. Ils déboisent tout le monde.

En passant au standard ma cousine m'interpelle.

........ Bah Méli, tu t'en vas ?

Je souris et narquoise. ..... ... Comme tu vois

........ Bah tu vas où ?

........ Je rentre !

  ........ Comment ça tu rentres ? Tu es malade ?

  ....... Ah non pas du tout.

Dans mon dos j'entends la voix du PDG. ........ Que faites-vous encore là mademoiselle Robin ?

Je me retourne en rougissant ....... Je partais monsieur.

Je sors le cœur battant. Dehors un doux soleil me réconforte. Lise ne va pas manquer de me poser des questions

Manou m'attend, la table est mise. ........ Ah ma poupée, un livreur est venu t'apporter un grand carton, je l'ai mis sur ton lit.

Au milieu de mon lit, une grande boîte est posée. Délicatement je l'ouvre, déplie le papier de soie qui protège une magnifique robe de cocktail courte en mousseline vert d'eau, accompagnée d'une veste longue assortie et d'une petite pochette.

Je suis époustouflée. Manou sur le pas de la porte me regarde souriante

........ Eh bien dis donc ma poupée, tu vas être ravissante. 

........ Heu oui, j'espère qu'elle va m'aller.

Nous déjeunons en papotant, sur cette fameuse soirée, Manou me dit qu'il y aura certainement du grand monde, et que je vais faire impression.

Après déjeuner nous buvons un café. Je vais me démaquiller, prends une longue douche fraîche, j'enfile des sous-vêtements propres et m'habille d'une robe à boutonnage, pour ne pas avoir à me décoiffer tout à l'heure.  Je file à mon rendez-vous chez mon amie coiffeuse. Elle me reçoit toute souriante, nous nous embrassons.

Bénédicte ......... Qu'est-qui te ferait plaisir comme coiffure ?

........ En fait, je ne sais pas trop, je suis invitée à un cocktail, et il me faudrait quelque chose qui tienne toute la soirée.

Bénédicte ........ Comment seras-tu habillée ?

Je lui décris ma robe, pendant qu'elle me lave la tête au bac.

....... Un chignon peut-être ?

....... Un chignon tu crois ? Ça ne fait pas un peu vieux ?

....... Ah non pas du tout, et très actuel en soirée.

....... Ecoute je te fais confiance, vas-y

...... Je vais couper tes pointes, elles sont abimées.
 ....... D'accord,

Ma serviette sur la tête, je m'installe devant une grande glace. Bénédicte prend ses ciseaux et son peigne. J'entends le clic-clic.

........ Pas trop Béné !

....... Ne t'inquiète pas, j'enlève un centimètre

Je lui souris dans la glace

Tout en roulant des mèches à l'aide d'une grosse brosse ronde, elle les sèche. Je sens qu'à l'arrière de la tête, elle me fait deux grosses tresses en laissant des mèches de côté.

Je ferme les yeux et me laisse aller. Une bonne heure après, Bénédicte me montre son œuvre, à l'aide d'une glace derrière ma tête.
Je suis ravie, ce n'est pas à proprement parlé un chignon. Les deux grosses tresses sont entrecroisées sur le bas de ma nuque. Quelques mèches savamment ondulées donnent l'impression de s'échapper, de chaque côté de mes tempes d'autres enroulées sur elles-mêmes encadrent mon visage.

Je la remercie chaleureusement. En rentrant je passe le bonjour à ma grand-mère de la part de mon amie.

Je vernis mes ongles de pieds, et de mains. Tout en les laissant sécher, je bois un café avec Manou.

Je me maquille avec soin, ombrant mes paupières d'un fard léger, allonge mes cils au mascara, une touche de blush, un brillant sur les lèvres.

Enveloppée dans mon peignoir, aidée de Manou j'enfile ma robe, dans mon dos Manou remonte la fermeture
Elle me va parfaitement, on dirait qu'elle a été faite sur mesure. Sans bretelle, un drapé croisé englobe mes seins d'une manière délicate et suggestive. La taille part en plis souples, formant une corolle. La robe assez courte épouse mes formes à merveille. Il faut dire que je suis mince. Je m'admire dans la grande glace. Manou la bouche ouverte me contemple

......... Ma poupée, tu es si jolie.

Je lui souris dans le miroir, chausse mes escarpins et prends la pochette qui accompagne la robe. Je range mon porte-carte, un mouchoir et un peigne à l'intérieur. Je retourne à la salle d'eau mettre quelques gouttes d'eau de toilette. 

Je suis juste prête, quand on entend le chant d'oiseau du carillon. J'embrasse vite fait Manou enfile la veste assortie et descends les escaliers à la rencontre de mon patron en costume de bonne coupe. Sa grosse berline allemande est garée devant le pavillon.

Monsieur Jorelle ouvre la portière, passager et attend que je m'installe. L'odeur à l'intérieur éveille mes sens et accélère mon pouls. Il fait le tour de la voiture, se glisse derrière le volant et tourne légèrement la tête vers moi pour me demander comment je vais.
Timidement je lui réponds. Mon cœur bat à toute vitesse de me sentir là si près de lui. Il enclenche la première, je sais que Manou est derrière son carreau.

Monsieur Jorelle me tire de mes pensées

........ Nous allons à une soirée, dont je me passerais bien, mais je ne peux pas. Des obligations ! De plus je préfère être accompagné d'une charmante jeune femme. Pour ce soir je vous autorise à m'appeler Matthieu. S'il s'avérait que l'on vous pose des questions embarrassantes sur votre présence, faites l'ingénue et ne répondez pas.

........ Oui Monsieur.

........ Appelez-moi Matthieu, c'est important.

........ D'accord.

....... D'accord qui ? 

Je rougis ......... D'accord Mons ... heu je veux dire Matthieu.
Il éclate de rire, d'un rire chaud, que j'entends pour la première fois. J'en suis comme dit Manou « tourneboulée ». J'ai l'impression que mon cœur va exploser tellement il bat rapidement, mes mains deviennent moites. Je sens mon visage s'empourprer.

......... Vous êtes une charmante jeune femme Mélissandre, et de plus ravissante. Votre coiffure vous va à ravir. N'ayez aucune crainte, je ne vous lâcherai pas d'une semelle.
Je me sens rougir de plus en plus, et ne sais pas quoi répondre. Je pars dans mes pensées. Mathieu, j'ai eu beau chercher, je ne pensais vraiment pas à ce prénom. Il lui va bien. C'est un bel homme, la trentaine à peine prononcée. Grand, svelte, je le trouve séduisant. Lise à raison, il est élégant, charismatique et très attirant.

La voiture file sur la Francilienne. Nous traversons une partie de Paris. Il se gare sur un grand parking ou des voitures toutes plus belles les unes que les autres sont stationnées.

Il coupe le contact, descend et vient ouvrir ma portière, d'emblée il passe son bras autour de ma taille et me guide vers l'entrée de ce grand restaurant. Sa main sur ma hanche me fait un drôle d'effet.
Un chasseur nous ouvre la porte et nous conduit dans une immense salle, un léger bourdonnement empli la pièce. Un serveur se précipite vers nous plateau en main, garni de coupes de champagne. Mon patron prend une coupe et me la tend, d'un léger signe de tête je fais non. 

A mon oreille il me demande ce que je désire boire.

  ... Pas d'alcool, je n'ai pas trop l'habitude.

Il demande au serveur de me porter un jus de fruits

Une jeune femme, très maquillée et très maniérée s'approche tout en me toisant. Mathieu tenant toujours ma taille, m'attire vers lui d'un geste de possession. D'une voix surfaite et sans m'accorder aucun regard elle se précipite sur mon cavalier.
.......... Oh Matthieu où te cachais-tu ? Coquin.

Froidement il salue cette femme........ Bonsoir Marie-Anne !

Elle continue de lui parler en le bouffant des yeux, j'ai envie de sourire, quand une dame d'un certain âge s'approche de nous. En robe longue, couverte de bijoux aux mains. Un double sautoir au cou. Ça sent l'argent à plein nez. Son insistance à me dévisager me met mal à l'aise. Elle joue avec un éventail replié et fronce légèrement les sourcils tout en laissant flotter un sourire sur ses lèvres

 Sans s'occuper de la jeune femme elle apostrophe Monsieur Jorelle de manière familiale

.......... Enfin te voilà, je n'osais espérer ta venue.

Monsieur Jorelle, tournant le dos à cette Marie-Anne, m'entraîne vers cette belle femme, un grand sourire aux lèvres, délicatement il l'embrasse, sans me lâcher.

.......... Comtesse, vous voilà en beauté au mieux de votre forme dirait-on ! Permettez-moi de vous présenter Mélissandre.

La vieille dame me détaille de la tête aux pieds, rapidement un sourire bienveillant éclaire son visage, effaçant cet air un peu sévère.

.......... Voilà donc la perle qui a réussi à attraper mon garnement de filleul dans ses filets.

Je me sens rougir, mais qu'est-ce qu'elle imagine ? Oh mais non ce n'est pas ça, je lève la tête pour voir la réaction de mon patron qui sourit toujours.
........ Ma tante, n'embarrassez pas notre amie

....... Je me pose surtout la question, comment peut-elle te supporter ? 

Matthieu se tournant vers moi, me présente ........ Mélissandre, voici ma tante, Comtesse de Chambault, la pire curieuse que je connaisse !

La comtesse rit d'une façon très aristocratique, et le traite d'insolent. De son éventail fermé elle tapote le bras de son neveu.

........ Ma tante, ne devrais-je pas m'étonner de vous voir assister à cette mascarade ?

........ Que veux-tu ? Toutes les occasions pour parader sont à prendre

Mon patron éclate de rire ....... Ne me dites pas qu'à votre âge vous avez besoin de parader

La vieille dame rit d'un rire très discret .... Que veux-tu avant que je sois trop blette il me faut sortir un peu

........ Vous êtes loin d'être décatie.

......... Tts ! Je suis aussi décrépie que cette demeure.
Je souris, à cette réflexion, Matthieu rétorque, qu'elle est toujours aussi verte que les arbres.

La tante et le neveu échangent d'agréables plaisanteries, quand elle demande à aller s'installer

Mathieu nous conduit à une table, un serveur amène des assiettes de petits canapés. Une jeune femme s'approche et après nous avoir saluer brièvement, commence à faire la causette à Matthieu sans s'occuper, ni de la tante, ni de moi. Monsieur Jorelle poli mais froid répond par monosyllabe à ses questions. Sans aucune gêne, elle va pour s'assoir quand la vieille dame en la toisant lui dit froidement

...... Soyez gentille mon petit, comme vous pouvez le remarquer Matthieu est accompagné.

La jeune femme pâlit, ses yeux lancent des éclairs, elle se lève rageuse et se fond dans la foule.

Matthieu ......... Ma tante, vous êtes une incorrigible discourtoise.

Il rit en parlant, la tante sans se départir de son calme

.......... Mon cher neveu, je n'apprécie pas toutes ces mouches qui te colle aux basques ! Va donc nous chercher des rafraîchissements.

Monsieur Jorelle de bonne grâce se lève, tout en fronçant les sourcils  

 ......... N'en profitez pas pour mettre mal cette jeune femme !

La tante ........ Ne t'inquiète donc pas, je ne vais pas la manger toute crue !
Je me sens mal, je sais, je sens qu'elle va me poser tout un tas de questions, auxquelles je ne saurai pas répondre.

La tante ........ Dites-moi mon petit, comment ça se passe avec Matthieu ? 

....... Bien Madame.

........ Ah non ne m'appelez pas Madame, je me sens vieille.

Ses yeux bleus sourient. Elle me pose quelques questions sur moi, mes études, ma vie. Je lui réponds de bonne grâce, les questions n'étant pas très indiscrètes. Mon patron revient avec un serveur, qui pose deux coupes de champagne et un jus de fruit

La tante et mon patron ont une conversation qui va bon train sur la société. Puis la tante se plaint de ne pas avoir suffisamment la visite de son neveu.

.......... Je vous ai rendu visite il y a à peine quinze jours.

........ Oui depuis combien de temps ?

......... Quand vous éviterez d'inviter n'importe qui à notre table je vous rendrai visite plus souvent.
.......... Je ne peux leur fermer notre porte.

D'un ton sec monsieur Jorelle répond ......... Si et vous le savez, mais n'ayez crainte je vais m'en occuper sous peu !

La tante en souriant et sans se laisser impressionner du ton sec de son neveu, lui répond du tac au tac.

.......... Mais oui fais comme à ton habitude décide et gouverne.

Mr Jorelle se radoucit ........... N'est-ce pas le rôle que vous m'avez attribué ?

Je me sens un peu perdue dans leur débat. La tante change de sujet essayant de m'intégrer à leur conversation. Ne connaissant pas grand-chose de leur vie privée je ne réponds que du bout des lèvres. Plusieurs fois nous sommes interrompues par des femmes soit jeunes soit âgées, voulant inviter Matthieu qui chaque fois décline prétextant tout et n'importe quoi.
La tante fini par me dire, que ce sont des mères qui ont des filles à marier pour redorer leur blason, mais que son neveu n'est pas à vendre.

Je ris de bon cœur.

........ Ma tante, vous êtes d'une indélicatesse qui n'est pas permise.

.......... Mon cher neveu, sache que je ne les laisserai pas faire !

Mr Jorelle éclate de rire ......... Vous ne pouvez gérer ma vie d'homme.

La tante essayant de garder son sérieux .......... Mais bien sûr que si, et tu le sais.

Le neveu réplique fataliste ........ Faites comme bon vous semble.
La tante sourit espiègle ........ Mais c'est exactement ce que je fais ! Tout comme toi d'ailleurs !

Monsieur Jorelle éclate de rire, suivi de sa tante, puis prétextant en avoir assez, elle demande à son neveu de rappeler son chauffeur. Matthieu se lève et se dirige vers le fond de la salle, il revient avec un homme en costume qui tend son bras à la vieille dame.

Elle embrasse son neveu, et sans aucune forme, me prend dans ses bras et m'embrasse sur les joues. 

......... A bientôt mon petit, amenez-moi mon neveu de temps en temps.

 Embarrassée je murmure ........ Je ferai de mon mieux Madame !

Gentiment elle pince ma joue en souriant ......... Allez les enfants amusez-vous bien.

Nous n'avons pas touché l'assiette de petits fours, personne n'en prenant, je n'ai pas osé. La faim commence à se faire ressentir. Comme s'il avait lu dans mes pensées, Matthieu me propose de partir.

....... Je pense que vous avez faim ? 

Je réponds en souriant ... Oui un peu.

..........  Bien ! Allons dîner, leurs petits fours rassis, laissent à désirer.

Nous sortons de cette salle qui fourmille de grand monde. Monsieur Jorelle nous emmène dans Paris. Nous pouvons voir la tour Effel dans toute sa splendeur d'illuminations. Nous roulons un petit moment, quand il s'arrête devant un restaurant sur les quais de Seine.

Un serveur nous conduit vers une petite table à l'écart.

La carte en main, je ne me décide pas sur un choix. Aucun prix n'est indiqué. Je contemple le nom des mets sans pouvoir opter sur un plat.

Matthieu ......... Avez-vous choisi ? 

Timidement je fais non de la tête. Le serveur attend patiemment. Matthieu commande deux homards et une bouteille d'eau plate.

En attendant nos assiettes, Matthieu me pose quelques questions anodines sur le travail.

Est-ce que je m'adapte ? Mes cours ont-ils commencés ? Quels sont mes hobbys. Je réponds du mieux que je peux, essayant de surmonter ma timidité et mon attirance sur sa séduction. Ses grands yeux aux longs cils me fixent, mon pouls s'emballe, jusqu'à résonner dans ma poitrine. La conversation est un peu plus poussée que la dernière fois après le théâtre.
Enfin nos plats arrivent. Matthieu me sert un verre d'eau que je m'empresse de porter à mes lèvres sèches. 

Notre repas se déroule dans une atmosphère détendue, Matthieu se révèle avoir de l'humour me faisant sourire et même rire

Je commence à être fatiguée, il est tard, enfin il donne le signal du départ. En voiture dans le confort des sièges je m'endormirai presque. Matthieu conduit sans parler. Nous arrivons devant le pavillon de Manou, sans que j'aie fait attention à la route, j'étais dans un demi-sommeil. Il descend et vient ouvrir ma portière. Je sors dans la nuit fraîche

En me serrant la main Matthieu me dit.
........ Je vous remercie pour cette agréable soirée. Veuillez m'excuser de vous ramener aussi tard.

 ........ C'est moi qui vous remercie Monsieur Jorelle, j'ai passé une excellente soirée.

........ Pourrais-je vous réinviter ? 

Je lui souris troublée.......... Oui avec plaisir.

....... A demain Mélissandre et encore merci.

J'ouvre le petit portail et commence à monter les quelques marches. Je sens le regard de l'homme posé sur moi. J'ouvre la porte et regarde la rue. Matthieu est là, songeur, il m'observe. Je referme doucement, la voiture démarre.

Je passe vite fait à la salle d'eau me démaquiller et brosser mes cheveux et mes dents. Je me couche tout en pensant à cette merveilleuse soirée passée en la compagnie de mon patron. 

Je prends une douche fraiche pour me réveiller, je n'ai pas beaucoup dormi, me passant cette soirée en boucle, malgré la fatigue, le sommeil à tardé.

Je m'habille en tailleur pantalon bleu marine réhaussé par un corsage blanc. Je finis de m'apprêter en me maquillant rapidement, je brosse longuement mes cheveux. Ils sont torsadés sur eux-mêmes ayant gardés la forme des tresses.
Je ramasse ma touffe que j'attache en une queue de cheval haut sur mon crâne, laissant, quelques mèches s'échapper.

Au standard, je fais coucou aux filles et passe mon chemin. J'ai peur que Lison me questionne sur hier après-midi.

Je prends un dossier sur la pile et désabusée, commence le travail. Les gars arrivent sans se presser, sans se mettre davantage au travail que ce que j'ai pu voir jusqu'à maintenant.

Allez plus qu'aujourd'hui. Je me booste comme je peux.

Vendredi ! Nous sommes vendredi ! J'espère, je prie de tout mon cœur que le directeur m'appelle et me change de service. J'étouffe ici ! Je me retiens de ne pas exploser.

La matinée se termine, sans attendre je prends mon sac et ma veste. Je vais déjeuner avec ma cousine, Ghyslaine part de son côté, faire quelques courses.

Tout en goûtant ma salade de cervelas, je m'attends à la curiosité de ma cousine. Je me suis préparée. Et ça ne manque pas, à peine sa première bouchée avalée, elle attaque.
......... Bon t'as fait quoi hier ?

........ Rien pourquoi ?

  ........ Bah si, j'ai téléphoné à Manou, elle m'a dit que tu n'étais pas rentrée.

  ......... Et ? Tu veux savoir quoi ? Ce que je fais de mon temps ?

J'ai répondu plus sèchement que je ne l'aurai voulu. Je mange tranquillement, prenant le temps de mâcher, ce qui me permet de réfléchir.

  ......... Oh tu es de mauvais poil ?

  ........ Non excuse-moi, mais vois-tu j'ai mal au crâne et ce service j'en ai marre

  ......... Ah bon pourquoi ?

Je suis contente de l'avoir détournée de ses questions insidieuses. Je lui raconte pour la énième fois et en quelques mots l'ambiance.

Lise pousse un soupir ......... Qu'est-ce que tu veux chacun fait ce qu'il veut là-dedans ! Ce sont de gros ploucs en plus

Nous payons et repartons, j'accepte de boire un café avec elle. Ce qui retarde d'autant ma reprise au travail.
Ghyslaine arrive chargée de paquets cadeaux.
Lise éclate de rire ......... Bah tu as cru qu'on était à Noël ?

Ghyslaine rit et répond ......... Oui c'est tout à fait ça.

Ma cousine ironique .......... Bah t'es pas en retard dis-donc !

Ghyslaine ......... Curieuse tu es, curieuse tu resteras, c'est l'anniversaire de mon fils dimanche.

Lise ........ Ah ok, bah je ne pouvais pas savoir.

Ghyslaine ... Non effectivement tu ne pouvais pas savoir, mais comme tu veux toujours connaître le pourquoi du comment je te renseigne, je ne voudrais pas que tu aies une insomnie à force de réfléchir.

Lise un peu vexée se rembrunie, je souris, et les quitte. En montant, je me dis intérieurement. Oh bah Ghyslaine a remis la cousine en place gentiment mais correctement.

Dans l'après-midi Aimeriau m'enjoint sèchement de monter chez Duval !

Je sors et me rappelle que j'ai laissé mon sac, j'ouvre de nouveau la porte, ils sont en pleine discussion

......... Elle fricote avec la direction.

......... Ouais elle est bizarre cette fille.

Sur le seuil, la main sur la poignée j'écoute quelques instants.
........ Elle pieute avec le vieux ou le jeune ?

........ Bah peut-être avec les deux

.......... Ce n'est pas cette pute qui a fait virer Marc du service auto et la mère Mokopaldi

......... Si, je crois bien

...... Elle tourne dans les services et va tout baver à ce jeune con qui se prend pour je ne sais quoi !

..... Ah ça, c'est sûr, prétentieux le monsieur, il ne se prend pas pour de la merde !

...... Pourtant s'en est une grosse !

Ils ricanent comme des gros porcs. Je suis écœurée.

M'apercevant, ils se taisent d'un coup, Alain replie le journal en vitesse. Je prends mon sac et le cœur battant monte chez le directeur.

La porte du bureau est ouverte, je frappe tout de même. Monsieur Duval lève la tête.

........ Entrez mon petit et fermez la porte. Vous partez ?

......... Non monsieur

....... Que faites-vous avec vos affaires ?

........ Je n'ai pas d'endroit ou ranger mon sac à mains

Il me regarde avancer, son sourire s'efface, les rides de son front se plisse.
....... Tout va bien ?

Encore sous le coup de ce que j'ai entendu, je sais que je suis pâle
........ Oui monsieur.

Mr Duval ........ Tts -tts-tts ! Que se passe-t-il ?

Une boule vient se loger dans ma gorge, je respire à fond.

....... Rien de grave monsieur.

Mr Duval ....... Donc il y a quelque chose !

Je baisse les yeux, un grand froid m'envahit. Monsieur Duval me regarde longuement en silence.

....... Ne bougez pas, je reviens.

Il se lève et sort du bureau. J'essaie de me calmer et de respirer à fond pour décontracter mon ventre déchiré par une barre pesante.

La porte s'ouvre monsieur Duval est accompagné de monsieur Jorelle.

Mr Jorelle ....... Que se passe-t-il Mélissandre ?

J'essaie de raffermir ma voix. ........ Rien monsieur.

Mr Jorelle ......... Ne me dites pas rien, je vois bien que vous êtes livide
Sa voix est mécontente, il me toise de toute sa hauteur les sourcils froncés. Je suis assise, et me sens toute petite. Je fais non de la tête, essayant de lui faire comprendre que je n'ai rien à dire.

Mr Jorelle ....... Êtes-vous malade ?

Sans pouvoir parler je bouge imperceptiblement la tête en signe de négation.

Mr Jorelle ........ Le travail ?

Je n'ose répondre, je ne le regarde pas, je sens encore la colère en moi.

Monsieur Jorelle fait le tour et s'assoit à côté de moi.......... Regardez-moi Mélissandre
Lentement je me tourne vers lui.

D'un geste rapide et sec, il remonte mon menton, jusqu'à ce que nos regards se croisent.

......... Mademoiselle Robin, vous ne sortirez pas d'ici avant que je ne sache ce que vous avez !

Je prends une grande inspiratrice et dans un murmure essayant de sourire, je murmure. ........ Rien monsieur.

Mr Jorelle d'un ton ou perce l'agacement me jette à la figure. ........ C'est simple, ou vous me dites ce qui se passe ou je vous licencie !

Mon cœur s'arrête de battre, je manque de souffle. Non tout mais pas ça, je ne veux pas perdre mon emploi. Je me sens devenir livide, les larmes montent à mes yeux

Monsieur Jorelle se lève, et les mains dans les poches de son pantalon, fait les cent pas dans la pièce. Monsieur Duval me tend un mouchoir en papier, j'essuie mes yeux et me mouche discrètement. Le mouchoir en boule dans mes mains, je le triture essayant de me calmer.

Mr Jorelle vient se mettre devant moi.  ........ Etes-vous décidée à parler ?

........ Oui monsieur.

....... Je vous écoute !

...... Quand monsieur Duval m'a fait demander j'ai voulu monter, et me suis rappelée que mon sac était sur le bureau je suis rentrée pour le chercher et, heu et ...

Mr Jorelle d'un ton radouci ......... Et quoi ?

......... J'ai entendu heu, j'ai entendu des paroles blessantes me concernant.

Je butte sur les mots. Je n'arrive pas à parler correctement.

Mr Jorelle ......... Comme quoi ?

Je suis écarlate en répétant les gentillesses pleines d'aigreur de ces sales types.
Je vois monsieur Jorelle se décomposer.

Mr Duval ....... C'est l'article !

Mr Jorelle ....... Ils ont du temps pour lire le journal !

...... Faut croire, tu sais ils ne se bousculent pas pour faire le travail.

....... J'en ai par-dessus la tête !

....... Difficile d'être partout !

Mon pouls reprend un rythme plus calme.

Mr Jorelle ....... Vous avez vos affaires là ? Ou vous faut-il redescendre les chercher ?

... Non monsieur j'ai mes affaires.
Mr Jorelle ........ Parfait, rentrez chez vous, et reposez-vous. Lundi matin montez directement ici !

........ Oui monsieur,
Je me lève et doucement leur dis ....... Au revoir.

Je passe par les lavabos, jette le mouchoir dans la poubelle et me rafraîchis pour enlever les traces de larmes.
Au standard, évidemment Lise me demande où je vais. Je la regarde tristement sans répondre et sors. J'aspire une grande bouffée d'air.

Manou s'étonne que j'arrive si tôt, je la rassure lui expliquant que j'ai fini ma mission de la semaine, du coup le directeur m'a dit que je pouvais rentrer.

Manou .........Ah c'est bien, ça compense tes heures supplémentaires.

........ Je peux prendre un café ?

... Mais oui ma puce, bien sûr, je vais d'ailleurs t'accompagner.

Je demande à Manou si elle a le journal, elle se lève je l'entends farfouiller dans le salon, elle revient en souriant.
.......... Vous êtes très beaux tous les deux. C'est un bel homme ton patron.
Je me sens rougir, ma grand-mère ouvre le journal et le plie en deux pour me présenter une photo accompagnée d'un article plus long que la dernière fois.

Notre belle inconnue ne quitte plus le bras du puissant PDG des Ets Cathenry.

Anguille sous roche ?

Je replie le journal, comprenant soudainement les ragots de ces types.
Ma grand-mère me regarde avec toute la tendresse qu'elle me porte ........ Tu es tellement belle ma puce, c'est obligé tu attires les regards.

......... Manou, ne va pas te faire des idées, je l'accompagne pour le travail, les journalistes sont des idiots, ils ne cherchent qu'à vendre leur cochonnerie de journal.

 ......... Oui ma poupée, mais tout le monde n'a pas sa petite fille dans le journal, au bras d'un si bel homme.

Je lui souris et vais dans ma chambre, je m'affale sur mon lit. Les mains sous la nuque, je regarde le plafond en réfléchissant à tout. Je finis par m'endormir

Mon oncle arrive de bonne heure, accompagné de ma tante et Lise. Mon père suit de très près. Je vais me préparer et faire ma chambre.

Les deux hommes sont venus lundi et mardi soir à la sortie de leur travail, pour avancer les travaux. Les deux pièces ont les plafonds peints en blanc.

Ce week-end il est prévu qu'ils commencent le papier peint. Mon oncle à emmener une grosse tine de peinture et plusieurs rouleaux de papier 

Manou et tata sont parties au marché. J'évite le plus possible d'être seule avec ma cousine, j'ai peur qu'elle ne me pose des questions indiscrètes.
Pendant le repas du midi, les hommes discutent des travaux. Je sens Lise qui m'observe, je lui fais un grand sourire

Après le rangement de la cuisine, ma tante emmène Manou faire des courses.

Lise s'installe sur mon lit. Je fais celle qui range ses cours.                                  

Lise ....... Qu'est-ce qui s'est passé hier ? Tu es partie, tu avais pleuré.

Je prends mon temps pour répondre, me retourne vers ma cousine, et d'une voix calme essaie de lui donner une réponse plausible.
........ J'avais mal à la tête, j'ai demandé à partir.

........ Mais pourquoi tu as pleuré ? Tu t'es faite engueulée ?

......... Non je n'ai pas pleuré, mais j'avais une terrible migraine.

......... Ah bon !

Je lui souris, en lui disant de ne pas se tracasser. Précisant que ces derniers jours je dors mal, et que je suis fatiguée.

....... Tu veux que je te laisse te reposer ?

....... Non tu peux rester et me parler, ça ne me gêne pas.

........ Bah essaie de te reposer, je vais aller voir les mecs.

J'entends Lise se lever et sortir de la pièce, je pousse un soupir de soulagement et m'allonge, je ferme les yeux.

Je retourne dans mes pensées, et finis par m'endormir en rêvant de cocktail au bras de monsieur Jorelle.

Je me réveille doucement. J'entends par ma fenêtre entrouverte, les oiseaux chanter dans le tilleul. Je me lève et appelle ma cousine.
........ Je suis dans la cuisine.

Je la rejoins en lui souriant.

....... Je suis venue te voir mais tu dormais.
........ Désolée ma Lison

......... Non pas grave, j'étais avec papa et tonton

........ Manou n'est pas rentrée ?

...... Bah non !

... Je boirais bien un café

Assises à la table nous mangeons des madeleines en buvant un café. Lise voit bien que quelque chose cloche chez moi, mais pour une fois, ne pose pas de question.

Les femmes sont de retour, nous les aidons à ranger les achats

Manou ......... Vous restez manger ce soir !

Tata ......... Oui je pense.

Manou ... Nous allons préparer le diner !

Je me propose d'aider, tata sourit et me remercie, précisant qu'elle devrait pouvoir s'en sortir.

Nous restons dans la cuisine, je n'invite pas Lise dans ma chambre j'ai trop peur qu'elle soit curieuse

Au repas je chipote un peu mon assiette, Manou s'inquiète me demandant si je vais bien.
......... Oui Manou, mais j'ai mangé des madeleines tout à l'heure et je n'ai pas très faim.

Ils partent vers vingt-trois heures.

Dehors le temps est gris, comme s'il allait pleuvoir, je fais mon lit quand la famille arrive. Mon père est avec eux.

Tonton me demande de dégraisser le buffet bas. Je prends le bidon de produit, en imbibe une éponge et commence le nettoyage, pendant que Lise s'occupe des portes et montants.

Avec horreur je vois que le vernis s'en va au fur et à mesure, je le dis à mon oncle qui sourit

......... Oui il faut décaper à nu.
En fin de matinée, les trois meubles sont en bois brut, complètement décapés dans les moindres recoins. Les murs des deux pièces sont peints en un blanc immaculé. Nous mangeons dans la cuisine, dehors il pleut.

L'après-midi les hommes peignent d'une façon originale. Dans le salon, comme dans la salle, les murs sont beige clair. Sur le mur du meuble-télé ils ont collés du papier marron clair avec quelques touches de plus foncé, impression talochage, dans la salle à manger c'est le mur de la baie vitrée qui est en papier comme le salon.

Sur le parquet très usé, ils posent de jolies dalles adhésives imitant parfaitement les lames d'un parquet chêne clair.

En fin d'après-midi, les deux pièces sont terminées. Les hommes pinceaux en main passent un produit sur les meubles pour les nourrir et les protéger.

........ Maman, tu laisses sécher au moins deux jours, et tu ne poses rien sur les meubles !

........ D'accord mais et ma télévision ?

........ Je vais te la mettre sur une planche et deux tréteaux

........ Bon d'accord, mais je ne pourrais pas la remettre sur le meuble, elle est lourde.
Papa propose de passer dans la semaine pour lui remettre sa télé en place, ma grand-mère le remercie

Les hommes finissent le rangement, pendant que dans la cuisine nous mettons la table.
A peine la vaisselle terminée, mon oncle donne le départ, il est vingt-deux heures vingt. Je n'ai qu'une hâte, me coucher, une légère migraine se fait sentir. Après une rapide douche, je vais embrasser ma grand-mère.

28 août 2000

Département automobile

Au standard j’embrasse Ghyslaine et lui demande des nouvelles de son fils, Monsieur Duval arrive, avec sa mallette à la main. Il vient nous saluer et se tourne vers moi, gentiment il me rappelle que je suis attendue au service de monsieur Aimeriau

... Oui monsieur.

Une angoisse me prend, je ne sais pas pourquoi. Je me sens pâlir. J’aurai tellement aimé retourner dans le service d’Evelyne. Monsieur Duval sentant très certainement mon appréhension, propose de me conduire.

Nous montons au premier étage, il entre sans frapper. Une grande salle, 6 bureaux, quelques employés sont assis en train de papoter.

Mr Duval ….... Bonjour messieurs, monsieur Aimeriau est arrivé ?

Un type répond non.

......… Bien ! Mademoiselle, va rester quelques temps avec vous.

Monsieur Duval se tourne vers moi et avec un gentil sourire en me serrant la main, me souhaite une bonne journée.

......… Merci monsieur.

Il repart. Je reste là plantée, les employés sans s’occuper de moi reprennent leur conversation. Un monsieur d’un certain âge arrive. Je l’ai déjà remarqué passant devant le standard. Il me fait penser à une fouine avec ses petits yeux toujours plissés.

.....… Vous êtes ?

…...... Bonjour monsieur, je suis mademoiselle Robin, monsieur Duval m’a placé chez vous.

Il marmonne je ne sais quoi et me dit d’aller m’installer à un bureau, en me le montrant du doigt. Il serre la main aux employés avant d’aller dans sa bulle en verre sans plus s’occuper de moi. J’attends qu’on vienne me dire ce que je dois faire. Il est pratiquement 10 heures, quand enfin les employés se décident à se mettre au travail. Celui qui a répondu à monsieur Duval, m’apporte une chemise cartonnée qu’il ouvre

… Voilà sur cette grille regarde en haut dans la première case, tu as la succursale, tu remplis la grille avec les cartes grises des voitures. La date d’achat, la marque du véhicule, le kilométrage enfin tout quoi ! Tu as compris ?

  ........ Oui je pense.
  ….... Bon si tu as un souci tu viens me voir, je m’appelle Alain.

  ….... Oui merci.

Je commence par regarder une carte grise et essaie de la déchiffrer. Je ne comprends pas grand-chose à tous ces numéros. Le type me tend une carte grise, avec une grille déjà remplie

.......… Tiens celle-ci est faite, prends la pour exemple.

Je relève la tête et croise son regard, je le remercie.

Deux types étudient le tiercé sur un journal en commentant tout haut leurs pronostics. Un feuillette un journal et le dernier est au téléphone.

Alain ….... Bon ça y est les gars que j’aille faire les jeux

Ils répondent en chœur « Oui » fouillent dans leur poche à la recherche de monnaie qu’ils lui tendent. Alain ramasse l’argent et sort du bureau. Je ne le reverrai pas. Il est à peine midi je me retrouve seule, ils sont tous partis. Ni les uns ni les autres n’ont commencé à travailler. Quant au chef on ne l’a pas vu de la matinée. Je suis dépitée. Je referme ma chemise et la mets sur la pile, j’attrape mon sac et ma veste. Je descends rejoindre les filles au standard. L’après-midi Alain travaille un peu, et un autre passe son temps au téléphone, racontant sa vie

Je prends la chemise d’hier laissée sur le bureau et commence à déchiffrer la carte grise, les employés arrivent les uns derrière les autres. Mes pensées sont ailleurs. Je pense à ce service qui ne sert à rien comme celui de Martel, avec des salariés qui font tout juste acte de présence. Ils entrent comme dans un moulin. En plein après-midi ils s’en vont, ou arrivent avec leurs courses vers quatorze voire quinze heures. Je crois que c’est le pire service que j’ai fait. 

La semaine est triste et n’en finit pas, c’est la boule au ventre que je monte le matin.

A part Alain qui travaille un peu, allez trois ou quatre heures dans une journée, c’est tout. Ils apprennent le journal ou passe leur temps au téléphone. L’après-midi s’ils nous honorent de leur présence, c’est soit pour discuter entre eux, en déboisant tout le monde ou presque ou en faisant des mots croisés. Quant au chef, il est quasiment invisible. Je ne comprends vraiment pas cette mentalité. Pensent-ils qu’une société fonctionne toute seule ? Je suis écœurée, moi qui aie tant galéré pour avoir ne serait-ce qu’un job de quelques mois.
En tout cas maintenant que j’ai signé un contrat, je vais m’accrocher. Il me reste deux ans d’études pour mon master et un an supplémentaire pour l’école de magistrature, et je ne vais pas risquer de tout perdre. Je suis embauchée pour bosser, et je vais respecter le contrat, et ce pourquoi je suis payée chaque fin de mois.

Ce soir j’ai mon premier cours, j’allume mon pc et attends. Je sors un calepin et un crayon de bois. Un homme au visage sévère et fermé se présente. Pendant une demi-heure il nous fait une leçon de morale, expliquant que si nous n’avons pas la constance d’assister aux cours, autant arrêter tout de suite.

Il poursuit par des révisions de l’an passé. Ces deux heures ne m’amènent rien de concret et j’ai l’impression d’avoir perdu mon temps.
Je rejoins Manou au salon.

... Alors ma poupée, ça été ?

Tout en allant à la cuisine pour manger, je lui raconte ce prof en le mimant nous faisant la morale comme à des enfants. Manou rit. Nous rangeons la cuisine, je vais avec ma grand-mère me délasser devant la télé.

Samedi selon nos habitudes, nous allons faire un tour au marché. L’après-midi je me penche sur les premiers devoirs à renvoyer.

Dans la soirée j’échange par écrit avec Lison. Comme je lui ai expliqué je ne veux pas me servir de la cam, pour ne pas déranger Manou qui écoute la télé.

Elle me raconte en riant qu’elle est célibataire. Son petit copain n’aura pas duré longtemps.

... Alors tu vas faire quoi de tes vacances ?

... Me reposer et aller à la piscine pour bronzer

Je souris à son humour. Nous échangeons jusque très tard. Vers minuit je lui dis bonsoir.

Je remets mon pc sur le bureau, et vais me brosser les dents avant de me coucher.
Dimanche je buche pour finir mes devoirs commencés, et les envoyer rapidement.

Je m’arrête embrasser Ghyslaine, elle me propose un café que j’accepte volontiers. Pas vraiment pressée d’aller dans ce service. La semaine dernière m’a parue tellement morne, que j’angoisse pour cette semaine.

Je monte les escaliers d’un pas pesant, sans frapper j’entre et vais m’assoir. Les deux types du journal sont là, Alain brille par son absence

J’essaie de me concentrer sur le dossier entamé. Je n’ai pas beaucoup avancé et de toute façon je ne fais pas plus d’efforts que ça. Je vais à mon rythme, j’en ferai toujours plus que les 4 employés réunis.

Quand je rentre le soir, je me change pour une tenue plus décontractée. Avec Manou nous nous mettons dans le jardin et nous racontons notre journée devant soit un verre de limonade fraiche soit une menthe à l’eau. Nous voulons profiter de ces dernières belles journées de début septembre.

Après dîner, je range la cuisine avec Manou, avant d’aller me détendre sous la douche. Je rejoins ma grand-mère une petite demi-heure au salon pour écouter les infos. Dès le générique qui annonce le film, affectueusement je l'embrasse en lui souhaitant une bonne nuit.

Allongée sur mon lit, j'ouvre mon pc sur mes jambes relevées, avec Lison nous papotons un peu avant de m'endormir rapidement.

J’ai hâte que cette pénible semaine finisse.  Hâte que ma cousine rentre lundi. Oui mais voilà nous ne sommes que mardi

Je suis en pleine méditation quand monsieur Aimeriau présent aujourd’hui vient m’avertir que je dois monter à la direction. Sans un mot je me lève prends mon sac et sors.
Je descends voir Ghyslaine qui est seule, et lui confie mon sac à main. Je n’ai pas de quoi le ranger là-haut et je n’ai qu’une confiance mitigée dans ces hommes.

J’espère qu’il va me dire, qu’il me change de service. Je croise les doigts en montant dans l’ascenseur pour aller plus vite

Je frappe discrètement à la porte du DRH

... Entrez !

J’ouvre la porte, sachant déjà ce que monsieur Duval va me dire. Je souris.

... Asseyez-vous mon petit.

Il décroche son téléphone et dit simplement ... « Nous t’attendons ! »

La porte derrière moi s’ouvre sur le patron. Mon cœur s’emballe, je me traite intérieurement de gourde.

Monsieur Duval se lève, laisse sa place au PDG et reste debout à côté du bureau. Monsieur Jorelle me regarde intensément je me sens rougir.
Le PDG ........ Expliquez-moi comment vous conciliez cours et travail !

 ........ Je prends des cours par correspondance et en présentéisme par vidéo-conférence. Ainsi je ne déborde pas sur les heures de travail.

.......... Oui vous me l’avez déjà dit. Mais comment vous organisez-vous ? Les devoirs, les cours ?

 ........... Je reçois les cours je les travaille le soir ou le week-end. C’est un cursus pour les personnes qui ont une activité en parallèle.
.......... C'est un apprentissage bien plus difficile que la FAC

........ Je ne sais pas Monsieur.

....... Vous n'avez pas de bourses ? 

........ Non Monsieur.

........ Comment ça, vos parents sont-ils donc si aisés ? 

......... Il faut croire monsieur !

......... Que font-ils ?

 ........   Mon père est inspecteur régional dans le secteur bancaire.
......... Et votre mère ?

A cette question mon cœur se serre, d’une voix mélancolique en baissant les yeux. ......... Je n'ai plus de mère monsieur
.......... Désolé Mademoiselle. Vous vivez seule avec votre père ? 

.......... Non je vis avec ma grand-mère.
Il fronce légèrement les sourcils, mais n'insiste pas. Il change de sujet.

........ Savez-vous faire un courrier, une mise en page ? 

......... Oui Monsieur.

......... Vous avez principalement travaillé en secteur bancaire ?

......... Principalement oui, en entreprise aussi

.......... En tant que quoi ?

.......... Souvent comme simple employée de bureau

........ Bien ! Comment ça se passe dans le service d’Aimeriau ?

Je mordille ma lèvre, que lui dire ? ........ Ça va monsieur.

Il sourit......... Le contraire m’aurait étonné n’est-ce pas !

Mon pouls s’accélère, je me sens rougir.
Mr Jorelle ........ J’ai une proposition à vous faire, que vous êtes en droit de refuser. Vous me rendriez un fier service en acceptant.

Je le regarde sans comprendre ce qu'il veut. Il m'observe, me dévisageant jusqu'à me faire rougir. Aujourd’hui ses yeux sont d'un vert presque clair. Sa jolie bouche bien ourlée dessine un léger sourire. Lison à raison, il est craquant

Mr Jorelle ........... Jeudi 14, j'ai un cocktail, je souhaiterais que vous m’accompagniez

Je plonge mon regard dans le sien. Je n'y lis rien, il reste énigmatique, et continue sans lâcher mon regard.
.......... Nous n'y ferons qu'une apparition, comme la dernière fois, mais je me dois d'être vu. Plusieurs représentants seront là. Votre rôle consiste à rester à mes côtés, si on vous pose des questions sur la société, à répondre simplement ....... De passer nous voir, l'endroit étant mal choisi ! Quelle que soit la question.

Je fais oui de la tête, en clignant des yeux, signe que j'ai bien compris ce qu'il voulait. 

Mr Jorelle ......... Il va de soi que votre soirée sera payée en heures supplémentaires. Avez-vous une tenue style robe de cocktail ou autre ? Non que vous ne soyez pas élégante, bien au contraire. Mais le tailleur n'est pas très approprié.

......... Non monsieur, mais je peux m'en procurer une si c'est nécessaire.
......... Je m'en occupe, je vous la ferai livrer chez vous.

......... Pouvez-vous me dire l'endroit et l'heure à laquelle je devrais me présenter ?

........... Je viendrais vous chercher, je ne vais pas vous faire prendre les transports dans cette tenue. De plus il est mieux que nous arrivions ensemble.

 .......... Oui Monsieur.

........ Vous prendrez votre après-midi, pour vous préparer. Je serai chez vous à dix-huit heures trente, soyez prête.

.....… Oui monsieur.

.......… Pas un mot à quiconque, la discrétion vous est demandée. D’autre part, je veux que vous alliez au standard
Je fais oui de la tête et me lève, je salue les deux hommes, le cœur battant. Dans le couloir j’attends un peu que ma respiration se calme avant de descendre.

 Ce matin je suis en grande forme, contente d’être avec Ghyslaine je pars le cœur léger. J’apprécie beaucoup cette jeune femme calme, je me demande comment elle fait avec l’exubérance de ma cousine.

En arrivant, je souris, pose mes affaires dans l’armoire et vais prendre la place de ma cousine. Ghyslaine me propose un café, que j’accepte volontiers

Il y peu de travail mais beaucoup d’échanges avec Ghyslaine, qui m’apprend qu’elle est mariée depuis cinq ans, un petit garçon est venu combler leur bonheur.  

Je lui explique que ne m’entendant pas avec la compagne de mon père, je suis partie vivre chez ma grand-mère.
Nos confidences nous rapprochent. En souriant je lui demande comment elle supporte Lise.

...... Elle est jeune avec une vie facile, elle n’a pas encore acquis de maturité, et pour ta cousine patron ou collègue elle ne fait pas la différence.

Je souris .... C’est vrai, mon oncle et ma tante sont adorables, mais n’ayant qu’elle, ils la chouchoute un max.

........ Elle grandira, ça va que monsieur Duval est cool, je ne suis pas sûre qu’un autre accepterait d’être chahuter comme ça par une employée. Je pense que Jorelle aurait vite fait de la remettre en place
Je souris et reconnais que des fois, elle me met mal à l’aise.

Nous rions en nous remémorant les propos qu’elle tient au directeur. Je voudrais faire remarquer à ma nouvelle collègue cette habitude que j’ai remarqué chez Lise, de critiquer tout le monde, mais je ne sais pas si elle va apprécier que je parle sur le dos de ma cousine.

J’embrasse ma nouvelle amie, lui souhaitant un bon week-end.

En entendant la voix de Lise je me lève immédiatement. Encore endormie je vais à la cuisine pour trouver tonton, tata, ma cousine et mon père. Manou leur sert un café.

........ Ah ma grande, nous t’avons réveillée.

........ Non Manou ne t’inquiète pas.

Lise ......... Oh la marmotte il est bientôt dix heures, tu ne pousses pas un peu.

Je lui tire la langue et embrasse tout le monde, je me verse un grand bol de café au lait.
Il est prévu ce week-end que les travaux concerneront la salle à manger et le salon.

Mon oncle .... Pour ne pas laisser trop de désordre à maman toute la semaine, nous allons essayer de travailler par étape.

Mon père ........ Oui tu as raison.

....... Je viendrais le soir avancer le chantier

........ Je peux aussi venir.

....... Oui il serait bien que ce soit fini pour l’anniversaire de la mère.

........ Nous avons deux semaines, ça devrait aller.

Je vais à la salle d’eau me rafraichir. Dans ma chambre, j’ouvre grand mon lit en rabattant le drap et la fine couverture au pied. J’ouvre la porte-fenêtre, et rejoins Lise.

Les hommes ont poussé les meubles du salon dans la salle à manger

A grands rires nous enlevons des lés entiers de ce vieux papier à grosses fleurs orange sur fond marron. Les murs dessous apparaissent clairs, comme par enchantement le salon semble plus lumineux et plus grand.

A midi nous déjeunons sous le grand tilleul d’un rôti froid et une salade de riz que tata a apporté, le dessert est fait de pêches juteuses et sucrées à volonté

Après manger nous finissons le décollage, et enlevons les traces de colle. Tonton commence l’enduit.

D’un coup Lise balance son éponge dans le seau d’eau, ce qui provoque des éclaboussures.
Lise ........ Je jette l’éponge.

Je l’imite, nous rions, en rinçant nos seaux et nos éponges et les portons à la cave pour la prochaine fois.

A la salle d’eau nous nous rafraichissons et rejoignons les femmes dehors. Lise s’affale dans l’herbe, je m’assieds à côté. Tata nous apporte de grands verres de menthe à l’eau.

Tout en sirotant mon liquide frais, je fais remarquer à Lise qu’elle est bien bronzée.

......... Ah oui je ne t’ai pas dit, je reviens des Baléares.

J’éclate de rire devant son sérieux. Nous plaisantons en échangeant des futilités. Lise prend un air du grand monde, en me lançant des « Ma chère comprenez que les Baléares ne sont plus ce qu’ils étaient »

Sautant du coq à l’âne, comme à son habitude, elle me demande des nouvelles du boulot.

.......... Rien de spécial, il n’y a pas beaucoup de travail.
........ Vous faites quoi alors ?

....... Bah rien, on attend les appels, on fait monter des gens. On papote

........ Vous parlez de quoi ?

....... De tout de rien.

...... Bah vous avez des sujets quand même.

Les hommes viennent nous rejoindre, ils se mettent à côté de nous, une bière à la main. Ce qui m’empêche de répondre aux questions insistantes de ma cousine.
Je regarde mon père, il a les yeux brillants, un sourire aux lèvres il discute avec son beau-frère des travaux qui se terminent.

Mon oncle ........ Bon c’est un gros chantier, s’il faut je poserai un ou deux jours.

Mon père ....... Je ne pense pas pouvoir poser de journée en ce moment, mais je verrai

....... Ce n’est pas grave ne t’inquiète pas.

Je les laisse deviser tranquillement, mon père porte sa canette à la bouche et bois une rasade de bière. Intérieurement je jubile, il brave les interdits.

....... Bah dis-donc mon papounet, si elle te voyait faire elle piquerait bien une crise.

Mon père me regarde longuement et lâche d’un coup ........ Aucune importance, je suis célibataire !

Un blanc s’installe. Manou rompt le silence. ......... Il vous aura fallût du temps !

Mon père ........ Effectivement Odette, et Mélissandre m’a ouvert les yeux !

Manou ........ Dommage que cette enfant ait eu à subir la vacherie de cette femme.

Mon père ....... Et j’en demande pardon à ma fille.

Lise ......... Ouais bah quand même, on te le disait qu’elle frappait Méli, mais toi tu disais non, elle est tombée.

Le visage de mon père s’assombrit, comme chaque fois qu’il est mal à l’aise, il passe sa main sur son visage.

........ Elle me disait que Méli tombait ou se cognait, je ne pouvais penser qu’elle mentait, et Mélissandre ne se plaignait jamais

Mon oncle ......... Allez ! Allez ! Rien ne sert de revenir sur le passé. Mélissandre a vite grandie, elle est forte sous des airs fragiles. Elle s’en sort très bien, et maintenant elle est heureuse chez maman.

Mon père se rapproche de moi, il me prend dans ses bras et me claque deux grosses bises sur les joues.

.......... Je m’en veux tellement ma puce de ne pas avoir tout vu. Je m’enfonçais dans le travail, je me cachais la vérité.

.......... Papa, je ne t’en veux pas. C’était ta vie, en grandissant j’ai appris à me défendre contre sa méchanceté. C’est fini, elle ne pourrait plus m’atteindre, et plus personne ne m’atteindra.

Tata ......... Allez, les enfants mettons la table, demain il y a encore du travail

Le repas est joyeux, la tristesse de tout à l’heure est envolée. Tout le monde parle et rit en même temps. Lise fait comme d’habitude son pitre.

Il est à peine huit heures que j’entends la voix de mon père et mon oncle dans la maison. D’un bond je me lève

........ Bah vous êtes tombés du lit ?

Mon père me prend dans ses bras et m’embrasse.
......... Non mais nous ne voulons pas perdre de temps.

Pendant que je déjeune, ils prennent un café. Mon oncle me demande si je veux bien leur donner un petit coup de main.
........ Oui bien sûr, et tata elle ne vient pas ?

......... Si pour midi, ta cousine dormait encore.

Rapidement j’enfile un jeans et un tee-shirt et rejoins les hommes dans la salle à manger. Ils sont en train de vider les placards sous l’œil vigilant de Manou.

......... Attention à mon service en porcelaine Pierre. ........
......... Bernard prenez un autre carton, sinon celui-là va craquer.

Au bout de dix minutes, mon oncle se relève et d’une voix sévère

......... Maman, prends ton panier et va faire ton marché !

Manou marmonne en sortant de la pièce. Je souris et continue de passer la vaisselle à l’un ou l’autre des hommes.

L’enfilade de la salle à manger et le petit meuble à deux portes, sont entièrement vidées, le meuble-télé dans le salon aussi. Les deux hommes poussent la table de la salle à manger et débarrasse complètement le salon.
Mon oncle ......... Ma puce tu nous aides à décoller le papier ?

........... Oui bien sûr tonton

Je le fais avec plaisir, ça m’amuse de tirer sur les grands lés de papier et de découvrir les murs derrière. En même pas deux heures la salle à manger est mise à nu. Mon père juché sur un trois-marches lessive les plafonds, je ramasse les lambeaux de papier et les fourrent dans un grand sac poubelle. Tonton décollent les plinthes en bois. Je donne un grand coup de balai sur le sol.

La cloche tinte d’une telle force, que nous savons tout de suite que c’est Lison qui l’actionne.

Tonton........ Ah celle-ci un vrai démon.

Je ris d’entendre ma cousine chanter à tue-tête

Tonton ......... Adieu tranquillité tu nous as quitté.

Je pose le balai et la pelle, mon père sourit, Lise sur le seuil de la pièce.

........ Oh hé ! Attention, je peux repartir hein !

Tonton ......... Oui pars maintenant, et à pied comme ça fatiguée, tu dormiras et nous feras des vacances.

Elle rit traitant son père de vieux barbon, et embrasse mon père........... Tonton, reconnais que mon père est désagréable avec moi.

Mon père ....... Ah tu trouves ?

Lise ....... Ouais, ouais, tu es de son côté évidemment !

Tata nous appelle mettant fin à cette chamaillerie.

Après manger, mon oncle nous dit, qu’il n’est pas utile qu’on soit dans ses pattes, s’adressant à sa femme.
.......... Chérie, emmène ma mère en courses, en balade, où tu veux, mais sors-nous là de la maison ! Je ne veux personne.

Manou ........ Oh mais je ne vous embête pas.

Mon oncle .......... Tu es sans arrêt dans nos jambes, alors oust maman dégage le plancher !

Manou vexée fait demi-tour et enfile un gilet ........ Venez Patricia, puisque je dérange dans ma maison !

Les deux hommes retournent sur le chantier. Du jardin ou avec Lise nous nous sommes installées, nous pouvons les entendre siffloter ou parler.

Je m’allonge dans l’herbe et ferme les yeux, voulant éviter les questions de ma cousine. Lise reste assise en tailleur jouant avec un brin d’herbe.

Le week-end s’achève au diner sous le gros tilleul

Publicité
Publicité
16 août 2000

Des heures supplémentaires

Lise est à la sortie du métro. Elle me saute dessus et me claque deux bises, son bras sous le mien, elle se dandine en riant, pendant que nous remontons le boulevard.

….... Eh bé tu fais sensation au boulot.

...... Ah bon pourquoi ?

........ Tout le monde parle que tu as réussi à faire virer Mokopaldi.

....... Je n’ai rien fait de spécial pour qu’elle soit licenciée, elle m’a attaquée, je me suis défendue
Lise rit ....... Bah en tout cas tout le monde en parle.

Je hausse les épaules. Au standard je fais la bise à Ghyslaine, refuse le café des filles, leur expliquant que j’en bois avec mes collègues

Evelyne lève la tête du journal qu’elle lisait

....... Ah Mélissandre, je suis contente de te voir, je pensais que tu ne faisais plus partie du bureau.

......... Bonjour Evelyne, si mais hier j’avais ma journée. Désolée, je n’ai pas pensé à t’en parler.
........ Non ne t’inquiète pas, je suis contente de te revoir.

Elle se lève vient me faire la bise, Josiane et Chantal m’embrasse aussi.

Chantal ........ Tu prends un café ?

... Oui je veux bien merci.

Je demande à Evelyne ce que je dois faire.

........ Tu vas te mettre avec Chantal, on doit faire un listing de toutes les dépenses des bureaux.

Chantal me demande ........ Ce matin je saisis, et cet après-midi c’est toi, ça marche ?

......... Ça marche.

Evelyne et Josiane se mettent ensemble.

A voix basse pour ne pas gêner Josiane, j’énumère le service, j’attends que Chantal saisisse mes données, pendant ce temps j’ouvre la chemise et sors les factures. Je lui donne la raison sociale, le numéro de facturation, la date de commande et la marchandise avec le prix HT et TTC.

En milieu de matinée, Evelyne propose un café. Nous nous arrêtons dix minutes.

Chantal ...... Tu veux qu’on change ?

Moi ........ Non pas spécialement, en plus je ne tape pas très vite.

Nous nous remettons au travail jusqu’à midi.

Je suis stupéfaite de voir la quantité de fournitures de bureau qui est dépensée. Des milliers d’euros en stylos de toutes les couleurs, crayons, gommes, taille-crayons, même des feutres des surligneurs ou des crayons de couleurs. Tout comme les cahiers, les rames de papier, des calculettes et j’en passe.

Le midi j’en parle vaguement à Lison et Ghyslaine

Ghyslaine ....... Oui c’est nous qui recevons les colis. Surtout vers septembre.

......... Ah bon ! Pourquoi plus vers septembre ?

Ghyslaine sourit ........ Parce que c’est la rentrée des classes à moindre frais.

Je suis interloquée ....... Oh !

Je reste bête devant la réponse de Ghyslaine.

En fin d’après-midi, nous avons fait tous les services. Evelyne est super contente.
......... Oh les filles je vous adore. La direction va être satisfaite. J’envoie tout de suite le rapport.

Chantal ........ On a mérité un petit café ?

Evelyne rit. ...... Oui bien sûr, si tu le fais.
Chantal se lève et va chercher de l’eau aux lavabos. Je ramasse les chemises contenant les factures et les mets en un tas propre sans faire dépasser les feuilles.

Nous buvons notre café tout en papotant.
Evelyne ........ Voilà ce que tu étais tenue de faire Mélissandre

Je fais oui de la tête en lui souriant.
En partant ce soir, les filles m’embrassent et me disent souhaiter que je sois mutée dans leur service

Dans le RER, je repense à toutes ces dépenses d’argent sur le dos d’un patron. Je trouve que la moralité des employés est limite. Leur niveau d’intégrité un peu moyen. Pour moi ce n’est ni plus ni moins du vol. Alors bien sûr, qui n’a jamais pris un tube de colle, un stylo ou même un bloc papier, au travail ? Mais là, des listes entières.

L’inventaire des fournitures fait, nous reprenons les fiches de présentéisme. Je m’aperçois encore une fois que beaucoup d’absences ne sont pas justifiées

Certains-certaines s’absentent deux à trois jours d’affilé sans aucune raison. Je demande à Evelyne ce que je dois noter dans la case, si je n’ai pas la feuille signée de la direction

........ Tu mets L pour litige

Dans certains services je n’ai d’ailleurs la plupart du temps que des L, de temps à autre des C.A et souvent, très souvent des maladies avec plus ou moins le certificat médical.

Comment des gens sensés, des gens au bonheur de travailler peuvent-ils tricher comme ça ? Bien sûr ça peut arriver, mais à ce point-là, c’est à se demander comment la boite peut tourner avec un personnel aussi peu consciencieux.

Nous travaillons dans une ambiance détendue et agréable. Il y a toujours une fille pour raconter une histoire drôle, une anecdote. Chantal prise les histoires un peu coquines qui nous font rire.

Evelyne, ne prend pas la grosse tête, souvent elle est avec nous dans le bureau central, et rarement dans sa bulle. Si le téléphone sonne elle va décrocher en courant.

En partant Lise me demande si je veux sortir ce soir avec ses potes. Je la remercie et refuse. D’abord il faudrait que je rentre avec elle laissant Manou toute seule, et de plus je n’ai pas vraiment envie de sortir avec les amis de ma cousine que je ne connais pas.

Tonton et tata sont partis quelques jours en vacances dans le Périgord, papa est parti aussi je ne sais où.

Je me suis étonnée quand il m’a dit qu’il prenait quelques jours de congés et qu’il partait à l’aventure. Ce n’est pas vraiment son genre. Je pense qu’il est avec mon oncle et ma tante et n’a pas voulu en parler. Par pudeur ou je ne sais quoi.

Samedi comme à l’accoutumée avec Manou nous allons au marché. Les étals reviennent peu à peu, ça sent presque la fin des vacances. Nous nous attardons sur le boulevard devant les galeries, la grande vitrine est nouvelle avec la collection automne-hiver. Une robe retient toute mon attention, je la montre à Manou.

....... Elle est belle celle-ci Manou en lainage avec sa ceinture vernis.

........ Oui ma poupée, et fine comme tu es, elle devrait être encore plus belle sur toi.

Je souris à ma grand-mère ... Tu crois ? Tu vas me rendre prétentieuse.

....... Non ma poupée, ce n’est pas ton genre d’être hautaine. Viens essaie-là.

....... Elle est jolie manou, mais un peu chère.

..... Je voudrais te l’offrir.

...... Non Manou, garde tes sous, j’ai bien assez de vêtements

...... Fais-moi plaisir et accepte, donne-moi la possibilité de te remercier de ta gentillesse

En sortant de la cabine d’essayage, manou s’exclame ......... Magnifique ma chérie, franchement très belle. Elle te va à ravir.

La vendeuse appuie les dire de ma grand-mère et me tend une jolie ceinture ........ Vous voulez essayer avec la ceinture

Je prends la ceinture et la remercie. Je la passe autour de ma taille.

..... Non je préfère sans.

Je lui rends la ceinture et me tourne vers manou.
..... Prends-là ma puce, elle est faite pour toi.

Je dépose une petite bise sur la joue de ma grand-mère et retourne en cabine m’habiller. Je tends la robe à la vendeuse

Dimanche j’invite Manou au petit restaurant italien en bas du boulevard qui fait de savoureux ravioles frais nappés de crème au basilic.

Sans nouvelles de la direction, je retrouve avec plaisir mes copines du secrétariat.

Nous faisons la pause-café du milieu de matinée, le téléphone d’Evelyne se fait entendre. Elle va décrocher.

Nous la voyons faire oui de la tête tout en parlant, mais nous n’entendons pas la conversation. Elle raccroche et revient parmi nous.
... Mélissandre tu es convoquée chez le directeur.

Je finis mon café, pose ma tasse et en souriant annonce ........ Bon les filles, je crois que je vais changer de rue.

 Chantal ........ Ah bon, oh mince alors !

Sabine ........ Hé tu oublies Aurélie qui revient demain

Sylvie........ Tu parles, quand elle va voir que sa copine Mokopaldi n’est plus là, elle va .........
Evelyne ne la laisse pas finir et intervient mécontente ............ Elle ne va rien du tout, parce que si elle pose le moindre problème je la balance.

Sylvie à une moue dubitative. Je les laisse et monte.

Monsieur Duval me reçoit tout sourire, il se lève à mon entrée et me serre la main. Je lui trouve bonne mine. Un peu hâlé

Tout en gardant ma main dans la sienne, avec ce grand sourire franc qui éclaire son visage, il me demande comment je vais

… Bien monsieur, je vous remercie.

… Nous venons de recevoir un appel téléphonique, Madame Germain est en arrêt, son fils à la rougeole, pourriez-vous la remplacer quelques jours ?

  ........ Oui bien sûr.

  ........ Jusqu’à la fin de semaine je pense

......... D’accord monsieur.

Je réponds tout en cherchant qui est cette madame Germain.

 ......… Parfait, vous êtes une bonne petite.

Je lui souris. Dans le couloir je me demande où est-ce que je dois aller. Je descends chercher mes affaires et dire au revoir à mes copines, décidée à demander à ma cousine, je passe par le standard.

Lise est au téléphone, j’attends qu’elle raccroche.
.....… Tu fais quoi l’intello ?

.....… Heu c’est qui madame Germain ?

......… Bah c’est Ghyslaine.

J’ouvre tout grand mes yeux, et éclate de rire, je lui explique que je dois la remplacer jusqu’à vendredi. A son tour, elle rit de bon cœur.  
Je suis trop contente de retourner même peu de temps avec ma cousine

Mercredi je demande à Lison si elle a des nouvelles de Ghyslaine.
......... Non pas du tout, je ne sais même pas quand elle rentre.

........ De tout façon je suis là jusqu’à vendredi normalement

Elle rit ........ Ouais sauf si elle attrape aussi la rougeole

Le lendemain dans la matinée, Lise me fait rire en voyant un type rentrer avec des sacs de courses.
.......... Ah bah l’apéro va être beau ce midi au service auto
Nous rions, quand Monsieur Jorelle se pointe devant nous, nous arrêtant dans nos éclats de rire.

Sans même un regard vers Lise, il s’adresse directement à moi, d’une voix tempérée

......… Mademoiselle Robin vous monterez me voir à 14 heures !

 ...... Oui monsieur.
Le cœur battant je le regarde prendre l’ascenseur. Je me sens pâlir. .....… Hé merde ! Qu’est-ce qu’il me veut ?

.....… Alors là je n’en sais rien.

....… Il va m’engueuler ?  

….... Mais non, il ne te ferait pas monter pour ça. Et puis moi aussi il m’aurait convoquée

........ Tu es une ancienne, je suis sous contrat

Ma matinée est gâchée, ma joie d’être avec ma Lison est envolée. Je m’interroge à savoir s’il peut me licencier parce que je riais. Après ce que j’ai vu, la manière qu’il a de virer les gens sans préavis, je me méfie.
Le midi j’ai un peu de mal à manger, une boule au ventre me coupe l’appétit. Lison avec son optimisme habituel me dit de ne pas m’en faire. Qu’il trouve peut-être inutile que je sois au standard comme la dernière fois.

Quatorze heures, je monte le cœur battant, l’estomac noué je frappe à la porte du patron.
«  Entrez »

J’ouvre la porte, monsieur Duval est présent, ça ne me rassure pas du tout. D’un ton sec Monsieur Jorelle m’ordonne de m’assoir.
Les deux hommes parlent de choses que je ne comprends pas, le directeur reste calme, le PDG à l’air songeur. Ses sourcils sont froncés.
Mr Duval ….... Tu ne peux pas savoir à l’avance !

Mr Jorelle ...… Evidemment, mais reconnais qu’il y aurait de quoi se poser des questions !

Mr Duval. ......... Qui se poserait des questions ? Essaie, je te dis !

Mr Jorelle ......... C’est une idée de ta sœur ?

Mr Duval sourit. ........ Pas spécialement. Une intuition tout simplement.

Je me tiens droite sur ma chaise, et attends qu’ils aient fini leur conversation. Monsieur Jorelle en appuyant sur le bouton de l’interphone commande d’une voix sèche trois cafés.
La petite souris grise arrive de la porte latérale avec son plateau, qu’elle pose sans un mot. Je remarque une tasse à l’écart des deux autres. Elle repart comme elle est venue, sans bruit.
Le PDG met un sucre dans une tasse et me la tend. Je croise son regard, en rougissant je le remercie. Il prend la tasse isolée et avale son café en deux gorgées

Mr Jorelle ...… Mademoiselle Robin, êtes-vous fiancée ?

Je le regarde rougissant de plus belle. Interloquée par cette question je fais non de la tête.

Mr Jorelle ....... Un petit ami ?

......... Non plus
Mr Jorelle ...… Bien ! Puis-je vous demander des heures supplémentaires ?

  ….... Oui bien sûr monsieur.

....… Parfait, demain soir je dois aller au théâtre, j’ai deux invitations, vous m’accompagnerez.

J’ai envie d’éclater de rire. Non mais il s’est pris pour qui ? Et si j’avais prévu quelque chose pour ma soirée ? D’un ton où perce l’ironie je lui réponds.
......… Et pourquoi moi ? Vous n’avez personne dans vos connaissances à inviter ?

Il esquisse un sourire ...… Cela vous ennuie ?

.....… Non, enfin je ne sais que vous répondre.

....… Vous n’avez rien de prévu pour votre soirée demain ?

.....… Non bien sûr !

.....… Parfait ! Habillez-vous en conséquence, nous partirons à 17 heures du bureau.

Une boule se forme dans ma gorge, suis-je en colère ?

Il me recommande en souriant ...… Pas un mot à votre cousine !

.....… Non bien sûr !

......… Merci mademoiselle Robin à demain.

Je me lève comprenant que l’entretien est fini. En descendant les escaliers, je prends mon temps pour réfléchir. Bon si ce sont des heures supplémentaires, ça me fera un petit plus à la fin du mois, ce n’est pas négligeable. Et puis des heures supplémentaires au théâtre c’est quand même super cool. En moi je souris, un petit battement plus rapide se fait dans ma poitrine.
Evidemment Lison me demande ce que me voulait le patron.
….... Non rien de spécial, savoir si ça allait dans les services que je fais.
Lison ….... Ah ok !

Je suis soulagée, elle ne m’en demande pas davantage. Lison est adorable, mais avec une pénible manie, elle veut toujours tout savoir. Comme elle est bavarde, je fais très attention à ce que je lui raconte pour éviter qu’elle colporte tout et n’importe quoi.
L’après-midi se passe entrecoupée de rires, par les fadaises de ma cousine.
Le soir je préviens de suite manou, qu’elle ne s’inquiète pas demain soir, je rentrerai assez tard, faisant des heures supplémentaires. Sans lui expliquer ni lui fournir la raison.

  … Ma poupée, tu travailles déjà beaucoup !

  … Non ce n’est pas fatigant, ne t’inquiète pas, et puis ça mettra une petite rallonge à mon salaire.

  ......… Je sais bien ma poupée que tu tires un peu le diable par la queue.

  ......… Mais non Manou, je m’en sors très bien, je compte même augmenter un peu la somme que je te donne.

 .....… Non ma poupée, ta participation est suffisante. Je ne veux pas davantage. 

...… Par contre Manou, tu n’en parles pas à Lison.

..... Non bien sûr pourquoi ?

....… Normalement ce n’est pas à moi de les faire, et Lison curieuse comme elle est, ne comprendrait pas.

....… Oui ma poupée ne t’inquiète pas !

J’embrasse ma grand-mère et vais me coucher. 

Lison s’étonne de me voir en beauté ce matin. J’ai mis un soin particulier à me préparer. Un brushing dompte mes cheveux ondulés. Ma large frange balaie mon front. Habillée d’une robe fourreau bleu, assortie de sa veste longue, chaussée de mes escarpins, je me sens à mon avantage, même si cet ensemble date de l’été dernier.

Lison ......… Bah tu vas où comme ça.
Je ris et réponds taquine.
......… Au théâtre.

Lison rit à son tour croyant à une blague. Elle ne posera pas plus de question, je détourne la conversation sur manou, et son anniversaire.

Peu avant dix-sept heures, alors que nous commençons à éteindre les postes téléphoniques, monsieur Jorelle demande à ma cousine de me prier de monter. Elle me fait la commission, je lui dis gentiment de ne pas m’attendre.

 ….... Bah tu en as pour longtemps ?

…... Justement je ne sais pas, alors pars, on se voit demain.

Nous nous embrassons, je prends mon sac ma veste, et monte au bureau, sentant le regard interrogatif de ma cousine

Discrètement je frappe à la porte du PDG

« Entrez »

Je m’avance timidement, il est seul assis à son bureau. Il me regarde de la tête aux pieds, je me sens rougir. Nos regards se croisent. Je crois y voir une lueur de satisfaction.

Mr Jorelle ….... Parfait, nous allons attendre un quart d’heure et nous partirons.

Je fais oui de la tête, impressionnée et intimidée.

….... Je vais vous faire signer votre contrat définitif avec un peu d’avance.

J’ai une palpitation qui m’arrive de plein fouet. Je vais signer un contrat, un contrat de travail définitif. Je n’en reviens pas. Je suis submergée par l’émotion, je ne sais que répondre. Pour moi c’est tout mon avenir qui se joue. Le sait -il ?

Mr Jorelle ........ Vos fonctions prendront effet le premier septembre. 

......... Oui monsieur.

Il pousse vers moi deux feuilles agrafées. D’une voix chaude que je ne lui connais pas, il lit l’autre exemplaire, les conditions de travail, le salaire qui est augmenté de 30 % et l’obligation des heures supplémentaires.

Je lis en même temps que lui. Deux points m’interpellent, je n’ose pas le couper dans sa lecture.

 ........ Avez-vous des questions ?

......... Heu oui monsieur, si je peux me permettre.

........ Je vous écoute !

....... Les heures supplémentaires

Mr Jorelle plonge son regard dans le mien, ce qui me fait rougir et accélérer mon pouls.

......... Cela vous pose un problème ?

... Non monsieur, mais c’est que ....

J’ai le cœur qui bat, ne va-t-il pas revenir sur sa parole de me faire signer ce contrat ? Il me sonde, je suis rouge pivoine, j’ai chaud, les mains moites.

D’une voix aux intonations chaudes, il me demande ce qui me dérange.

........ Je vais reprendre mes études, je ne veux et ne peux louper un cours monsieur.

........ Bien, nous aviserons selon vos études. A quelle cadence sont les cours ?

........ Généralement le premier vendredi de chaque mois, mais un professeur peut décaler 

........ C’est tout ?

........ Heu non, dans la case fonction il n’y a rien d’inscrit.

Mr Jorelle sourit ........ C’est intentionnel, nous remplirons cette case prochainement.

......... D’accord monsieur

Il sourit, me tend son stylo en or, je le prends en le remerciant. Nos doigts se touchent, je sens comme un coup d’électricité me parcourir. C’est la main tremblante que je paraphe la première page et signe la seconde. Monsieur Jorelle me tend le deuxième exemplaire que je signe aussi. Je pose son stylo sur le contrat.
Il paraphe d’un M-J, signe les deux exemplaires, m’en tend un que je plie soigneusement avant de le ranger dans mon sac

Il glisse le contrat dans un tiroir de son bureau qu’il ferme à clé, range son stylo dans la poche intérieure de sa veste.

Il regarde sa montre et se lève.
.....… Nous partons !

Je me lève à mon tour, il ouvre la porte du bureau et me laisse passer. Je le remercie.

Nous prenons l’ascenseur, il glisse une carte dans la fente au-dessus des boutons. L’ascenseur ferme ses portes et nous conduit directement en sous-sol. Nous nous retrouvons dans un parking ou une seule voiture est garée. Monsieur Jorelle de son bip déclenche l’ouverture du véhicule. Un petit signal se fait entendre.

Il ouvre la portière et attend que je m’installe sur le siège passager. La luxueuse voiture sent bon le cuir des sièges, mélangé à son eau de toilette. Mon pouls s’accélère.

Nous sortons du parking, et prenons les grands Boulevards de Paris. Je cherche le M représentant son prénom.

Michel ? .... Marc ? ... Maxime ? .... Martial ? ...... Martin ? Je souris en pensant à Maurice. Et pourquoi Henri sur sa porte ?

Il se gare devant un théâtre.

Tout en glissant sa main dans le bas de mes reins, il me conduit à l'intérieur du bâtiment. Dans ce grand hall des femmes, certaines en robes longues, des hommes au costume impeccable. Je me sens toute petite dans ce grand monde. Quelques couples viennent saluer Monsieur Jorelle, les hommes me sourient tandis que les femmes m'ignorent ou me regardent de la tête aux pieds.

Mr Jorelle, se glisse entre tous ces gens essayant d'éviter le plus possible les salutations. Il nous conduit vers une salle aux fauteuils garnis de velours rouges. Une jeune femme souriante attend, mon patron lui tend deux billets, elle nous conduit aux fauteuils où nous prenons place. J'ai le temps de remarquer que sur les deux premiers rangs, tous le sièges sont marqués "réservés"

Depuis le départ du bureau, monsieur Jorelle ne m'a pratiquement pas adressé la parole, sauf pour me demander en chemin, si tout allait bien. Il est resté très concentré sur sa conduite, ou peut-être dans ses pensées. De temps à autre je l'observais. Sa mâchoire puissante serrée, ses grandes mains posées sur le volant.

Mr Jorelle ......... Comment vous sentez-vous Mélissandre ? 

Me tournant vers lui, je remarque qu’il m’appelle par mon prénom. Mon cœur bat la chamade, je réponds que tout va bien.

Se penchant vers moi, il me murmure ........ Nous partirons dès l'entracte, je n'apprécie guère ce genre de spectacle à grand rabattage. Othello n'est pas ma tasse de thé !

Je ne sais pas quoi lui répondre, moi non plus je n'aime pas ce genre de pièce à moitié chantée ou je ne comprends pas le but. Je fais simplement oui de la tête.

La salle se remplie peu à peu dans un bruissement de robe et de chuchotement. Un couple âgé vient prendre place à ma droite.

Les lumières s'éteignent, un silence se fait. Je ne suis pas plus passionnée que ça, je connais cette histoire pour l'avoir lu en terminale. Desdémone et Othello chanté par des voix haut-perchées, je ne reconnais pas du tout la lecture qui m'avait pourtant passionnée.

Le rideau tombe pour un entracte. Des applaudissements crépitent de toute part dans la salle, machinalement j'applaudis Mr Jorelle se lève et me tend la main. En sentant mon cœur s’emballer je glisse ma main dans la sienne, je sens sa chaleur m’électriser. Nous remontons vers le fond de la salle rapidement, de retour dans le hall, il me demande si je désire boire quelque chose au bar. Je refuse. Mon estomac commence à donner de signes de faim. 

Mr Jorelle ....... Voulez-vous que nous partions ? Allons dîner et je vous raccompagnerai ensuite.

........ Oui monsieur.

Adroitement il évite quelques couples qui se rapprochent de nous, un portier nous ouvre le battant menant à l'extérieur, Monsieur Jorelle me conduit à la voiture

La circulation est fluide, nous roulons une vingtaine de minutes, Nous sommes sortis de Paris, Monsieur Jorelle s'arrête devant un établissement qui semble luxueux. 

Le restaurant style vieux bistrot est chaleureux. Des petites tables recouvertes de nappes à carreaux, des banquettes de cuir bordeaux. Une lumière tamisée. Un jeune homme nous conduit à une table. Il y a quelques tables occupées. 

Le serveur tire légèrement la table, je prends place sur la banquette, tandis que mon patron me fait face dans un fauteuil. 

Le serveur ... Prendrez-vous un apéritif ? 

Mr Jorelle me regarde interrogatif, je refuse n'ayant pas trop l'habitude de boire de l'alcool. Il s'adresse au serveur et commande un jus de fruit et un whisky.

Le serveur repart, Mr Jorelle me dévisage, je rougis en baissant les yeux.

D’une voix douce et mélodieuse, pas du tout celle qu'il prend au travail il me demande si je rougis toujours ainsi ? 

Dans un murmure je réponds .... Heu je ne sais pas !

........ Vous êtes si ravissante Mélissandre.

Le serveur revient avec nos consommations et les menus. Je souffle intérieurement de soulagement, il m'évite de répondre. Mr Jorelle approche son verre du mien, jusqu'à le trinquer, et en souriant me regardant droit dans les yeux
......... A votre santé Mélissandre, et à une longue carrière à mes côtés !

Je lève un peu mon verre à la hauteur du sien, et murmure ....... Merci Monsieur.

Mr Jorelle ........ En dehors du bureau, appelez-moi Matthieu.

Je plonge mes yeux dans son regard gris-acier, des petites étoiles dansent, il sourit toujours. Je baisse mes yeux, intimidée.

Mr Jorelle engage une conversation anodine sur le travail, est-ce que je me plais, les divers services m'ont-ils appris la marche de la société ?

Je n’ose pas lui dire que j’ai trouvé une très mauvaise organisation. Je réponds le plus détendue possible. Nous sommes sur un terrain neutre. Nous parlons aussi de cette première partie au théâtre. Il m'avoue s'ennuyer fermement devant ce genre de spectacle, précisant qu'il préfère largement une comédie amusante dans un petit théâtre, ou la détente est assurée.

Nous échangeons nos goûts, lectures, cinémas musiques. Je m'aperçois que beaucoup d’affinités nous rapprochent. Finalement il n'est pas si inaccessible qu'il en paraît. En souriant intérieurement je me dis, bah il est humain tout compte fait.

Il me raccompagne chez Manou, tout en conversant. Devant la petite grille de ma grand-mère il me remercie gentiment, en me serrant la main cordialement.

Je monte les quelques marches, le cœur battant. Refermant la porte d'entrée, je le vois qui m'observe, de la main je lui fais un petit signe. Il me sourit en hochant la tête. J'attends que la voiture ne soit plus visible pour entrer et refermer doucement la porte.

A la salle d’eau je me démaquille et me brosse les dents. Manou est couchée, je ne fais pas de bruit. Il est pratiquement minuit. Nous avons trainé au restaurant. J’ai même ri de bon cœur, à l’humour de mon patron en lui répondant taquine.

Dans mon lit, je pense et repasse minute par minute cette soirée. Je finis par m’endormir.

Je retrouve ma cousine qui prépare le café

Mr Duval ........ Comment vont mes standardistes ?

Lise ......... Bah comme un vendredi hein

Mr Duval en souriant répond avec évidence......... Et c’est le week-end !

Ma cousine sourit ........ Ouais c’est chouette hein ?

  ......... Des projets pour ce week-end mademoiselle Dumont ?

........ Ah ouais, je vais me reposer

  ......... Je vais vous retrouver lundi en pleine forme alors !

 .......... Oh bah on pourrait inverser la tendance, venir le week-end et se reposer le reste du temps.
Le DRH sourit ........ Mademoiselle Dumont, vous vous ennuieriez à la longue. Vous n’avez pas l’âge de la retraite.

 ........ Ah si seulement

......... Ts-Ts-Ts Voyons, vous êtes toute jeune !

........ Ouais et plus qu’une semaine, et je suis en vacances.

Mr Duval ......... Et bien c’est parfait alors !

Il sourit et m’invite à le suivre. Ça y est je pars dans un service, c’est sûr. Zut ! Il aurait pu me laisser aujourd’hui pour le dernier jour de la semaine

Il ouvre la porte, s’efface pour me laisser entrer. Il pose sa mallette sur sa table de travail et l’ouvre. Il commande deux cafés par l’interphone

......... Asseyez-vous mon petit. Comment allez -vous ?

.......... Bien monsieur je vous remercie.

Il attend la petite souris grise et son plateau, alors qu’elle repart, il lui demande de fermer la porte. Il me tend une tasse en souriant. Je le remercie. Il pousse le plateau sur le côté et déplie un journal.
......... Alors mademoiselle Robin, nous faisons la une des journaux ?

Je pose ma tasse brulante et le regarde sans comprendre. Il tourne le journal vers moi. Et là, je n’en crois pas mes yeux.

Une photo A4 prend, la moitié de la feuille, Monsieur Jorelle et moi, dans la salle du théâtre, au moment où nous sortons à l’entracte, alors que mon patron me serre contre lui pour nous faufiler vers la sortie.

« Le PDG des établissements Cathenry à la première d’Othello. Qui est cette belle inconnue ? »

Un article de quelques lignes sous la photo que je ne lis même pas. Mon cœur loupe un battement, je me sens devenir livide. Je n’arrive pas à détacher mes yeux du journal.

Mr Duval ........ Ne vous inquiétez pas, ce ne sont que des ragots de journalistes en mal de sensation. Notre PDG les intrigue.

Je ne réponds pas, j’ai la bouche pâteuse, les mains glacées. Je demande la permission de redescendre.

........ Oui mon petit, lundi vous êtes au département automobile chez monsieur Aimeriau

Je fais oui de la tête, et sors, les jambes tremblantes. Je vais aux lavabos me rafraichir, mon double dans la glace est d’une pâleur extrême. J’essaie de reprendre mes esprits avant de rejoindre ma cousine.

Je prie pour que les téléphones ne s’arrêtent pas de sonner, je sais, je sens que Lise va me questionner sans fin.

Elle est en communication, elle me regarde en fronçant les sourcils et du menton me demande ce que j’ai, de la tête je fais non.

Je me sers un café, je ne l’ai pas bu là-haut. Je prends le temps de le boire, et appuie sur la touche qui clignote. Je me mets au travail.

Vers onze heures les lignes se calment un peu. Lise me demande ce qui se passe.

........ Rien pourquoi ?

 ....... Tu étais toute blanche en descendant tu t’es faite engueulée ?

........ Ah non pas du tout.

....... Il voulait quoi Duval ?

......... Me dire que lundi je suis au service département automobile

 ......... Ah bon, bah il ne pouvait pas te le dire là ? Il est obligé de te faire monter ?

........ Je ne sais pas, on parle un peu des autres services.

......... Ah ok.

Je suis soulagée, de m’en tirer à si bon compte, elle ne pose pas plus de questions et oriente la conversation sur le retour de vacances de ses parents, me disant qu’ils viennent chez Manou ce week-end.

A midi, Lise enclenche le répondeur de la société, nous nous apprêtons à partir manger quand monsieur Duval et monsieur Jorelle sortent de l’ascenseur. Le PDG s’approche du comptoir et me regarde profondément.

... Miss Robin, I am sincerely sorry for the article in the newspaper    (Mademoiselle Robin, je suis sincèrement désolé pour l’article du journal) 

Je croise son regard et fataliste hausse les épaules. …..… You are not for nothing sir.         (Vous n’y êtes pour rien Monsieur)

Il me sourit …… What can I do to repair?                 (Que puis-je faire pour réparer ?)

Je lui rends son sourire et taquine je réponds ….... Not much sir, I’m afraid         (Pas grand-chose monsieur, je le crains)

Will I have the opportunity to invite you back?          (Aurais-je la possibilité de vous inviter de nouveau ?)

If it’s part of my job, of course Sir                    (Si cela fait partie de mon travail bien sûr monsieur)

Taquin il demande ……. Only ?                                 (Seulement ?)

Je rougis sans répondre

… Thank you charming Mélissandre                       (Merci charmante Mélissandre)

 Il me fait un sourire charmeur. Je sens mon cœur s’emballer.

Lise est restée la bouche ouverte, essayant de suivre notre dialogue.

A table elle me demande ce que me voulait Jorelle

Je hausse les épaules d’un air détaché, que je n’ai pas du tout ......... Rien de spécial.

........ Ah bon, bah pourquoi il parle anglais ?

........ Je n’en sais rien, c’est souvent qu’il me parle en anglais.

........ Ah bon mais pourquoi ?

Elle commence à m’agacer, et je réponds sèchement. ......... Ecoute Elise je n’en sais rien, tu n’auras qu’à lui demander.

........ Oh bah ça va, ne monte pas sur tes grands chevaux l’intello

......... Je ne monte pas sur mes grands chevaux, mais Lise tu me poses des questions et je n’ai pas de réponses.

........ Ok, ok, je ne demanderai plus rien. Mais bon c’est bizarre !

Je ne relève pas et finis ma crème caramel à contre cœur, je ne veux pas me disputer avec ma cousine. En repartant je glisse mon bras sous le sien et l’entraine simulant une bonne humeur que je n’ai pas.
L’après-midi se traine, Lise boude à moitié et je n’ai pas envie de parler de futilités. 

Le soir, je raconte à Manou le journal, le PDG et Lise. Elle me dit de ne pas m’en faire, que mon patron doit être un homme très bien pour venir s’excuser. En riant, elle me souligne que ma cousine a toujours été une petite fouineuse.
Manou me fais sourire, je commence à me détendre.

Je laisse ma grand-mère à sa télévision.

Je me connecte sur la fenêtre de Lise et lui envoie un coucou.  Sur le portail de la Fac, j’entre mes identifiants et enregistre mon inscription. Je tape les numéros de ma carte bleue.
Une fenêtre s’ouvre indiquant mon paiement. Je vais sur l’année de mon cursus, imprime le calendrier des cours et regarde la liste des bouquins à se procurer

Sur le site de cette grande librairie au centre de Paris, je cherche les références des livres, enregistre ma commande et tape une nouvelle fois les numéros de ma carte bleue.
Je souris en pensant que j’ai bien allégé mon compte en banque, tout en étant contente de ne pas avoir à calculer un bout de chandelle. Mes moyens me permettent de ne pas faire d’impasse sur une fourniture
Je ferme mes fenêtres et clic sur le petit rectangle bleu m’indiquant que Lise a répondu I

Nous échangeons une bonne heure, j’évite les sujets qui pourrait faire monter la pression.

Ce week-end risque d’être aussi calme que le précédent. La famille me manque, les rires et les discussions aussi. De plus j’ai hâte de reprendre mes études, de me plonger dans mes bouquins, d’apprendre toujours plus.

Samedi matin, je vais au marché avec Manou, selon notre rituel. A la boulangerie je prends deux éclairs au chocolat et la baguette de pain, pas trop cuite comme Manou l’aime. Nous rentrons tranquillement. Je dispose les fruits dans la coupe, quand la cloche de la grille retentit, n’attendant personne, nous allons ensemble ouvrir la porte d’entrée.

Mon père fini de monter les marches. Il est bronzé et à l’air en forme. Un grand sourire éclaire son visage.

.... Je suis rentré hier après-midi, je viens vous porter quelques souvenirs.
Manou .... Bonjour Bernard, votre visite fait plaisir.

Manou offre l’apéritif à papa, il nous tend un paquet cadeau à chacune.  Fébrilement j’ouvre le mien, à l’intérieur un magnifique sous-main en cuir marron clair garni d’un liseré doré. J’embrasse tendrement mon père en le remerciant.
Manou a un très joli châle en laine, tricoté main.

.... Oh Bernard, il est magnifique, je vous remercie
Elle se lève et embrasse mon père qui sourit.

Papa ... Que diriez-vous d’aller déjeuner sur les bords de Marne

Manou ... Ce serait avec grand plaisir. Je vais me préparer.
Prestement Manou enlève sa blouse qu’elle garde toujours à la maison, va se donner un coup de peigne et enfile ses chaussures.

Je ramasse les papiers éparpillés et les mets à la poubelle, j’emmène mon sous-main sur mon bureau.
Au cours du repas, papa nous apprend qu’il est allé rendre visite à des amis en Espagne. Après manger nous allons nous promener, il fait très beau presque trop chaud en cette fin août. Mon père nous raccompagne en fin d’après-midi.

Je prends un bouquin et vais m’allonger sur l’herbe. Je finis par somnoler. Manou viendra me réveiller pratiquement à l’heure du diner. Je passe la soirée avec elle devant un film à l’eau de rose retraçant la vie amoureuse d’une fille de la noblesse et d’un jardinier.

Dans mon lit, je passe et repasse dans ma tête les amis de mon père, je n’en connais aucun en Espagne. Je conclus qu’il était peut-être avec des collègues.
Dimanche matin, je fais un peu de ménage dans le salon pendant que Manou trie des revues de crochet. Nous attendons la visite de Lise et ses parents.

Ils viennent sans ma cousine, et à leur tour nous offrent des souvenirs. Pour Manou de jolis essuie-mains en éponge blanche bordée d’un galon marron. Deux petites oies picorent. J’ai un joli mug avec une vue de Sarlat. Nous les remercions en les embrassant.

Ils ne partent pas tard, lundi tout le monde travaille et tata veut ranger les valises.

7 août 2000

La colère du patron

Pendant que Lise prépare le café, je mets les téléphones en route. Les employés sont peu nombreux en ce début août.

Tout en buvant notre café, Lise me demande ce que j’ai fait ce week-end. Je lui raconte le marché samedi matin et les bords de Marne dimanche après-midi avec mon père

... Bah ça va tu fais des trucs quand même

... Comment ça ?

... Bah tu sors

Je ris ... Oui avec manou et mon père. Pourquoi ?

... Bah tu profites bien de manou.

Un téléphone sonne, m’empêchant de répondre.

Je la trouve de mauvaise humeur. Elle raccroche, j’en profite pour lui demander ce qu’elle a

... Non rien, je suis nase, je n’ai pas beaucoup dormi ce week-end, je suis sortie

... Toi aussi tu sors alors !

... Bah évidemment tu crois quoi ? Que je reste confinée dans ma chambre ?

Je la regarde sans bien comprendre ce qu’elle veut sous-entendre. Je n’insiste pas.

La matinée passée, je me rends compte que nous n’avons pas vu le DRH. Je le suppose en congés. Un petit serrement me prend. J’apprécie beaucoup cet homme. Dommage, il va me manquer le temps que je sois au standard.

Mardi matin mon pouls fait un bond, je suis contente, Monsieur Duval est là, aimable et souriant comme toujours. Il nous salue et nous demande comment nous allons.
Lison … Ben doucement hein, il fait chaud !

Le DRH sourit et demande narquois. ........ Normal à cette époque non ?

 Lise montre sa mauvaise humeur. ....... Evidemment, sauf qu’ici ce n’est pas tenable

........ Baissez le store !

......... Et alors ça changera quoi ?

Le DRH ne se départi pas de son sourire. ........ Voudriez-vous un ventilateur mademoiselle Dumont ?

Mi-figue mi-raisin elle riposte. ........ Bah ça ne serait pas du luxe !

....… Je vous sens en forme mademoiselle Dumont !

Ma cousine insolente répond … Ouais on va dire ça comme ça. Vous ça va tranquille, vous avez la clim là-haut !

Il devient moqueur. ....… Le privilège d’être en étage mademoiselle Dumont

Je regarde ma cousine en biais, le toupet qu’elle a vis-à-vis de son supérieur me coupe le souffle. Le DRH me regarde, il n’a pas l’air de s’offusquer et répond ironique

......... Je vais soumettre votre idée au PDG.

La voix directoriale s’élève dans le hall.
........ Quelle idée mon cher Patrick ?

Mr Duval fait un franc sourire au PDG en lui serrant la main. ........ Mademoiselle Dumont sollicite de la direction la climatisation ou à défaut un ventilateur.

Je regarde ma cousine qui a rougit.

Le PDG ........ Mademoiselle Dumont, agitez-vous moins, vous aurez moins chaud !

Lise insolente ......... Ah c’est malin !

Le PDG fronce les sourcils, la voix sèche claque dans le hall. ......... Pardon ?

Lise ........ Rien !

Le PDG sans se départir de son ton autoritaire. ....... Je préfère !

Il se tourne vers moi ........ Have you got hot miss Robin?                  (Avez-vous chaud mademoiselle Robin ?)

Malgré moi je souris ........ It’s bearable sir      (C’est supportable monsieur)

........ I do not want you to be confined to the standard, I wat you to turn in society

 (Je ne souhaite pas que vous soyez cantonnée au standard, je veux que vous tourniez dans la société)

 ........ Yes sir                          (oui monsieur)

........ Take your things and follow me               (Prenez vos affaires et suivez-moi)

Je me lève, prends mon sac et fais le tour du comptoir.
Lise ........ Bah tu vas où ?

Je lui souris ......... Je change de rue.

Lise ........ Mais monsieur Duval je vais être seule ?

Le PDG ....... Votre collègue revient demain ! Une journée vous pensez vous en sortir sans avoir trop chaud ?

Il parle ironiquement, Lise baragouine quelque chose que je ne comprends pas, le PDG me fait monter dans l’ascenseur, je me mets dans le coin reculé.

…… Elle a un toupet celle-ci !

Monsieur Duval sourit ……… C’est mademoiselle Dumont !

Arrivés au troisième, monsieur Duval se pousse pour que je sorte. Je les attends et suis le Président, il ouvre la porte et me laisser entrer. Il me prie de m’assoir, décroche son téléphone, et compose un numéro

........ Passez-moi Mokopaldi

........

........ Evidemment ! Je vous envoie mademoiselle Robin.

........

Il raccroche légèrement, agacé. Je vois ses sourcils se froncer.

........ Vous êtes attendue, premier étage, 3e porte de droite.

......... Bien monsieur.
Je descends à pied et vais frapper à la porte du bureau, sans réponse je frappe à la porte d’à côté et attends quelques secondes. Une fille, un broc de cafetière à la main.

... Bonjour vous cherchez quelque chose ?

... Bonjour je suis au secrétariat ?

... Oui !

....... Je suis mademoiselle Robin.

......... Ah oui, entrez

Elle se tourne et appelle une collègue ......... Evelyne c’est mademoiselle Robin.

La fameuse Evelyne vient à ma rencontre, me serre la main avec un grand sourire.
........ Bienvenue parmi nous.

Je me sens rassérénée par cet accueil. Elle me montre une place

........ Prends ce bureau, Aurélie est absente deux semaines, je pense que tu viens la remplacer.

........ Certainement, oui

Je pose mon sac sur la table et m’assois. Je sais donc que je vais rester deux semaines. Les filles continuent de papoter, elles me proposent un café que j’accepte avec plaisir.

Au bout d'un bon quart d'heure celle qui m'a reçue, dépose une corbeille avec des chemises cartonnées sur ma table, et me dis tout en prenant un dossier.
... Voilà c’est classé par mois, dans cette grille tu tapes le nom, et tu pointes les présences et les absences, sur cette colonne tu marques le nombre de jours mensuels et à côté dans celle-ci, la raison, alors pour vacances, tu mets C.A pour les arrêts maladie AM, pour les stages ST, voilà ce n’est pas trop compliqué tu vois.

Tout en me parlant, elle me montre les colonnes et fini de m'expliquer qu'en bas il faut noter le nombre de jours par colonne, s'il n'y a rien on met 0.

Je fais oui de la tête, fouille dans mon sac à la recherche de mon stylo et commence le travail.

Au début je tâtonne. L’après-midi j’ai pris le rythme et avance rapidement.

Ce matin je suis contente de partir au travail, l’ambiance est super et les filles vraiment agréables. Nous travaillons dans un climat détendu.

Je rejoins ma cousine et Ghyslaine au standard pour déjeuner. Nous parlons un peu de ce nouveau poste. Lise me prévient de me méfier de la responsable du bureau.

.... Elle fait des grands sourires mais très hypocritement, téléphone à la direction au moindre truc.

Je la remercie et lui promets de me tenir sur mes gardes, malgré tout j’ajoute

... Pourtant elle a l’air vraiment gentille, elle travaille même avec nous.

Ghyslaine me regarde étonnée et me demande de lui décrire la responsable de bureau.

... Un peu plus petite que moi, brune une coupe au carré.

Ghyslaine ... Tu parles d’Evelyne Legal !

Moi ... Oui c’est ça, c’est elle qui m’a reçue.

Lise ... Non la chef est un vrai mec

A mon tour je lui dis qu'elle n'était pas là hier ni ce matin. Ghyslaine hausse les épaules, et répond, qu'elle fait ce qu'elle veut, avant d’ajouter. ....... A moins qu’elle soit en vacances, ce qui serait très bien pour toi.

.... Je ne sais pas du tout.

Lise ... En tout cas fait attention c’est une véritable peau de vache.

L’après-midi se passe tout aussi tranquillement, j’avance à mon rythme mais suffisamment vite.

Le vendredi midi je fini ma huitième corbeille, la fille en face de moi me fait un grand sourire

... Oh ralenti, tu vas casser le rythme.

Je souris à mon tour.

Je rejoins les filles au standard. Nous décidons d’aller manger un grec.

En rentrant de déjeuner, une femme la quarantaine, plus masculine que féminine, se présente à moi, je pense tout de suite à ce que m’ont dit les filles. D'un ton sec et assez autoritaire.

........ Bonjour, je suis Madame Mokopaldi, ici c'est moi qui décide ce que fait qui et quoi. 

Je la regarde droit dans les yeux et aussi sèchement qu’elle je dis ........ Bonjour madame.

Mme Mokopaldi ....... Maintenant que les présentations sont faites, vous prendrez dans ce placard tous les dossiers de présentéisme et les archiverez. Il n'y a pas de temps pour bailler aux corneilles dans ce bureau. Vous croyez pouvoir faire une corbeille par semaine peut-être ? 

Je rougis de colère sous le regard des filles, mais pour qui elle m'a pris ? Je ne réponds pas à son sarcasme, lui tourne le dos et vais pour aller m'assoir, quand d'un geste brusque, elle m'attrape par le bras en serrant fort
Aucun bruit dans la pièce, les filles sont suspendues à mes lèvres.

..... Vous avez entendu ce que je vous ai dit ?

Je la toise et d’une voix sèche lui intime de me lâcher immédiatement

Mme Mokopaldi ........ Vous vous prenez pour qui ? Vous n'êtes qu'une jeune branleuse comme toutes les intérimaires qu'on m'envoie. Si ça ne vous plait pas vous pouvez partir !

Mon pouls s’accélère et d’un ton de colère froide en la toisant ........ Et vous, vous vous prenez pour qui ? Je suis ici comme vous pour travailler, pas pour me faire injurier. Je ne vous permets pas !

Mme Mokopaldi ........ Vous allez me parler autrement espèce de petite pisseuse

Mon sang ne fait qu’un tour........ Alors comprenons-nous bien, c’est vous qui allez me parler autrement, toute chef que vous êtes. Je ne suis pas plus une pisseuse ou une branleuse, que vous madame !

Un bruit sec retentit, ma joue d’un coup me brûle, je viens de recevoir une gifle magistrale. Je suis hors de moi, le cœur battant à tout rompre.

Elle tourne les talons et décroche un téléphone. Je vais chercher mon sac, range mes affaires et m’apprête à partir quand je l’entends hurler dans le téléphone

Elle .... Il est hors de question que je garde cette jeune incapable dans mon service, envoyez-moi une autre intérimaire !

.....

Les filles commencent à murmurer, certaines s'indignent du comportement de cette vipère.

Mes affaires sous le bras, je m’apprête à monter voir le DRH.

Elle raccroche le téléphone d'un geste brusque en s'adressant à la cantonade... Vous attendez quoi pour vous mettre au travail. Vous croyez être payées à regarder le plafond ? 

Se tournant vers moi de ce ton tranchant......... Et vous ? Vous attendez quoi ? Les archives ne vont pas se faire toute seule !

....... Mouchez-vous dedans, je m’en vais ! Vous êtes une malade, il faut vous faire soigner !

Je sors en claquant la porte plus fort que je ne l'aurais voulu. Je suis outrée, on ne l'a pas vue de la semaine, elle ne me connaît de nulle part et se permet de me juger, de juger mon travail de m’insulter et pour finir me gifle.

Mes larmes brouillent mes yeux, je respire un grand coup et monte voir le DRH qui j’en suis sûre va me signifier mon licenciement. Tant pis, je ne peux pas accepter de me faire gifler par une collègue ou une chef.

Je passe par les toilettes pour me moucher et essuyer mes yeux. Je nettoie les traces de maquillage qui ont coulées. Ma joue est rouge, les doigts ont cinglé.

Les mains glacées, une boule au ventre et la rage au cœur, je frappe à la porte de Monsieur Duval  

Mr Duval ... Avancez mon petit, asseyez-vous. Voulez-vous un café, je vois que vous en avez besoin.

La gorge serrée, j'essaie de déglutir, pendant qu'il commande le café à travers l'interphone. Quelques secondes de silence, je triture mes doigts, la tête baissée, les larmes perlent au bord de mes yeux. J'essaie de respirer à fond. Je sens le regard de Monsieur Duval sur moi. La secrétaire apporte le plateau sans un mot, le pose sur le bureau et ressort.

Mr Duval ... Allez mon petit, buvez votre café, séchez vos larmes et racontez-moi tout.

Je bois le breuvage bouillant à petites gorgées, que lui dire ? C’est la parole d’une ancienne contre moi. Je ne sais pas comment m'en sortir, quand d'un coup la porte s'ouvre sur le PDG. Mon cœur repart à mille à l'heure. Alors là je suis cuite, il va me virer sur le champ.

 ....... Président, le problème est plus grave !

Le directeur fait un signe de tête au président en direction de ma joue. Monsieur Jorelle en chemise, s’assoit sur la chaise à côté de moi, d’un geste délicat il relève mon menton, ses yeux se sont assombris, il me dévisage et s’attarde sur ma joue marquée de cinq doigts. Il lâche mon regard, se lève, passe la tête par la porte de communication et demande un café. Debout, les mains dans les poches, il me demande à son tour, ce qui s'est passé.

J'hésite, je trébuche sur les mots, et d'un coup je lâche la pression et débite d'un trait notre altercation.

Mr Jorelle s’adressant au directeur, lui demande de faire monter madame Legal.

Evelyne la fille qui m'a reçue gentiment, est là présente devant nous. Quelle va être son attitude ? Va -t-elle prendre le parti de sa cheffe et mentir pour ne pas être ennuyée par la suite ?

  ... Bah voilà Messieurs, mademoiselle s'est mise au travail sans problème. Elle a vite compris, j'ai vérifié tout était impeccable. Elle est rapide et consciencieuse.
Elle raconte dans le menu détail la venue de la cheffe cet après-midi quand Monsieur Jorelle l'interrompt.

.... Mokopaldi était où ce matin ? 

Evelyne ... Absente monsieur.

... Et hier ?

... Absente monsieur

... Depuis quand elle est absente ?

... Depuis vendredi dernier, nous pensions qu’elle était en vacances.

Le PDG demande au DRH, s'il a signé une feuille d’autorisation d’absence. Ce dernier répond par la négative.

Mr Jorelle .... Continuez !

Son ton froid paralyse quelque peu notre conteuse, qui a du mal à reprendre les explications.

Elle confirme que la responsable de bureau est rarement présente le matin, part souvent dans le milieu d’après-midi sans explication. Que quand elle est là, elle aboie sur tout le monde et sème la terreur sur les nouvelles, d’où le fait que les intérimaires ne restent pas.

Le PDG décroche le téléphone, et tout en faisant signe à la jeune femme que l'entretien est terminé, il demande que Mokopaldi monte au bureau.

En attendant qu'elle se présente, Monsieur Jorelle d'un ton froid s'adresse au directeur ... Le ménage va continuer !

Monsieur Duval me sourit comme pour me réconforter. Je sais que je suis livide

On entend frapper, sans que quiconque ne dise d’entrer, la porte s’ouvre sur Mokopaldi très sûre d'elle. Elle salue les deux hommes et de sa voix rauque

.... Vous voulez me voir ? 

Mr Jorelle .... Que s'est-il passé ce matin ? 

Madame Mokopaldi ... Ce matin ? Rien de spécial pourquoi ? 

Monsieur Jorelle dans un mouvement d'humeur, lui répond sèchement que c'est lui qui pose les questions. Elle radoucit son ton et lui demande ce qu'il veut savoir exactement.

Mr Jorelle ... Je parle français non ? Où étiez- vous ce matin ? 

Sans se démonter, elle répond ...J'étais absente.

Mr Jorelle...  Hier ?  

Elle commence à se sentir mal et pâlit sans répondre. Le PDG d'un ton sec tout en la dévisageant froidement

... J'attends vos explications !

Mme Mokopaldi ... J'étais absente mais j'allais faire ma feuille.

Mr Jorelle ....... Dans le sens où vos absences sont à répétition, que vous faites la pluie et le beau temps, vous pouvez rassembler vos affaires et sortir de cette entreprise. Je vous ai envoyé cette jeune femme, qui n’est pas une intérimaire. Vous savez celles que vous exécrez au plus haut point ! 

D'une voix tremblante, elle regarde le Président ....... Monsieur vous ne pouvez pas me renvoyer comme ça. Depuis 10 ans que je travaille ici.

Mr Jorelle ....... Les temps changent, et ce ne seront certainement pas les employés qui feront la loi sous mes ordres ! Nous savons comment vous êtes arrivée ici, n'est-ce pas ! C'est moi le patron, votre mécène ne fait partie ni du personnel ni de la direction !

Pâle, elle ressort du bureau, en claquant la porte.

Je me lève, contrariée qu'une employée perde sa place à cause de moi. Je vais pour partir, quand le PDG de sa voix qui glace m'ordonne de me rassoir.

... Je ne vous ai pas dit de bouger !

Mon pouls s'accélère, je ne réponds pas, croisant le gentil regard de Monsieur Duval.

Mr Jorelle ... Parfait une bonne chose de faite... Et de neuf !
Mr Duval ... Les commentaires vont aller bon train.

Mr Jorelle .... Que ça puisse circuler dans les couloirs, je n’en ai que faire, et ce n’est qu’un début. Donne-lui son lundi en JD !

Il sort du bureau, monsieur Duval me fait signer une feuille de congés pour lundi.

... Allez mon petit, ne vous en faites pas.

Je me détends un peu, signe la feuille et la tends au directeur, la porte s’ouvre sur le PDG, il a enfilé sa veste.

Mr Jorelle ... Mademoiselle Robin, descendons !

De son pas allongé Monsieur Jorelle me conduit au secrétariat, sans un mot. Je presse le pas pour rester à sa hauteur. Il ouvre la porte d’un coup sec, sans frapper. Madame Mokopaldi assise à son bureau, raccroche le téléphone à notre entrée. Il n’y a pas un bruit dans la pièce.
Mr Jorelle d’un ton froid ........... N'auriez-vous pas compris ce que je vous ai dit ?  Vous avez trente secondes pour rassembler vos affaires.
Elle se lève et commence à vider son bureau, en me jetant un regard haineux. Les filles sont penchées sur leur table de travail. On sent comme un malaise planer dans cette ambiance feutrée, ou juste le crissement du crayon sur le papier, et le bruit des touches de claviers indiquent qu'il y a du mouvement.
Monsieur Jorelle attire l’attention des filles et de cette voix autoritaire annonce à la cantonade

......... Dans le sens où je trouve inadmissible de profiter de son pouvoir de responsable de bureau pour s’absenter au frais de la société, d'user et d'abuser de son statut pour malmener ses collègues, sachez que Mokopaldi est licenciée sur le champ. Madame Legal prendra sa place. Même si je suis souvent absent de la société, je suis au courant de tout ce qui s'y passe. Il y a un règlement à respecter. Si certaines d'entre vous ne sont pas d'accord, la porte est grande ouverte.

Se tournant vers moi .... Mademoiselle Robin restera avec vous le temps que je le jugerai nécessaire !

Il ressort comme il est entré. Je suis dans mes petits souliers personne ne dit rien. Le cœur battant j'essaie de capter le regard de quelqu’un. Evelyne me sourit, l'air de dire ne t'inquiète pas.
Au bout de longues minutes, enfin l’autre quitte le bureau sans un mot, personne ne lui dit au revoir. Je respire un peu. Une jeune femme, la trentaine me sourit et me dit.
........ Ah ben la nouvelle, tu n'as pas froid aux yeux, on aime ça ! Tu nous as enfin débarrassé de cette vieille lesbienne.

Une autre ........ Bon on s'en fou de sa vie, mais c'est vrai qu'ici c'était l'enfer.

Evelyne ........ Allez les filles, ne soyons pas mauvaise langue, elle part c'est bien, restons unies comme avant.
Quelques-unes répondent par l'affirmatif.  D'autres sourient. Christèle demande qui fait le café. Je me propose d'emblée.

Elle me demande mon prénom

.... Mélissandre.

... Oh dis-donc tu as un super joli prénom. 

... Merci

Les filles rient, j'empoigne le bocal de la cafetière et vais chercher de l'eau. Heureuse de rester dans ce service sans cette peau de vache. L’après-midi est détendu, le travail se fait dans la bonne humeur.

La cloche de la grille fait retentir son grelot, je sors de la salle d’eau et ouvre la porte d’entrée. Lise et ses parents grimpent les quelques marches.

Dans la cuisine, Manou sert déjà le café. Après les embrassades, tonton nous prévient de suite qu’il y a du travail sur la planche.

Mon père toque à la porte et entre, vêtu d’un bermuda et d’un tee-shirt qui lui donnent un air plus jeune. Il est tout sourire en embrassant à son tour tout le monde 

Mon oncle attend que les effusions prennent fin et nous distribue à chacun nos tâches.
... Maman et Jacqueline, vous sortez de la cuisine. Les filles vous videz les placards, nous avons amené des cartons. J’ai quatre jours, c’est suffisant si on ne perd pas de temps
Mon père ... Je ne serai pas là lundi !

Tonton ... Ne t’inquiète pas Bernard, on devrait y arriver

Mon père ... Je viendrai lundi soir si vous ne partez pas trop tôt.

Tonton ... D’accord !

Tata ... Chéri mets le micro-onde et la cafetière dans la salle à manger.
Tonton ... A vos ordres princesse !

Tata ... Les filles donnez-moi les assiettes pour ce midi !

Je sors assiettes et verres, pendant que Lison s’occupe des couverts. Nous portons tout à la salle à manger.

Les deux femmes s’installent dans le jardin. Mon oncle et mon père mesurent les murs, Lise et moi vidons les placards dans des cartons que les hommes emmènent dans le salon au fur et à mesure

En une heure les placards sont vidés, les hommes nous font sortir de la cuisine. Nous allons dans ma chambre.

Assises en tailleur sur mon lit, nous papotons de ce qui s’est passé hier, le licenciement de Mokopaldi a fait le tour des couloirs. Lise médit sur cette femme, puis sur plusieurs employés, en des termes désagréables. J’essaie de la détourner de cette conversation qui me gêne, sans succès elle continue de baver sur les uns et les autres.

Tata nous appelle pour dresser le couvert, que nous installons sous le tilleul. Les hommes ont mis les meubles de cuisine dehors.
Tonton ... Les filles cet après-midi vous dégraissez les placards. J’ai amené de la lessive.

Après le déjeuner, nous nous attelons au nettoyage des meubles. Sur la table de jardin tata et Manou font la vaisselle dans une cuvette.
Manou ........  Ça vous donne du mal tous ces travaux.

Tata .......... Mais non ! Ne vous en faites donc pas.
Manou ......... Vous êtes tellement tous si gentils.

Tata ... Allez, allez c’est normal.

Avec Lison nous rions et chahutons, nous nous aspergeons au tuyau d’arrosage en rinçant les meubles

Tonton attiré par nos cris vient voir ce qui se passe. Il prend sa grosse voix pour nous sermonner.

.......... Mais les filles ce n’est pas possible !

Lise ........ Mais papa il fait chaud.

Tonton ....... Chérie tu ne vois pas ta fille ?

Tata ........ Que veux-tu que je te dise ? Tu la connais !

Mon père sur les talons de mon oncle, sourit de me voir m’amuser.

Tonton ......... Il lui a manqué des fessées à cette gamine.

Lise ... Rho tout de suite ! Regarde comme ça fait du bien

Lise fait semblant d’arroser son père, elle mouille le haut de son tee-shirt. D’un geste vif, Il attrape le tuyau qui se gondole, l’eau asperge mon père, qui le rattrape et éteint le robinet.
Ma cousine sous le bras de son père agite ses jambes en hurlant .... « Maman au secours »

Manou pleure de rire.

Tata ... Ah ma fille, celle-là tu l’as bien méritée.
Tonton met quelques claques à sa fille qui crie de plus belle. J’ai mal au ventre de rire, j’attrape le hoquet.

Il relâche sa fille et rit de bon cœur .... Tu as vu ton vieux père, il a encore la main leste.

Lise ronchonne ... Ouais allez c’est ça.

Tonton penche sa tête ......... Allez fais-moi un bisou terreur

Lise se pend au cou de son père et l’embrasse. Mon cœur se serre un peu, il y a tellement de complicité entre eux. Je regarde mon père qui me sourit tristement. Je crois qu’il a lu dans mes pensées.

Les hommes rentrent. Je propose à ma cousine de continuer pour être tranquille.

Nous nous remettons au travail. Avec de grands chiffons nous essuyons les meubles dans tous les recoins. Décapés ils sont ternes. Nous les mettons en plein soleil, pour qu’ils sèchent bien.

Le soir nous dinons tous ensembles. Tonton et tata s’attardent un peu, mon père reste. Lise demande à Manou si elle peut dormir là.

Manou ........ Mais bien sûr ma puce !

Elle se lève et embrasse notre grand-mère. Les hommes rentrent les placards pour ne pas qu’ils soient humides avec la rosée.

Au lit, nous parlons un peu, avant de nous endormir.

Les hommes et tata arrive à neuf heures, avec Lise nous nous préparons rapidement

Manou de son pas vif nous rejoint... Alors mes puces ? Bien dormi ?

Nous nous retournons ensemble et nous jetons dans ses bras en l’embrassant. Ma cousine me pousse

........ Hé laisse-moi la place, toi tu as Manou tous les jours.
En riant je la traite de jalouse. Sur la table, nous poussons les outils des hommes pour pouvoir poser nos bols.

Un café vite avalé, mon oncle nous met dehors 

Nous décidons toutes les quatre d’aller nous promener au marché

Je glisse mon bras sous celui de Lise, nous parlons tout en riant. La vie est belle, je me sens si bien. Je revis complètement.

Pour midi comme tata n’a pas eu le temps de préparer quelque chose, nous prenons un poulet rôti froid et au petit supermarché des chips et un camembert. Tata propose que nous achetions des assiettes en cartons et des gobelets jetables

Manou ........ Oui vous avez bien raison Patricia, ça nous évitera de faire la vaisselle dans une cuvette.

En rentrant nous installons le pique-nique dehors.

L’après-midi, papa muni d’un pistolet à peinture laque les meubles d’une couleur crème du plus bel effet.

Allongée dans l’herbe avec ma cousine, je mordille un brin d’herbe tout en l’écoutant

Lison .... Alors raconte pour la mère Mokopaldi

....... Bah tu es au courant, il n’y a rien d’autre à rajouter

Elle me demande à quel service je suis affectée demain.

Je souris et fais l’ignorante ... Demain ? Service cuisine

....... Comment ça service cuisine ?

........ Je ne travaille pas.
....... Comment tu ne travailles pas ? Tu as pris ta journée ?

....... Non c’est le PDG qui me l’a donné

....... Ouais ! Ouais ! Espèce de sorcière, t’as tapée dans l’œil du boss ou quoi ?

........ Oui bien sûr pourquoi ?

......... Fais gaffe, il est pour moi !

Elle arrache une poignée d’herbe et veut me l’écraser sur la figure, je roule sur le côté pour cacher mon visage en gloussant.

........ Espèce de chouchoute, non mais c’est quoi ça, tu fais le pont et moi le con.

........ Bah voilà !

Lise fait sa moue de petite fille ........ Mais je vais être toute seule.

Je ris ........ Heu toute seule, tu oublies un peu Ghyslaine

......... Non allez Méli dis-moi !

Je lui raconte les gros traits de mon altercation avec Mokopaldi et son licenciement pour absences répétées, passant sous silence la gifle. Lise me laisse parler jusqu’à la fin sans m’interrompre.

Elle gonfle ses joues et relâche l’air dans un soufflement ....... Hé bé il ne rigole pas Jorelle. Toute façon ça fera une garce en moins.

....... Oui enfin, ça fait mal de savoir que par ma faute, elle s’est faite virée.

......... Non pas par ta faute, de toute façon il vire les anciens à tour de bras. Ah je l’adore ce mec, il est trop top

Je pouffe de rire ......... Ah oui quand même.

......... Bah quand même quoi ? Et toi, tu ne touches pas t’as compris ?

Je ris ......... Ah non je ne touche pas.

......... Fais gaffe tu n’as pas intérêt de poser les yeux sur lui. Il est à moi !

....... Parce que tu crois qu’il va s’arrêter à toi

....... Bah et pourquoi pas ?

... Ouais, bon dis m’en un peu plus, pourquoi il vire spécialement les anciens ?

Nous échangeons sur ce sujet, ma cousine ne peut m’en apprendre davantage. Elle relate ce qu’elle sait et surtout ce qu’elle entend. Bavasse un peu sur untel ou une telle. Je ne pose pas davantage de question

En début de soirée, les hommes rentrent les meubles qui sont repeints et les rangent dans la salle à manger

Après diner tout le monde repart.  Mon père s’excuse de ne pouvoir être là le lendemain.

Tonton ........ Ne t’inquiète pas, je m’en sortirais bien

Papa ....... Je viens dès que possible

Tonton ........ D’accord, merci Bernard.

Les deux hommes s’embrassent comme des frères.

En allant préparer le petit déjeuner je marque un temps d’arrêt sur le pas de porte de la cuisine.
A la place du vieux revêtement mural une crédence gris clair, les murs sont complètement enduits, et repeints en une douce couleur, bleu très clair. Un plan de travail stratifié gris marbré remplace le carrelage marron. L’évier deux bacs avec un vide sauce au milieu vient en échange de l’évier en émail un bac, la vieille cuisinière à trois feux a disparue. Une plaque quatre feux est installée. Dessous un vide sans placard

Je suis en admiration. Manou arrive, émue elle me demande comment je trouve sa nouvelle cuisine.
.... C’est trop joli Manou, franchement tonton a bon goût.

Nous prenons notre petit déjeuner tout en papotant, jusqu’à l’arrivée de mon oncle

........ Salut les filles.

Manou rit ........ Eh bien mon fils, est-ce une manière de parler à ta vieille mère ?

Tonton la prend dans ses bras, elle parait d’un coup minuscule, il l’embrasse tendrement.

....... Ma petite mère, sache qu’avant tout, tu es une fille il me semble. Bon allez je te l’accorde une dame charmante.

Manou rit en le traitant de grand bêta.

Tonton ....... Ce n’est pas tout, j’ai du boulot moi !

Manou ......... Tu vas faire quoi ?

Tonton ... Je vais passer une deuxième couche de peinture, celle-ci me semble trop légère.

Manou ........ Mais tu vas tout salir.

Tonton ........ Mais non, ne t’inquiètes pas. Allez oust sortez de cette cuisine.

Je glisse mon bras sous celui de Manou et l’entraine vers le salon devant sa télé.

Je profite de ce temps libre, pour faire ma chambre à fond, je mets mes draps à la machine, passe l’aspirateur, fais les poussières et range ce qui traine.

Vers midi tonton nous propose d’aller manger à la pizzeria. Manou enlève sa blouse, nous partons.

Nous trainons à table, en prenant notre temps.

Deux heures plus tard, j’aide tonton à ranger tout le matériel, nous le portons soit dans la cave, en vue des prochains travaux soit dans le coffre de sa voiture. Nous enlevons l’adhésif de protection que tonton a posé avant de peindre, ainsi que la bâche qui recouvre tout le plan de travail, la plaque de cuisson et l’évier.

Vers cinq heures, mon oncle prend le temps de boire une bière, nous discutons tous les deux.

........ Comment ça va ton travail ma puce.
........ Bien tonton, je tourne dans la société, ça me fait voir d’autres horizons.
........ Pourquoi Lise se cantonne à son standard, et n’a pas plus d’ambition ?

....... Je ne sais pas tonton, elle n’a jamais été attirée par les études, mais elle a d’autres qualités.

Mon oncle me sourit et me fait une bise dans les cheveux ........ Tu es une gentille gamine.
Il pose sa canette. ........ Dis ma grande, te sens-tu capable de m’aider à accrocher les meubles ?

........ Oui bien sûr, si tu m’expliques.

Il prend un crayon, son mètre et son niveau et commence à faire de légers traits sur le mur.

....... Voilà nous allons présenter le meuble, et pendant que tu le tiens, je marque l’emplacement des réglettes.

........ D’accord !

Il m’aide à tenir le meuble le long du mur, le redresse et le plaque.

......... Tiens-le bien droit par les montants.
Je fais glisser mes mains en essayant de ne pas bouger le meuble que tonton tient fermement. Il place un niveau sur le dessus et à l’intérieur avec son crayon qu’il introduit dans le trou du fond du placard, il marque l’emplacement, et recommence de l’autre côté.
.......... C’est bon ma puce, nous allons le redescendre.
Doucement nous posons le meuble sur le plan de travail. Tonton à l’aide d’une perceuse, fais des trous aux marques de crayon. Alors qu’il repose son outil, on entend la sonnette. Je vais ouvrir à mon père.

Tonton ....... Ah tu tombes bien, je raccroche les meubles

Papa ........ Pile alors, je pose ma veste et j’arrive.

Il traverse le couloir et va dire bonjour à ma grand-mère qui s’est assoupie dans son fauteuil devant la télé.

Du coup, tonton n’a plus besoin de moi, je vais chercher mes draps dans le jardin et refait mon lit. Je rejoins Manou au salon, un verre de limonade à la main.

Sans vraiment regarder la télé, je pense à ce que tonton m’a dit, j’ai senti comme de l’amertume ou plutôt de la tristesse.

Le soir la cuisine est terminée. Les meubles accrochés.

Tonton ........ Voilà les filles plus qu’à remplir les placards.

Manou ........ Ne t’inquiète pas de ça mon grand. Je vous remercie beaucoup.

Tonton ........ En rentrant de vacances nous attaquerons le salon et la salle à manger.

Manou émue ne répond pas, elle fait juste oui de la tête.

Papa ......... Nous allons replacer le réfrigérateur Odette.

Tonton et mon père vont chercher le frigo que nous avions installé dans la salle à manger en attendant la fin des travaux. Je prends le four à micro-onde et le remet dans l’angle à son ancienne place.

Nous embrassons tonton, Manou le remercie encore une fois. Nous lui faisons coucou du haut des marches pendant qu’il démarre la voiture.

Papa ........ Je vais vous laisser

Manou ... D’accord Bernard, merci aussi à vous pour tout.

Mon père embrasse ma grand-mère. Nous nous retrouvons toutes les deux, d’un coup la maison est très calme.

........ Manou, tu veux qu’on range maintenant ?

........ Ma poupée il est bien tard, mangeons, je verrais ça demain
Nous nous préparons un plateau repas fait de tomates, jambon fromage et fruits.

Dès mon café avalé, je vais chercher les cartons que je vide un par un. Je plie le carton en l’écrasant avec les pieds et l’empile dans le couloir.

Manou m’aide en rangeant dans les placards. Nous donnons un coup de torchon dans les verres et les assiettes.

Deux bonnes heures plus tard, tout est rangé. Je vais prendre une douche, fais mon lit et enfile une robe légère.

L’après-midi papa nous propose une petite promenade aux bords de Marne. Nous mangeons une glace tout en nous baladant sur les berges.

20 juillet 2000

Gérard

Je suis trop contente d’être au standard avec Lise et d’après ce que j’ai compris, je suis là jusqu’à la fin du mois. Je me plais aussi à ce poste qui est agréable. Nous voyons du monde, pouvons échanger quelques mots avec les employés sympas. Nous bavardons au téléphone avec les représentants avant de leur passer la communication, ou de les recevoir et de les guider

... Hello Lison.

Elle sursaute ce qui me fait rire.

... Hello Méli ça va ?

... Oui bien.
En attendant le café, nous papotons tout en disant bonjour aux employés qui nous saluent, nous rions avec certains, faisons la bise à d’autres. Ils sont un peu moins nombreux du fait des congés annuels.

Monsieur Duval vient nous serrer la main, interrompant cet échange avec ma cousine. Il me demande comment je vais.
... Bien monsieur je vous remercie.

Mr Duval ... Et mademoiselle Dumont ?

... Tranquille et bien contente !

Monsieur Duval sourit ........ Voyez que je sais accéder à vos demandes mademoiselle Dumont

Il fait demi-tour prêt à se diriger vers l’ascenseur quand un homme d'une trentaine d'années arrive. Grand et athlétique, châtain clair, les yeux gris bleu. Le teint mat, un charisme saisissant se dégage de lui. Il est à couper le souffle. Les deux hommes se serrent la main.

Mr Duval ... Bonjour Président, je te présente Mélissandre Robin.

Le type fait un signe de tête à Elise et plonge son regard gris métal dans le mien, un léger sourire aux lèvres. Je me sens bêtement rougir mon pouls s’accélère

Le type ... Bonjour mademoiselle Robin !

Timidement je murmure un ... Bonjour Monsieur

Les deux hommes prennent l’ascenseur.

Lison ... Han comment tu es devenue rouge Méli-Mélo.
Ce surnom qu'elle m'a donné depuis que nous sommes toutes petites, ne m'a jamais quitté. Tout comme moi je la surnomme Lison-chiffon parce que gamine, elle traînait toujours un chiffon avec elle. Quoique maintenant elle m'affuble du sobriquet d'intello !

  ... C'est qui ? 

 ... Bah le big

  ... Le big ? Le patron ?

... Oui, il est canon hein ?

 ... Heu oui, il est jeune dis donc. 

... Ouais enfin la trentaine quand même. N’empêche que j’ai grave le béguin pour lui. Tu comprends maintenant ?  

.... Hum oui !

... T’as pas intérêt à toucher, il est à moi.

.... Bon bah écoute va lui dire, que tu meurs d’amour pour sa petite personne.

... Petite personne ? Il fait au moins un mètre quatre-vingt si ce n’est pas plus.
Nous pouffons de rire, et buvons notre café.

A midi, nous allons au square, manger un hamburger et prenons une canette de soda

Le travail est calme. Le matin nous avons assez d’appels pour nous occuper, l’après-midi, nous sommes presque trop à deux.  Lison amenant de la lecture ou des mots croisés, je prends quelques fiches de révisions pour meubler le temps.

Ce vendredi après-midi Lise sort fumer une cigarette. C’est le calme plat ! Je me récite mentalement les décrets et mets quelques annotations dans la marge. Penchée et concentrée, je ne vois rien de ce qui se passe dans le hall, quand soudain je sens une présence, je relève la tête et croise un regard métallique. Mon pouls s’emballe.

... Où est votre collègue ? 

... Aux toilettes Monsieur 

.... Que faites-vous ? 

En parlant il fait le tour du comptoir, mes notes de droit sont étalées. Il prend un bristol et le lit. J'ai le cœur qui cogne fort, est-ce un motif de renvoi ? Ça serait la catastrophe. Je sens une angoisse monter, un grand froid m’envahit. Il me tend le carton, sans quitter mon regard. Je le prends les mains tremblantes. Je baisse les yeux sous ce regard perçant.
Le PDG sourit légèrement ... Pas facile le droit Mademoiselle Robin

La bouche sèche au bord de la nausée, je n'arrive pas à répondre, je triture mes feuilles.
... Je vous veux lundi 10 heures dans mon bureau. 

Je fais oui de la tête, sentant les larmes monter, ça y est je suis morte, il va me virer. Il sort du standard et appuie sur l'ascenseur. Les portes se referment quand Elise apparaît, elle voit mon visage décomposé
... Qu'est-ce que tu as ma Méli ? 

Je lui raconte, en laissant couler mes larmes.

Elise me prend dans ses bras, me remercie de l'avoir couverte et me dit qu'elle ira parler à Monsieur Duval, qu'il l'écoutera.

Elle m’envoie aux toilettes, arranger mon maquillage qui a coulé. Je rentre contrariée au plus haut point. Je ne dis rien à Manou qui s'inquiète de ma petite mine. 

... Un peu fatiguée, j'ai mal à la tête, ne t'inquiète pas ce n'est rien. 

Manou pensant à autre chose, me dit en souriant ... La ménopause est pire.
Je souris légèrement et vais dans ma chambre ranger mes fiches. En attendant l'heure du repas Manou regarde son jeu télévisé, je m'allonge sur le lit. Les mains derrière la tête je fixe le plafond.
Cette nuit je ne dors pas beaucoup. Je pense que la guigne me colle à la peau comme ce n’est pas permis. Je cogite sur cette société ou je pensais me plaire, évoluer peut-être aussi. Je revois Monsieur Duval, croyant que c’était le patron.

C'est un gentil Monsieur toujours de bonne humeur. Au début j'ai fait quelques erreurs sur sa ligne, il ne s'est jamais fâché. Il me disait en souriant. ....... Ne me le passez jamais celui-là sinon j'y passe mon réveillon. 

Je m’excusais en riant.

Bah, voilà, c’est fini ! Lundi le grand patron va me signifier mon renvoi. Les larmes aux yeux, je m’endors d’un sommeil agité. Cette obsédante pensée ne me quitte pas.

Je bois mon café pendant que Manou se prépare. La cloche de la petite grille me sort de mon apathie

Lise et ses parents sont accompagnés de mon père, ils brisent d’un coup le silence de la maison

Ce week-end mon oncle et mon père terminent quelques finitions dans la nouvelle salle d’eau. Pour les WC ils ont choisi un papier donnant l’impression d’un mur taloché de couleur bleu à reflets plus ou moins clairs. Toutes les portes donnant sur le couloir sont repeintes. Ils ont même commencé à enlever le papier de l’entrée.

Ce dimanche pendant que les hommes prennent un peu de repos auprès de Manou et tata, Lise et moi sommes allongées dans l’herbe. Je ne parle pas beaucoup, j’ai l’estomac serré.

... Bah dis-donc Méli, tu n’as pas l’air dans ton assiette.
... Si ça va.

... Arrête de t’en faire.

Je sens mon cœur se serrer .... S’il me vire, je suis fichue.

Ma cousine se redresse sur un coude. ......... S’il avait dû te virer, il l’aurait fait sur le champ. Il y a des bruits de couloir, qu’il vire direct sans préavis. Regarde le type de la compta

....... Je ne sais pas Lise.

Ma cousine m’embrasse... Allez cool ma Méli. Au pire j’irai voir Duval et lui expliquerai.

Dans un soupir je lâche un ... « oui »

Ce matin, je prends un soin particulier à ma tenue, non que je pense l’amadouer d’une quelconque façon, simplement pour me sentir mieux et plus sûre de moi. Cet ensemble jupe et veste beige et son caraco chocolat réhausse le ton un peu fade du tailleur, je me maquille avec soin.

A la sortie du métro, ma cousine fume une cigarette en m’attendant. Nous nous faisons la bise, et sans un mot allons au travail. Une boule au ventre, sachant que c’est ma dernière journée dans cette entreprise, me donne des crampes

Les téléphones allumés, le café fait, nous nous asseyons Elise essaie de me détendre, je suis crispée et ne réponds que par monosyllabes au divers bonjour des employés. Je sais que je suis pâle. Je n’ai pas beaucoup dormi

Monsieur Duval vient nous saluer. ........ Comment vont les cousines ? 

Elise ... Bien Monsieur comme un lundi hein !
Elle rit, il sourit. Entre eux, c’est toujours la même rengaine. Ils se taquinent gentiment.

Mr Duval me regarde, ses yeux sont la bonté même ... Ça va mon petit ?

... Oui monsieur.

Gentiment il me demande .... Fatiguée ?

... Non monsieur, ça va.

... Vous avez rendez-vous avec Monsieur Jorelle me semble-t-il !

C’est d’une voix tremblante que je réponds ... Heu oui Monsieur à 10 heures.

Mr Duval tout en souriant ... Bien ! Bien ! Bien ! Allez bon courage.
Puis se retournant vers Lise .... Vous aurez quelqu’un demain mademoiselle Dumont

... Ah ok ! Et Mélissandre alors ? 

... Elle verra avec Monsieur Jorelle d'où son entretien.

Elise insiste ... Mais il va la garder ? 

Le DRH sourit. ....... Oui évidemment pourquoi ?
Ma cousine lâche un soupire. ....... Ah bah comme ça, parce que quand il convoque ça ne sent pas bon.

Le DRH éclate de rire .......... Auriez-vous des choses à vous reprocher mademoiselle Dumont ?

....... Monsieur Duval vous savez que je suis une employée irréprochable

Le brave homme prend l’ascenseur en souriant. Elise est tout sourire aussi. Elle se lève et sert le café en me tendant une tasse.
...... Bah tu vois, ce n'est pas pour te virer qu'il te convoque, il va te donner un nouveau taf certainement

 ....... Tu crois ? 

 ........ Mais oui allez t'en-fais pas, tu verras, tu riras en redescendant.

L’heure de mon rendez-vous approche, l’estomac serré, je prends l'ascenseur jusqu'au troisième étage. Je n’ai pas le courage de monter à pied, mes jambes sont flageolantes. Je m’arrête devant la porte. Sur la plaque de cuivre en toutes lettres on peut lire « Henri Jorelle »

Intérieurement je pense que son prénom ne lui va pas. Je frappe discrètement quand j'entends " entrez"

Il est 10 heures tapantes. Le cœur battant j'ouvre la porte.

Le PDG .... Entrez Mademoiselle Robin, asseyez-vous.

Il triture un téléphone portable, et le repose sur son bureau. Je prends place sur le bord du fauteuil. Sa voix aux intonations viriles m’intimide.
Le PDG ....  Comment ce sont passés vos missions jusqu’à ce jour ?

Tendue je réponds ... Bien monsieur, enfin je pense

Je sens que je rougis, son regard est pénétrant, j’ai l’impression qu’il lit en moi. Je baisse les yeux. De cette voix grave, il reprend.

... Dites m’en un peu plus sur vos études.

D’une voix tremblante je lui explique mon cursus, la réussite de ma licence avec mention, et l’espoir de m’inscrire à la rentrée pour le master.

Il m’interroge sur la manière de suivre mes études, je le renseigne sur les cours du soir. Je glisse semblant de rien que sans travail, je dois dire adieu à la perspective de continuer

Il écoute sans intervenir ne me lâchant pas du regard. Quand enfin il reprend la parole.

........ Êtes-vous bilingue ?

......... Oui monsieur, je parle couramment anglais.

Mr. Jorelle …. How far do you plan to continue your studies? (Jusqu'où pensez-vous continuer vos études ?)

  .... I aspire to the Master in Criminal Law        (J'aspire au master en droit)

  .... After that?    (Et ensuite?)

 ... If I have the opportunity I will go to CAPA  (Si j'ai la possibilité j'irai jusqu'au CAPA)

  …. What would be the hindrances?     (Quels seraient les empêchements ?)

  .... Several, sire                             (Plusieurs monsieur)

  ... For example ?        (Par exemple?)

  …. Money, or the saturation of studies.         (L'argent, ou la saturation des études.)

  … What do you plan to do, your degree in your pocket?          (Que comptez-vous faire, votre diplôme en poche ?)

 … Work in a law firm or if I continue, become a lawyer myself.            (Travailler dans un cabinet d'avocats ou si je poursuis, devenir avocate moi-même.)

  … Why this orientation?      (Pourquoi cette orientation ?)

 … By pure conviction that justice must be rendered more equitably (Par pure conviction que la justice doit être rendue avec davantage d'équité)

J’ai répondu machinalement dans la langue de Shakespeare. Il me regarde intensément, pas un muscle de son visage ne bouge. Je ne sais pas ce qu’il pense.

.......... Vous allez changer de poste, je veux que vous passiez par la facturation !

Je sens un grand soulagement, mon estomac se débloque, je déglutis. Il décroche son téléphone.

.... Monsieur Thibault, j'ai une jeune femme à placer temporairement.

........

Le PDG .... Oui merci !

........

Le PDG raccroche et se lève, je me lève à mon tour, la porte s'ouvre sur un homme environ la quarantaine. Le PDG lui serre la main

........ Prenez cette jeune fille avec vous, et enseignez-lui les rudiments de notre société.
Mr Thibault ......... Bien Monsieur le Président

Timidement je dis au revoir au Président et pars avec cet homme. Il me conduit au deuxième étage dans une pièce claire.

Il me propose de m'asseoir à une table encombrée de dossiers. En vis-à-vis un bureau avec téléphone et ordinateur, tout aussi encombré.

Une grande armoire ouverte, des boites archives rangées pêle-mêle, des piles de papier dans un foutoir visible à l’œil. Un meuble bas encombré de divers chemises cartonnées, d’où s’échappent des feuillets.

Rien n’est rangé, comment peut-il travailler dans un tel désordre ? Comment s’y retrouve-t-il ?

Jusqu’à midi il m'explique la société en détail. Les agences de locations de véhicules, de la plus petite voiture en passant par des camionnettes. Avec son accord je prends quelques notes.

En ouvrant les deux autres armoires il continue de parler .... Voilà ici, ce sont les doubles de location des agences Paris, banlieue et province, en fait tout le parc auto de la société. J’aimerais bien faire du tri mais je n’ai vraiment pas le temps.

Il me demande si je veux l’aider. J’acquiesce tout en me sentant un peu perdue. Je n’y connais rien.

...... Pour l’instant allez déjeuner, nous verrons ça cet après-midi

...... D’accord monsieur.

Je rejoins Lise au standard, et récupère ma veste et mon sac. En mangeant elle me demande pourquoi je ne suis pas redescendue. Je lui explique que je n’ai pas pu, j’ai été directement parachuté dans un service

Je bois le café avec ma cousine, et monte à pied, je frappe et entre.

J’enlève ma veste, pose mon sac et me poste devant les armoires. Je cherche, ce n'est pas rangé par agence, mais par véhicules je reste devant l’armoire sans pouvoir bouger. Sur la tranche des dossiers, des noms comme « break » « familiale » « berline » « S.P » « camionnette » « 10m3 » « 12m3 » « 20m3 » « 30m3 »

Je ne comprends rien.  Gérard m’apprend que le rangement est effectivement par catégorie de véhicules, toutes agences confondues. Ce qui donne un réel désordre beaucoup de confusion et de perte de temps lors d’une recherche

En riant il me dit qu'il voudrait réorganiser pour aller plus vite quand il a besoin de renseignements. Je souris à mon tour. Nous sortons un dossier. Dedans des feuilles de différentes couleurs placées en vrac. Je pose plusieurs questions, il m’explique la vie d’une voiture
.....… Alors voilà, Ce sont les doubles de la vie d’un véhicule. Tout est par couleur. Par exemple les roses sont les réparations, les jaunes les révisions, les bleus les cartes grises, les blancs sont les reventes

..... C’est quoi les reventes ?

..... Quand un véhicule commence à avoir un certain nombre de kilomètres, il est révisé et vendu

Je le regarde en souriant, me demandant s’il ne se moque pas de moi. Quoi ! Ils revendent des véhicules en bout de courses ?

Je réfléchis en regardant la paperasse, et avance une ébauche de projet …... Et si on faisait des sous-chemises par couleur peut-être, déjà ça serait plus simple ?  

..... Je ne pense pas, il nous faudrait chercher dans plusieurs chemises pour un même véhicule comme actuellement

Nous essayons de trouver un moyen pratique et rapide pour s’y retrouver. Je propose de ranger par agence en réunissant tout ce qui concerne le même véhicule, ce qui me parait le plus simple.

……. Le classement va être immense !

..... Je me doute, mais ce sera plus facile en cas de recherche. Vous voulez que j’essaie ?

Il me sourit ...... Allez, qui ne tente rien n’a rien et ce sera toujours mieux.

Gérard pousse un soupir. ......Il n’y a pas très longtemps que je suis à cette place, je ne comprends pas l’organisation de cette boite, rien, absolument rien n’est fonctionnel !

Je ne réponds pas et demande combien il y a d’agences

 ......… En tout ? Paris, banlieue et province, environ 130

......… Je peux avoir une liste ?

…..... Oui bien sûr, je te l’imprime tout de suite.
…...... Où vais-je trouver des classeurs, et des chemises ?

Gérard met l’imprimante en route, et se dirige vers le meuble bas. Tout un tas de fournitures de bureau, des piles de classeurs en carton gris, une multitude de paquets de chemises cartonnées.

Il me tend la liste. Je prends un paquet de chemises cartonnées, j’enlève la pellicule plastique et pose la pile sur le coin de mon bureau.

En fait je ne sais pas trop comment me dépatouiller de tout ce désordre. Je demande à Gérard comment me repérer sur une facture ou un bon pour savoir l’agence. Il s’approche de mon bureau prend un papier

..... Regarde ce numéro de facture, 075 MAG-D 851 AF 75. Les trois premiers chiffres et les lettres sont l’agence, ensuite c’est l’immatriculation du véhicule. Ce qui revient à dire que 075 Paris MAG veut dire Magenta et D c’est la 4e agence de Paris

...... Ah !

.... Trie déjà tout ce qui est Paris sans importance de bon ou facture mais par agence, nous aviserons après, sinon nous allons nous emmêler

.... Oui d’accord. Paris il y a combien d’agences ?

..... Paris et grande couronne dix-sept en tout

...... D’accord

Sur mon bureau je pose un carton, sors tous les bons et les trie avec l’imputation 075, les autres j’en fais un tas que je range sur l’étagère de l’armoire. Je reprends un autre carton et recommence.

Gérard me sort de mon labeur, me faisant remarquer qu’il est l’heure d’aller manger. Je souris, prends mon sac et ma veste. Je descends rejoindre ma cousine

..... Je reviens je vais aux toilettes.

Lise ...... Magne il est déjà midi dix

Je me presse d’aller aux WC, me lave les mains et rejoins Lise

En rentrant je ne prends pas le temps de boire un café, j’explique à Lise que j’ai un travail que je voudrais finir.

En quittant, je suis assez satisfaite, j’ai extrait tout Paris des cinquante-sept boites.

Je serre la main à Gérard et passe aux lavabos avant de descendre.

Ce matin dans les transports, je réfléchi au meilleur moyen de trier rapidement. Je fais la bise à Ghyslaine et monte sans m’attarder.

Mr Thibault est déjà là, il me serre la main, et me demande de l'appeler Gérard, il m’offre un café, nous papotons un peu

Il me fait savoir qu’il est satisfait de mon travail d’hier. Je le remercie

Dans l’armoire je prends un paquet de chemises neuves, j’enlève le blister et les mets sur le côté du bureau débarrassé de tout ce qui l’encombrait.

Je commence le tri par imputation d’agence. Ce premier feuillet 075 GN, je le glisse dans une chemise et note GN en gros sur le dessus. Le second est 075 STL je fais une chemise, le troisième 075 NY allez une nouvelle chemise avec les initiales. Je ne sais pas trop à quoi elles correspondent, je verrais après.

J’essaie pour gagner du temps de mettre les chemises ainsi nommées par lettre alphabétique

Je termine cette pile, range les feuillets qui ne m’intéressent pas dans l’armoire et prend un autre carton

Au bout de deux heures et demie, j’ai dix-sept chemises pleines étalées devant moi. Je reprends chaque chemise et trie par couleur, je remets les tas dans les chemises correspondantes.  

Nouvelle manipulation, j’ouvre la première chemise, sors mes liasses et les mets en pile par couleur. Le premier feuillet m’indique l’imputation 075 MTP et l’immatriculation, dans les piles de couleur je cherche tous les folios se rapportant à cette immatriculation. Je continue avec une autre voiture. Je rassemble les feuillets de couleurs différentes concernant le même véhicule. Je remets les piles dans la chemise, et passe à la suivante.

J’accélère le mouvement, l’œil avisé et mon classement pratique, j’avance rapidement.

Vers quinze heures trente, j’ai terminé. Dans l’armoire je débarrasse une étagère et pose huit chemises classées dessus.
Je prends une partie des documents laissée de côté, et assise à mon bureau je cherche tout ce qui concerne la petite couronne de Paris, les départements 78-92-93-94. Je fais mes chemises pour ranger les feuillets. Je remets le tas qui ne m’intéresse pas dans l’armoire et en prends un autre. En deux heures j’ai réussi à trier plus de la moitié de tout ce fourbi.

Mercredi après-midi, Gérard me demande comment je me suis organisée, je lui explique le plus clairement possible. Tout l’après-midi, il m’assistera en triant avec moi. Le soir je le remercie de m’avoir bien avancée.

Jeudi en début d’après-midi je reprends les dossiers triés, et empilées dans l’armoire et les mets sur mon bureau. J’explique à Gérard, qu’il serait bien que les armoires soient dépoussiérées. Il me sourit et me propose un café pendant que je vais chercher de l’essuie main en papier que j’humidifie légèrement.

Je passe le papier sur la première étagère. Une poussière monstre se colle et fait des bouloches, je ne m’en sors pas.
....... Mélissandre regarde dans le placard des toilettes, tu devrais trouver une éponge, peut-être.

..... Ah oui merci, je vais voir.

Dans le placard, effectivement il y a des petites éponges, je fouille et trouve une espèce de grande lavette-serpillère dans un seau. Je le rempli à demi d’eau et jette la lavette dedans
Ainsi outillée je nettoie à fond l’armoire, en rinçant la serpillère à chaque étagère. Je vais changer l’eau et renouvelle l’opération. Je rince et range le matériel à l’endroit où je l’ai trouvé.

Je laisse l’armoire ouverte et bois tranquillement mon café en bavardant avec Gérard jusqu’à l’heure de partir.

Ce soir je suis un peu fatiguée, manou me demande ce que je fais actuellement. Dans le menu détail je lui explique

..... Oui ma puce avec ton organisation et ta méticulosité, tu feras du bon travail

Je souris à ma grand-mère, nous passons le début de la soirée devant la télévision. Je vais me délasser sous la douche, prépare mes affaires et me couche sans bipper Lison

Ce matin ma cousine m’attend au métro en fumant.
..... Bah alors hier tu ne t’es pas connectée ?

..... Ah non je suis restée avec manou et je me suis couchée, j’étais fatiguée

..... Ah bon, mais tu fais quoi chez Thibault ?

Je souris ...... Du tri dans les dossiers

..... Ah bon, mais dans quels dossiers ?

..... Thibault étant le directeur du service automobiles, ça concerne les automobiles Lison

...... Bah je ne vois pas ce que tu peux faire comme tri.

..... Si tu préfères je classe les factures et les bons

.... Les factures de quoi ?

.... De ce qui concerne les véhicules

Jusqu’au travail elle me pose des questions qui commencent à m’agacer. Je monte directement, prétextant que je bois le café là-haut.

Le bureau est vide, les armoires fermées à clé, je fais le café, quand Gérard apparait. Tout en buvant le café je lui demande comment savoir ce que veulent dire les lettres après le département.

...... Je vais te les noter.

.... Oui je veux bien, merci

Je lui tends le listing qu’il m’a fait au début, sous chaque agence il note le nom entier, c’est ainsi que j’apprends que STNZ veut dire Saint-Nazaire.

Du petit meuble je prends un lot de gros classeurs et avec un gros feutre, en suivant le listing je marque sur la tranche l’agence et sa lettre la classant.

Je mets les douze classeurs debout sur mon bureau, la tranche notée devant moi. Dans l’armoire je cherche les chemises correspondantes.

..... Gérard, est-ce que je mets en pochette plastique dans les classeurs ?

Il lève la tête de son écran d’ordinateur ........ Comment ça ?

.... Chaque voiture est-ce que je les range par pochette ?

Il réfléchit quelques minutes ....... Non, ça ne va pas être pratique, sépare plutôt avec un intercalaire.

.... D’accord.

Je m’attèle à cette nouvelle tâche qui est longue. Le temps de chercher la chemise, de noter l’immatriculation, le soir je n’ai pas fini

La sonnette me réveille, je regarde l’heure, huit heures dix. Je mets la tête sous ma couette. Oh non pas un samedi !

Je me lève maugréant et me trouve nez à nez avec tonton

..... Et alors, je te réveille ?

Je l’embrasse ....... Tonton un samedi tu n’as pas honte ?

Il rit et m’entraine vers la cuisine, manou sert une tasse à tonton et un grand bol de café pour moi. Je prends le temps de manger une tartine de pain beurré

..... Tu vas faire quoi ?

..... L’entrée et le couloir, pour continuer en suivant

..... D’accord, laisse-moi le temps de m’habiller et je viens t’aider

.... Merci ma puce.

.... Tata ne vient pas ?

..... Ta cousine dormait

Je ris ...... Oh bah elle a de la chance !

Je m’habille d’un jeans coupé en short et d’une tunique, j’attache mes cheveux, fais mon lit et rejoins tonton dans l’entrée qui a commencé à décoller ce vieux papier triste.

A midi tata arrive avec Lise, les murs sont à nu.
Tata ....... Déjà ! Vous avez bien travaillé !

Tonton enlace ma tante ...... J’avais une merveilleuse aide.

Je souris en embrassant ma cousine. Tata a préparé et emmené le repas, avec ma cousine nous mettons le couvert sous le tilleul. Je trouve ma cousine peu bavarde<.

En rangeant la cuisine je lui demande ......... Lise ça va ?

..... Oui, oui, mais je suis sortie hier et du coup je suis fatiguée

..... Ah d’accord ! Tu veux te reposer sur mon lit ?

.... Non ça va aller, je vais vous aider

L’après-midi nous passons l’enduit sur les murs, comme dans ma chambre, pendant ce temps tonton lessive les plafonds

A cinq heures, nous allons nous désaltérer dans le jardin.

Tonton ........ Je ferais la peinture demain, inutile de commencer pour m’arrêter, dis maman, le sol on fait quoi ?

Manou ...... Tu veux le changer ?

..... Je verrais bien un lino neuf

Avec Lise nous les laissons parler et nous allongeons dans l’herbe. Lise me demande où je suis la semaine prochaine

..... Toujours avec Gérard je suppose

.... Tu l’appelles Gérard ?

..... Bah oui, il m’a demandé

  ... Tu sais que c'est le directeur de l'étage.

Je pouffe de rire ... Ah bah non je ne savais pas, en tout cas il est cool.

  ... Ouais fais gaffe quand même

... Gaffe à quoi ?

  .... Tu sais un directeur, reste un directeur, et généralement ils te font des sourires et ce sont des gros cons.

Je ne réponds pas à cette réflexion. Gérard ne donne pas l’impression d’avoir plusieurs facettes. Au contraire je le trouve franc. Je ne relève pas, et change de conversation

Lise et ses parents, partent avant de diner. Je passe la soirée avec ma grand-mère, je n’ai pas envie de me connecter.

Dimanche tonton vient tout seul, nous ne voyons pas non plus mon père. Le soir les murs de l’entrée et du couloir sont recouverts d’une peinture au sable taloché d’une magnifique couleur jaune orangé, que les rayons de soleil illuminent
C’est ma deuxième semaine avec Gérard. Je suis ravie, nous nous entendons bien, il a de l’humour et me fait souvent rire. Il est satisfait de mon travail. Les armoires sont propres et bien rangées. On peut trouver dans un même classeur, le bon de location, les factures d’entretien, et de réparations d’un même véhicule. 

Tout est en bon ordre, un classeur par succursale.

Dès qu’il a quelques instants, Gérard me trie les feuilles de couleur, ce qui m’avance considérablement. S’il me demande une agence, je sors le classeur sans hésiter et lui donne, il trouve tout de suite le double qu’il cherche

Gérard est très avenant et toujours d'humeur égale, c'est agréable de travailler avec lui. Je me sens bien. Tous les jours j'apprends quelque chose de nouveau. Patiemment il me montre le travail, m'expliquant la vie d’une voiture, de la commande à l’achat jusqu’à la revente quand elle avoisine les deux cent mille kilomètres, selon le modèle

La société possède un parc de revente qui a été ouvert en début d’année par le patron.

Je me confie un peu, lui parlant de mes études. En veine de confidences je lui demande pourquoi dans tous les services le travail est le même et à quoi ça sert.

Il me regarde ne semblant pas comprendre ma question. ......... Comment ça ?

........ En fait, ça fait deux services que je fais, et le travail est exactement le même, c’est moi qui ne comprends pas comment la société fonctionne. 

Gérard ........ Excuse-moi, je ne comprends pas ce que tu cherches à me dire.

.......... Je suis allée au service automobile Province, je pointais les carte-grise sur un listing et sur l’ordinateur je devais la mettre dans la bonne agence. Au service commercial, j’ai fait exactement la même chose mais à l’inverse, je pointais sur ordinateur et cochais sur un listing.

En riant, je lui fais remarquer qu’en gros deux services et vingt employés pour faire absolument le même travail

Il me regarde en fronçant les sourcils ... Tu es sûre de ce que tu dis ?

Je ris lui rappelant que je suis trop jeune pour perdre la mémoire.

... Oui c’est assez étrange. Je ne suis pas assez ancien dans la boite pour savoir ce qui se passe dans les autres services.

  ... Ah d’accord, c’est pour ça que tu remanie alors.

... Tout à fait ! Quand je suis arrivé, c’était une vraie pagaille, pire que celle que tu as vu

... Mais ce que je ne comprends pas, puisque c’est enregistré sur informatique, pourquoi le faire sur papier ? C’est double travail et doubles dépenses.

.... Vois-tu quand j’ai repris ce service, il m’a été difficile de driver les employés, me serinant toute la sainte journée que du temps de l’ancien directeur on travaillait comme ça, et que je n’allais pas tout chambouler

Je hoche la tête pensive. Gérard d’un air découragé me raconte un peu de la société quand il est arrivé
.......... Je n’ai pas connu l’ancienne direction, c’est Duval qui m’a recruté sur les conseils d’un ami que nous avons en commun. J’ai des études de manager, je n’avais jamais travaillé dans l’automobile. Le salaire est avantageux, mais l’ambiance est difficile. Les salariés pour la plupart étaient sous l’ancienne direction, et d’après les rumeurs chacun faisait ce qu’il voulait. Difficile de les remettre au travail correctement sans passer pour un abruti, comprends-tu !

......... Ça fait combien de temps que tu es là ?

.......... J’ai commencé en février Et toi ?

Je souris ......... En avril, c’est ma cousine au standard qui m’a fait rentrer.

......... La plus jeune ?

Je ris ........ Oui

........  Un drôle de numéro ta cousine

........ C’est sa nature, mais elle n’est pas méchante.

........ Je me doute. Pour en revenir au service, j’essaie petit à petit de remanier, mais pas si facile que ça !

.......... Et tu n’en parles pas avec monsieur Duval ?

 ........ Entre nous monsieur Duval est un homme charmant mais avec peu de poigne.

Je souris à mon chef qui a vu juste.
......... N’est-il pas en droit d’être au courant en tant que DRH ?

......... Si bien sûr. J’attends une autre incartade d’un d’entre eux, et là je ne ferais pas preuve de bienveillance, j’irais le voir.

Nous continuons sur les problèmes qui se posent à être nouveau venu, obligé de faire plier des anciens ayant de mauvaises habitudes. Il voudrait moderniser ce service et le rendre plus dynamique. Il a le feu vert du PDG, malheureusement les employés ne jouent pas le jeu.
En ce milieu de deuxième semaine, je suis satisfaite de mon travail. J’ai abattu une besogne monstre, Gérard est enchanté de la façon dont j’ai mené le rangement. Le silence est rompu par le téléphone. Gérard discute avec son interlocuteur, je ne m’en préoccupe pas jusqu’à ce qu’il raccroche.
Gérard. …..... Mélissandre, tu es demandée chez monsieur Duval.

......… Ah !

  … Oui il vient d’appeler.

Je me lève le cœur battant, et souris à Gérard. Je monte l’étage qui me sépare de la direction. Nous sommes mercredi que se passe-t-il pour qu’il me convoque ?

… Entrez !

… Vous m’avez fait demander Monsieur ?

Mr Duval… Oui mon petit, entrez !

Je referme la porte et m’avance vers le bureau.

....… Comment allez-vous ?

 .....… Bien, merci monsieur.

....... Asseyez-vous. Alors comment c’est passé cette mission.

......... Très bien monsieur. Monsieur Thibault est intéressant, il m’a expliqué beaucoup de choses concernant l’entreprise
Il me dévisage. .......… J’aimerai que vous alliez au standard à partir de lundi.

 … Oui bien sûr

....… Non qu’il y ait beaucoup de travail en ce moment, mais deux employées sont nécessaires.

.....… Oui monsieur

......… Je savais pouvoir compter sur vous, merci mon petit.
Je lui souris soulagée d’apprendre ce qu’il attend de moi.
Je me lève, il se lève à son tour, et me raccompagne à la porte. Il me serre la main en me faisant un grand sourire.

Je retourne au bureau de Gérard et l’averti de ce changement à partir de lundi. Il est un peu contrarié, faisant une moue comique.
.... Ah bah voilà pour une fois que j'avais un bras droit intéressant, on me l'enlève je vais être amputé !

Vendredi en quittant, Gérard me remercie pour l’aide que je lui ai apporté, me confirmant que mon idée de classement lui facilite grandement la vie.
D’un geste amical, il me fait la bise et me souhaite une bonne continuation, disant que je suis une chouette fille

Ce week-end il n’est pas prévu que Lise et ses parents viennent. Ils sont invités chez la sœur de tata.
Avec Manou, samedi nous allons au marché. Dimanche après-midi papa vient nous rendre visite, il nous emmène en balade sur les bords de Marne. Nous mangeons une glace avant de rentrer. Manou veut le garder à diner, gentiment il décline, prétextant un dossier à finir.

1 juillet 2000

Nouveau service

Ce week-end ce ne sont pas mon oncle et ma tante qui viennent, c'est nous qui allons déjeuner chez eux. Ma grand-mère me demande si je me joindrai à eux.

... Bien sûr Manou il n'y a pas de problème. Tonton vient nous chercher ? 

  ... C'est ton papa qui nous emmène, il est invité aussi.

 ..... Ah super, on fête quoi ? 

Manou devient triste en répondant ... Rien ma poupée, hier aurait été l'anniversaire de ta maman

En opinant de la tête, je vide ma bouche avant de répondre ... Oui Manou !

Je me traite de gourde, comment j'ai pu oublier ? Elle aurait eu quarante ans, au lieu de ça, elle a été fauchée à vingt- six ans par cet ivrogne. Six mois de prison, pour m'avoir privé à jamais de ma mère. Comme la vie est injuste. Je crois que mes études de droit viennent de là, punir les fautifs comme il se doit. Ne plus laisser passer ce laxisme qui détruit une famille à jamais, alors que lui à ce jour, il rit mange, dort, vit tout simplement.

Je me rappelle du plus loin que je peux, de cette maman toujours gaie, qui chantait dans la cuisine, ou en faisant le ménage. Elle riait à tout, elle aimait tant la vie. Elle a eu juste le temps de me pousser sur le trottoir, elle était là, étendue par terre, du sang autour d'elle. J'entends les sirènes des pompiers, de l'ambulance et de la police. Je revois cette femme qui essayait de me pendre dans ses bras alors que j'étais retournée près de ma maman, en la secouant de toutes mes petites forces. « Maman, maman réveille-toi » la pressant de me répondre, j'embrassais ses joues ou le sang coulait. Ce déchirement quand un pompier m'a arraché de ma mère, me mettant dans les bras de mon père, accouru à l'appel de la police.

Je venais d'avoir cinq ans.

Ces longs couloirs blancs ou mon père les larmes aux yeux m'emmenait. Ces quelques semaines ou j'ai habité avec Manou lui réclamant ma maman en pleurant et en suçant mon pouce. Puis quelques années plus tard la venue de cette femme qui a arrêté ma vie, brisant le reste de mon insouciance de petite fille.

Je me secoue, Manou me regarde tristement, je lui souris

... Manou va te déshabiller, je vais m'occuper de la cuisine, je n'ai pas besoin de toi pour laver deux assiettes.

Manou me prend dans ses bras, je vois ses yeux larmoyants, nous nous embrassons. Elle va à la salle de bains.

Me tournant vers l'évier je pleure en silence.

Je vais à mon tour à la salle de bains. Sous la douche je laisse couler l'eau sur mon corps et les larmes sur mon visage

J'efface les traces de mon chagrin et accroche un sourire. Je rejoins Manou à la télé

... Tu regardes quoi ?

... Ce que tu veux ma poupée. Il y a un film d'action

... Bah vas-y je vais regarder avec toi.

Nous optons pour ce thriller américain. Je me plonge dans le mélodrame d'un sérial killer qui s'en prend à toutes les jeunes femmes blondes lui rappelant sa mère qui l'a rejeté petit.

Après le film nous débattons avec manou de ces films américains, elle éteint la télévision, je l'embrasse et lui souhaite une bonne nuit.

Je ne regarde que très peu la télévision, nous n'avons pas toujours les mêmes goûts et puis je ne veux pas trop l'envahir, depuis des années que ma grand-mère vit seule, elle a ses petites habitudes, et je les ai suffisamment chamboulées. 

Ce samedi est un peu triste, il pleut par intermittence, un coup soleil, un coup pluie.

 Manou fini de se préparer pendant que je bois un café à la cuisine, la sonnette retentit. Mon père est devant la porte, je m'empresse d'aller lui ouvrir avant qu'il ne soit trempé

.... Bonjour ma fille, vous êtes prêtes ? 

 ... Bonjour papa, oui Manou en a pour deux minutes.

Tata nous a concocté un excellent repas comme chaque fois. Après l'avoir aidé à débarrasser et ranger, nous partons en voiture. Manou va avec tonton, je me retrouve avec mon père que je trouve soucieux.

En chemin je lui demande s'il a des soucis avec l'autre.

 ... Non ma chérie, elle n'est plus à la maison

... Alors qu'est ce qui te tracasse ? Son départ ?

 .... Non rien de particulier

... Tu es malade ? 

Mon père sourit ... Non ma puce, je me porte très bien.

Est-ce le chagrin d'aller sur la tombe de sa femme ? Les souvenirs ressurgissent certainement.

Mon père se gare à côté du véhicule de mon oncle. De leur coffre chacun sort des pots de fleurs, nous allons en famille vers la tombe de ma mère qui repose auprès de son papa.

Ma grand-mère la larme à l'œil, désherbe un peu le carré de terre, enlève la plante fanée, arrange le petit rosier que j'ai toujours connu. Mon oncle et mon père dépotent les plantes et les mettent en terre dans la jardinière

Intérieurement je fais une prière pour cette maman qui m'a quittée bien trop tôt. Mon cœur se serre, je retiens mes larmes. Lison sentant certainement ma tristesse, passe sous bras sous le mien et m'entraîne un peu à l'écart.
 ... Allez ma Méli viens on y va.
Je fais oui de la tête, Manou marche à côté de mon oncle qui lui entoure les épaules de son bras. Je presse le pas pour arriver à leur hauteur. Papa reste silencieux le temps du voyage.

En rentrant je monte avec ma cousine, laissant parents et grand-mère à leurs souvenirs. Lise me demande si je suis au courant du licenciement d'un type au service ou je suis.

... Oui vaguement

Ma cousine s''allonge par terre ... Depuis qu'il est le nouveau patron il vire plein de monde, enfin surtout les anciens. Ah tu vois il est top ce mec, au moins il a des couilles !

Je ris .......... Elise, comment tu parles ?

 ... Bah c'est vrai, écoute. Avant il n'y avait que des branleurs, au moins maintenant tout le monde reste à son poste. Nous au standard, on est obligé, alors pourquoi pas les autres ?

Je ne réponds pas, je n'ai pas envie d'entrer dans un débat ou je sens que Lise va encore médire sur les gens. Je lui demande si elle a une idée pour l'anniversaire de Manou

... Bah dis-donc tu t'y prends de bonne heure

Nous rions en donnant plusieurs suggestions.

Le soir après un léger dîner mon père nous ramène chez Manou. Sur le trottoir, il me serre fort dans ses bras et m'embrasse tendrement.

Il est déjà tard, je me vais coucher après avoir souhaité bonne nuit à ma grand-mère.

Personne au métro, personne au standard. Je monte directement au premier, et cherche le service que je dois intégrer.

J'entre directement et me trouve nez à nez avec une femme assise sur le bureau en train de parler au téléphone. Elle me regarde comme si je descendais de mars.
... Oui ? Vous cherchez quelque chose ?

.... Excusez-moi, je cherche madame Boulaie.

Elle parle dans le téléphone .... Je te rappelle dans cinq minutes.

Elle raccroche le combiné sur son socle, m'observe, pas très aimablement et d'un ton froid me demande si je n'ai pas appris à frapper.

... Excusez-moi, je pensais être dans un grand bureau.

.... Alors c'est la porte à côté !

... D'accord madame, que dois-je faire ?

... D'abord c'est mademoiselle ! Ensuite voyez avec eux !

Je sors vexée de cet accueil, et vais frapper à côté. Ce coup-ci j'attends quand la porte s'ouvre sur un beau brun, la quarantaine.

... Vous cherchez quelque chose, jeune fille ?

  ... Je me suis présentée à mademoiselle Boulaie, je dois venir travailler ici.

Il me tend la main pour me saluer ... Bonjour aide réconfortante, moi c'est Michel.

Je souris, lui trouvant un petit air enjôleur et me présente à mon tour. Il s'efface pour que je rentre et crie à la cantonade.

.... Voici Mélissandre qui vient nous prêter main forte.

Trois femmes et un homme lèvent la tête et me souhaite la bienvenue. Je les salue aussi.
Michel me conduit à un bureau et m'explique ce que je dois faire. Mon travail consiste à remplir un gros bouquin avec des données que chaque agence envoie tous les mois. On ne change pas les bonnes habitudes ! C'est d'une routine presque déconcertante. Sauf que là, ça concerne uniquement la province.

Le soir dans le RER, je suis en pleine confusion. Je ne comprends pas comment fonctionne cette société. Dans les deux services que j'ai faits, l'activité consiste à pointer des listings et à saisir les données sur un tableau informatique.

Bon d'accord, ce service ne concerne que la Province mais quand même

Habituée à travailler dans des banques ou des grandes entreprises, je n'ai jamais vu une telle dispersion. Que de temps de perdu, d'argent gaspillé. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. Mais comment et à qui en parler ? Ils doivent fonctionner comme ça depuis des millénaires, avant que les ordinateurs arrivent dans la société. Et personne n'a rien changé.

Le soir en échangeant avec Lise, je lui fais part de mes pensées, lui demandant comment ça se fait que cette société soit gérée avec une telle désorganisation.

Sur l’écran le petit crayon de Lise s’anime ‘’ Ça a toujours fonctionné comme ça depuis que je suis là, enfin non pas depuis que le beau mâle a repris les commandes.’’

Nous papotons encore un peu, je lui souhaite une bonne nuit et coupe, avant qu'elle ne dénigre tout le monde.

La semaine se passe dans une ambiance plaisante. Une bonne entente règne dans ce bureau. La responsable nous ne la voyons jamais, Michel fait tourner le service, ce doit être le plus ancien

Je suis assez étonnée, le Directeur ne m'a pas fait appeler, j'en déduis que la semaine prochaine je reviens dans ce service. Ce qui me fait penser que je reste deux semaines dans chaque bureau 

Ce week-end est calme, les parents de Lise ne viennent pas. Avec manou, samedi matin, nous nous baladons sur le boulevard, tout en faisant le marché.

N'ayant plus cours je me repose cérébralement, tout en faisant de petites révisions tranquilles. Je ne veux pas pendant ces deux longs mois d'été oublier les cours essentiels.

Je reprends les devoirs ou les notes n'ont pas été des plus satisfaisantes à mes yeux. Alors oui j'ai la moyenne, douze ou treize, mais pour moi ce n'est pas suffisant.

Je lis les annotations du prof et fais quelques fiches mémoire.

Le dimanche après-midi nous nous installons à l'ombre du tilleul pour gouter et échanger sur des sujets divers. Je lui explique le ressenti que j'ai sur le mauvais fonctionnement de cette société.

Je reprends ma place au service Province, et continue mon listing. Le travail est un peu rébarbatif, mais l’ambiance est cool, ça donne envie d’avancer.

Mercredi, en arrivant au standard, je suis surprise, une jeune femme remplace Ghyslaine. Elle me dévisage avec de gros yeux ronds, sans détacher son regard de moi, ce qui commence à me gêner, je finis par détourner le regard
Lise arrive en riant, elle est suivie de monsieur Duval. Ma cousine répond au DRH comme à son habitude avec légèreté et audace.

Je salue le directeur

... Bonjour mon petit comment allez-vous ?

.... Bien monsieur, je vous remercie

Je monte les escaliers avec le DRH. Il me demande comment ça se passe dans le service, ce que je fais. A mots couverts je lui fais savoir que je suis bien, que l’entente est bonne et que tout le monde est à son poste. Avec un grand sourire, il m’apprend que monsieur Petiot est satisfait de mon travail, et que du coup je reste là pour l'instant.

Contente, je le remercie, nous nous serrons la main et nous souhaitons un bon week-end.

Ce vendredi, jour de fête nationale, il est prévu que la famille se réunisse pour faire des travaux sur trois jours.

A peine entrée Lise comme à son habitude hyperactive rit et parle pour ne rien dire. Mon oncle sourit.

Manou demande en riant ... Qu'as-tu avalé à ton petit déjeuner ? Une tranche de lion ?

Lise rit ... Ben ouais Manou, comme d'ab.

Tata porte un grand panier contenant le déjeuner. Tonton est chargé d'un carton de faïence, Lise d'une tine de peinture. Mon père arrive à son tour.

Les hommes envisagent d'attaquer la salle de bains et les WC. Ils finissent de vider la voiture et portent les paquets dans le fond du couloir. Ils viennent boire un café. 

Tonton ........ Nous n'avons pas pu venir avant, nous n'avions pas les matériaux

Manou ...... Oui mon grand, je vous donne du tracas

Mon oncle hausse les épaules et sourit. D'un coup la petite cuisine de Manou est envahie d'un joyeux brouhaha. Ses yeux pétillent de joie.

Le soir, les murs de la salle de bains sont débarrassés du vieux carrelage et enduits intégralement. Le plafond est repeint.
Nous dinons dehors

Nous allons au feu d'artifice. Lise crie Oh la belle bleue, Oh la belle rouge, nous rions comme des gamines
Tonton nous dépose avec Manou, il se fait tard. Lise dort avec moi.

Le samedi les murs sont carrelés avec une nouvelle faïence du sol au plafond. Nous dinons de rôti froid, macédoine et tarte aux abricots confectionnée par ma tante.

Je fais la vaisselle pendant que ma cousine l'essuie. Nous portons le café dehors, nos parents sont en grande conversation. Mon père et mon oncle retrouve leur complicité quasi fraternelle.

Dimanche soir, la salle d'eau est finie. Une douche remplace la petite baignoire sabot. Une vasque est posée sur un placard deux portes, une grande glace repose dessus, et plaquée au mur. Une armoire de rangement occupe l'espace du bidet

Le carrelage du sol est recouvert d'un lino à grands carreaux. La salle d'eau sent bon le neuf elle est bien plus gaie et agréable. Le soleil entre par la fenêtre ouverte.

Les murs des toilettes ont été repeints, l'ancienne cuvette marron, remplacée par une cuvette suspendue blanche.

La fin de ce long week-end nous retrouve tous sous le tilleul pour diner.

Je pars au travail le cœur léger. Je m'arrête au standard et attend Lise pour l'embrasser.

En fin de matinée le directeur me fait appeler. Un peu anxieuse, je gravis les marches, jamais il ne me fait appeler en semaine, et surtout pas un mercredi. Je frappe discrètement et entre.

Mr Duval se lève à mon entrée, et viens me serrer la main.

... Dites-moi mademoiselle Robin, dès cet après-midi, pourriez-vous réintégrer le standard, votre cousine se retrouve seule !

... Oui bien sûr monsieur

.... Allez vite manger, bon appétit

Je souris ... Merci monsieur vous aussi

........ Merci mon petit, bonne fin de semaine.

.... ... Merci Monsieur.

Il me sert la main et me raccompagne à la porte. Je retourne prévenir Michel et les collègues que je les quitte

Je descends et demande à ma cousine si on mange. En riant elle répond

... Bah pire deux fois qu'une.

Nous achetons un sandwich et allons le manger dans le petit square plus haut sur le boulevard.

Je me renseigne à savoir où est son amie. Elle m'apprend qu'elle est en congé jusqu'à la fin du mois

.... Et ils n'ont pas gardé la fille qui était là ?

Lise tout en croquant dans son pain, me fait part de sa mauvaise humeur. ... Tu parles, elle est conne comme un manche à balai. Elle ne comprend rien et fait n'importe quoi

... Tu aurais pu lui laisser prendre ses marques, 

... Toi il ne t'a pas fallu trois jours

... Bien sûr ma Lison, mais j'étais tout de même lente

... Ah bah elle, elle n'est pas lente, carrément il lui faut dix minutes pour répondre avec sa voix qui m'agace en plus

Je souris devant la tête de ma cousine.

... En tout cas, j'ai dit à Duval que je te voulais, parce que l'autre elle ne comprend rien

... Oh ce n'est pas chouette, tu sais elle avait peut-être besoin de son taf

Lise continue en mordant son sandwich.... Ouais, bah je n'ai pas de temps à perdre à répéter dix fois la même chose

... Elle a fini son contrat ?

.... Bah moi ce n'est pas ma faute hein ! Ce matin je lui ai demandé si elle comprenait le français, elle est partie en pleurant. Bah dis donc fallait pas lui dire grand-chose à cette pleurnicheuse

Je change de sujet, je sens ma cousine agacée, et étonnée de son peu de patience

Je suis triste pour cette fille, je trouve Lise injuste et pas vraiment très gentille. Je détourne la conversation sur le week-end

17 juin 2000

Service difficile

Ce soir en ouvrant ma boite mails, j’ai la surprise de trouver un petit courrier de mon père.

« Ma fille, la maison est bien vide depuis ton départ. Je suis content que tu te portes bien, et ravi de tes résultats de partiels. Tu es ma plus belle réussite et je suis fier de toi. Je t’embrasse très fort. Ton papa qui t’aime. »

Je suis émue de lire ces quelques mots. Je lui réponds dans la foulée, lui expliquant que nous pourrions très bien nous voir autrement qu’en la présence de sa compagne, qu’il me manque aussi.

L’indicateur me fait savoir que Lison est connectée, j’envoie le mail à mon père et clique sur la fenêtre de ma cousine.

Nous échangeons sur quelques sujets sans grand intérêt. Je coupe rapidement.

La cloche de la grille est actionnée à toute volée, je regarde par la fenêtre de la cuisine. Lison annonce leur arrivée à grand bruit. Je ne peux m’empêcher de rire en rejoignant manou dans l’entrée qui ouvre la porte sur nos visiteurs.

… Alors ma puce, as-tu cru que nous n’étions pas réveillées avec ta cousine.
Lise enlace ma grand-mère en riant … Mais non Manou, juste que j’aime ce bruit, il me rappelle mon enfance.

Nous buvons un café. Tonton frappe dans ses mains

.... Allez hop les filles sur le pont !

En entrant dans ma future chambre, je trouve la pièce agréable. Le parquet a retrouvé une jolie couleur chêne clair.

Mon oncle nous demande de peindre. Nous étalons une grande bâche par terre. Il nous donne de gros pinceaux ronds et nous explique comment faire le haut, le bas des murs et les angles, pendant qu’il va repeindre le plafond. Lise prend le petit trois-marches de Manou, je grimpe sur un tabouret de cuisine.

Je descends de mon tabouret pour reprendre un peu de peinture quand Lise se penche sur moi et d'un coup de pinceau me barbouille le nez. Je me venge en lui striant la joue. Nous rions comme des gamines. 

Tonton rouspète ... Ah non les filles, ce n’est pas possible 

Lise ... Mais papa, détends-toi  

En s'approchant de son père le pinceau en l'air elle lui demande s’il en veut un petit coup.
Tonton .... Je te mets une fessée, tu paries ?  

Nous rions. Le père met sa fille sous son bras, je viens au secours de ma cousine. En entendant des cris Manou et Tata viennent voir ce qui se passe. Manou rit en s’essuyant les yeux, tata fait la mère horrifiée. Il relâche sa fille

 .... Allez les gamines, on s'y remet. 

Manou nous rappelle qu'il est bientôt treize heures. Nous prenons un repos d’une heure pour manger.

Nous travaillons jusqu’en fin d’après-midi.  La pièce entièrement peinte d'une première couche renvoie déjà de la luminosité

Couchées dans l’herbe nous nous détendons en bavardant et riant. Lise singe certains employés en débinant leurs fringues, leur coupe de cheveux. Sa mère met fin à ces commérages en nous appelant pour manger. 
Tonton nous informe que demain nous ferons la deuxième couche de peinture et vitrifierons le parquet.  

Manou ... Merci mon grand, il est vrai que cette maison a vraiment besoin d'un bon coup de jeune, mais je ne peux pas toujours te solliciter mon fils.
Tonton ... Ecoute nous allons venir t’envahir, maintenant que tu es enfin décidée pour des travaux.

Il se tourne vers ma tante ........ Qu'en penses-tu ma femme ?  

Ma tante ... Oui bien sûr, depuis le temps qu'on en parle.

Manou ... Vous êtes si gentille Patricia.

Ma tante ... Manou, ne préparez rien pour manger demain, j'amènerai un rôti que j'avais prévu de faire. 

Sur le perron, nous leur disons au revoir de la main. Je rejoins Manou à la cuisine, pour l’aider à finir de ranger.

Neuf heures, le carillon de la porte d’entrée se fait entendre. Croyant voir la petite famille débarquer, je m'empresse d'ouvrir. Je me trouve nez à nez avec mon père. Sans raison, je me sens gênée. Je m'efface pour le laisser rentrer. Il referme doucement la porte et m'embrasse. 

J’appelle ma grand-mère ... Manou c'est papa.

A l'autre bout de la maison, manou me crie ....... Fais-le entrer, j'arrive 

Papa ... J'ai eu ton message Méli, voilà tes livres de cours.

Il me tend un grand sac plastique. Manou embrasse mon père. 

La porte d’entrée s’ouvre, sur Lise et ses parents. Ils tombent nez à nez sur mon père.
Mon oncle ... Tiens quelle surprise ! Comment vas-tu depuis tout ce temps ?

Mon père ... Ça peut aller, et toi ? 

Mon père demande ce qu'ils font de beau. Mon oncle explique qu'on rénove un peu pour redonner une vie à ce pavillon. Mon père propose son aide si ma grand-mère accepte.
Manou ... Je ne voudrais pas de problème avec madame !

Mon père ... N'ayez crainte Odette, je fais encore ce que je veux. 

Manou ... Hum ! j'en doute. 

Les derniers mots font tomber un malaise palpable dans la pièce. Mon oncle reprend le dialogue.

......... Nous avons commencé les travaux dans mon ancienne chambre. Mélissandre s’y installera, mais avec les filles, pas moyen de travailler sérieusement. Il est vrai qu’un coup de main ne serait pas de refus

Il sourit en prononçant ces quelques mots. 

Lison .......Oh là ! Là tout de suite papa, tu fais ton rabat-joie
Mon père .... Tu veux de mon aide ?  

Mon oncle ... Si tu es libre pourquoi pas !

Mon oncle entraîne mon père dans la chambre pour lui montrer ce qui a déjà été fait.

Rendez-vous prit entre les deux hommes pour 13 heures. Je raccompagne mon père à la porte, avant de descendre les quelques marches il me demande

... Aimerais-tu de nouveaux meubles ma chérie ? Je peux t'offrir une chambre. 

En haussant les épaules l'air dubitatif ... Je ne sais pas papa, elle va encore te faire une crise tu sais bien. 

........ Ma chérie ne t'occupe pas de ça, ce sera ton cadeau d’anniversaire

Je l'embrasse très fort en lui disant merci. 

Dans la cuisine tata lave les tasses, manou épluche une salade. 

Je fais part à ma grand-mère de la proposition de mon père ........ Manou ça t'ennuie si je change les meubles de tonton ? 
.... Non ma poupée, je me rends bien compte qu'ils ont plus de 30 ans et qu'ils ne sont plus à la mode, comme vous dites les jeunes. 

Je souris, et cours dans la chambre rejoindre les travailleurs, père et fille pour demander à mon oncle si on peut mettre les meubles à la cave.

  .... Je les ai laissés là pour gagner du temps ma grande. 

  ...... Papa voudrait m'en acheter d'autres. 

  ....... Bah parfait alors !

Sitôt dit, sitôt fait, tonton démonte la grosse armoire, Aidée de Lise je descends les étagères, et les planches.

L'escalier étroit et en rond ne nous facilite pas la tâche.  La matinée passe entre rires et bricolage.

Nous finissons à peine de manger, mon père en jeans et polo arrive. Manou lui offre un café. Je trouve que mon père reprend un peu vie. Ses traits sont moins tirés, ses yeux sont pétillants et il est beaucoup plus souriant.
Avec Lise nous débarrassons.

Tonton .... Samedi pendant que tu iras avec ton père, je vérifierai si tout est parfait et ferai les retouches nécessaires !

Mon père ... Ça marche, je viendrai de bonne heure le matin que Mélissandre ait le temps de choisir. J'aimerais que nous allions tous manger dehors le soir 

Gentiment, je fais remarquer à mon père ............ Sans moi papa, je ne veux pas la voir ! 

........ Non Méli, je serais seul, elle est repartie chez ses parents. 

Je fais oui de la tête, si elle est partie c'est qu'il y a de l'eau dans le gaz. Chaque fois qu'elle n'obtient pas ce qu'elle veut de mon père, elle court se réfugier chez ses parents. Petite, ça me rendait heureuse, je ne voyais pas mon père souffrir. 

Les deux hommes vont s’enfermer dans la chambre, je vais avec Lise dans le jardin, nous nous allongeons dans l’herbe, j’écoute son babillage et finis par m’assoupir

Un brin d'herbe vient me chatouiller, j'ouvre les yeux, Lison de son air espiègle pouffe au-dessus de mon visage 

....... Allez l'intello debout il va être six heures. 

.... ... Déjà oups, j'ai bien dormi. 

.....… C’est que tu en avais besoin. Viens voir, ta chambre est presque finie.   

Nous regardons par la porte fenêtre ouverte, nous arrêtant sur le seuil comme nous le conseille tonton.
La pièce est lumineuse, d'un blanc éclatant avec le soleil ça donne un rendu presque beige-rosé. Le parquet est d'un joli chêne clair. Je suis bouche-bée. Je remercie chaleureusement mon oncle en l'embrassant et mon père aussi. 

Ma tante arrive avec deux bières qu'elle tend aux hommes, ils la remercient et vont se mettre dans le jardin. Nous allons à la cuisine boire un grand verre de limonade fraîche. Les hommes resteront plus d'une heure dehors à parler. Elise et ses parents partent avant manger, comme dit tonton, il y a école demain. Mon père tarde un peu mais décline l’invitation de Manou à partager notre repas.

Je reste un peu à la télé avec manou, avant de prendre ma douche et de me coucher

Pas de Lise au métro. Elle est là, fidèle à son poste, attendant que le café soit coulé.
... Salut Méli.
... Bonjour Lison tu es de bonne heure dis-donc.

... Non je viens d'arriver, tu veux un café ?

... Je veux bien oui.
Tout en me servant, elle me demande où je vais

... Service commercial

... Ah ! Bon courage ma Méli.

Je ne relève pas, bois mon café et monte au premier. A la troisième porte sur ma droite je vois la plaque qui m'intéresse.

J'actionne la poignée, la porte est fermée. J'attends espérant voir du monde venir. Au bout de quelques minutes, alors que je m'apprête à redescendre un homme s'avance.
.... Mademoiselle Robin ?

... Oui monsieur Bonjour.

.... Venez !

Il m’emmène à la porte d’à côté, il sort une clé de sa poche ouvre la porte et s'efface pour que je rentre, le bureau est vide.

  Deux types arrivent en discutant

... Bonjour les gars, mademoiselle Robin vient nous prêter main forte, vous pouvez l’aider ?

Un homme cheveux gras et mal rasé répond ... Pas de souci chef !

Monsieur Martel repart, je reste debout à attendre.
Celui qui a parlé au chef me regarde d'un air narquois et dit à son collègue ... Bah vieux maintenant on envoie des gonzesses et pas n’importe quoi, vise un peu.

Le moustachu... Ouais pas mal, qu’est ce tu veux les temps changent.

Je me sens mal à l'aise, et les fusille du regard.

Le cheveu gras ... Bon bah restez pas planté là, venez, vous assoir.

Sans répondre je m’assois à un bureau et attends. Pas un des deux ne m’expliquera le travail
Enfin un employé arrive il est dix heures vingt.

 ... Salut les gars

... Salut Claude, mademoiselle vient t'assister.

..... Lionnel n’est pas là ?

Le crasseux hausse les épaules ........ Aucune idée

Le nouveau me dévisage ... Bonjour mademoiselle.

Il pose sa sacoche, fait le tour des bureaux et serre la main aux gars, il s’assoit ouvre un journal et se plonge dedans.
La matinée me semble interminable.

En mangeant Lise me demande comment ça se passe dans ce service, je souris et lui dis que je ne suis pas trop fatiguée, j’ai attendu toute la matinée qu’on m’explique le boulot

Lise ....... Bah ça ne m’étonne pas.

En rentrant je bois un café avec ma cousine et sa collègue.

Dans le bureau un type que je n’ai pas vu ce matin me demande ce que je cherche

..... Je suis envoyée par la direction, je suis sensée venir aider.

.... D’accord, bah je vais vous montrer

Il allume l’ordinateur devant moi et m’explique rapidement le travail. Pointer les cartes grises par département selon le parc automobile, ensuite rentrer les données sur l’ordinateur

Le crasseux son acolyte et un autre type arrivent en riant bruyamment.

Je regarde le listing et suis étonnée quand je vois qu’il est daté de quatre ans en arrière. Je lève la tête et regarde l'homme qui doit se sentir observé.
... Vous avez un problème ?

... Non pas spécialement, mais c'est bien cette année que je dois faire ?

... Oui ! Oui ! Nous devons faire un bilan sur cinq ans, je m'occupe de l'année antérieure à la vôtre.

... D'accord merci.

Le crasseux plein de hargne me jette un regard noir et lance à la cantonade pensant faire rire ses collègues

.... Depuis quand les intérimaires posent des questions ?

Lionel ... Ecoute sois gentil Jacques, fous nous la paix, et fais ton taf ou ne fais rien, ça ne te changera pas, mais oublie-nous !

  ... Oh la- la, tu as des vues ?

  ... Oui j'ai en vue de te mettre mon poing dans la gueule.

Le crasseux part d'un grand éclat de rire. Je ne me sens pas à l'aise dans cette ambiance. Je ne sais pas ce qu'ont ces types mais ils sont franchement désagréables et vulgaires

..... Ce n’est pas du pain pour toi

Lionnel ne répond pas, je me plonge dans le listing.

Le travail n'est pas compliqué en soi. Si je ne m'occupe pas de cet énergumène qui fait peser une petite dictature sur l'ensemble du bureau, ça peut aller.

L'après-midi, un grand type sec vient se joindre à l'équipe. Comme les autres, il ne touchera pas à un seul dossier, nous ne sommes que lui et Lionnel dans le bureau. D’ailleurs ce nouveau je ne le verrai que très peu.

Tout au long de la semaine, je verrais cinq types faire acte de présence, mais jamais ensemble. Quand nous sommes trois dans le bureau une demie journée, c’est le maximum.

Ce service est encore plus triste que le service automobile. La semaine est longue. J’ai hâte d’être samedi.

Vendredi après-midi monsieur Duval me fait appeler, je monte moins anxieuse. Je sais, enfin je présume que c’est pour me donner les directives de la semaine prochaine.

... Asseyez-vous mon petit. Comment allez-vous ?

... Bien monsieur je vous remercie.
.... Parfait, alors racontez moi un peu ce que vous avez fait cette semaine.

Je lui explique en quelques mots. Il me regarde souriant et m’écoute attentif. Il griffonne quelques mots sur un bloc-notes.

.... Bien et les autres pendant ce temps ?

 ... Lionnel s’occupait de l’année antérieur.

 ... Lionnel ?

Je souris. . ....... Désolée, monsieur je ne connais que les prénoms.

... Bien ! Bien ! Bien ! Mais ne sont-ils pas six dans ce service ?

Je hausse imperceptiblement les épaules. ........ Difficile à dire pour le matin, et le monsieur qui vient l’après-midi

........ Qui vient l’après-midi ?

Malgré moi je souris ........ Je ne connais pas son nom, il est grand et maigre.

....... Bien mon petit, la semaine prochaine vous continuez dans ce service, ça ne vous ennuie pas ?

....... Non monsieur.

........ Parfait mon petit. Je vous souhaite un bon week-end.

Nous nous serrons la main, je redescends prendre mes affaires, il est l’heure de partir.

Je ne suis pas à proprement parlé, enchantée de continuer dans ce service où règne vraiment une sale ambiance, à part Lionnel qui sans être sympathique, n’est pas désagréable. Il ne s’occupe pas de ses collègues et même s’il n’est pas constant dans les horaires, il fait son travail. Les autres quand ils nous honorent de leur présence c’est pour les entendre déblatérer sur la direction, parler vulgairement des filles ou dénigrer tout ce qu’ils peuvent, à part ça, ils ne font pas grand-chose.

Prête, j’attends mon père, Manou est à la salle de bains. Je me sers un café quand papa arrive. Je lui en offre un. Il demande à Manou si elle veut venir.
 ... Non merci Bernard, Pierre ne devrait pas tarder, je vais l'attendre.
... Vous n'avez besoin de rien ? 

 ... Non ça va, merci. Allez partez vite et revenez pour midi, vous déjeunerez avec nous !
Mon père accepte, et m'entraine, nous partons à la galerie marchande.

Je suis heureuse d’aller avec lui trainer les magasins. Pas de lui faire dépenser de l'argent, non ! Mais d'être avec lui pour échanger nos goûts, écouter son avis. Ça fait tellement longtemps.

Il nous emmène à la ‘’Maison du rêve’’. Ce grand magasin de meubles chic et de bonne qualité, mais assez couteux.

...... C’est cher ici papa

..... C’est de la bonne qualité ma puce !

Nous faisons le tour du magasin, je m'arrête sur un ensemble, lit, bureau armoire et table de chevet en pin vernis. L'armoire à trois portes, celle du milieu à une grande glace. Le bureau comporte 3 tiroirs et une tablette pour clavier d’ordinateur

... Ça te plait Méli.

........ Elle est jolie. Non ?

Mon père sourit ........ Oui elle est jolie !  

...... Je peux prendre une couverture ou une couette ? 

... Oui, prends ce qu'il te faut, je te laisse carte blanche.

 ..... D’accord, merci papa.

Je prends deux oreillers, une couette épaisse et sa housse d’un côté rose clair, l’autre face est fuchsia. Deux draps housse assortis je me dis que pour l'instant je me débrouillerai avec ça. Manou a des draps. Bon d'accord ils sont en gros coton blanc, mais utiles tout de même. Mon père me fait prendre un matelas neuf.

Les paquets ne rentrent pas dans la berline, nous louons pour 1 heure une camionnette. Le gars du dépôt nous aide à charger.

A notre retour mon oncle accroche les voilages que Manou à laver. Il vient à notre rencontre nous prêter main forte. Les deux hommes entassent les paquets dans le couloir et un peu dans le salon. Papa va rendre la camionnette et récupérer sa voiture.

J'embrasse mon oncle et lui demande où est Lison.

... Elle dort tu parles ! Ta tante viendra à midi.

Je demande à Manou si elle a du café de fait.

 .... Ma poupée, nous n'allons pas tarder à manger. 

... Oui Manou mais j'ai envie d'un café, ça t'ennuie 

... Pas du tout ma poupée, sers-toi.
... Merci Manou.

Je bois mon café debout devant le meuble de la cuisine.

Mon père revient à pied, il a été garé sa voiture directement chez lui. Devant chez manou il y a déjà celle de tonton et ma tante ne devrait pas tarder. Mon oncle sourit et entraîne mon père dans la chambre.

Tata arrive avec Lison, elles nous rejoignent dans la cuisine. Je tends la pile d'assiettes à ma cousine, tout en l'embrassant, j'embrasse ma tante qui prend possession de la cuisine.

Le repas est animé, je suis contente d'avoir mon père, je le retrouve, gai et souriant. Le beau temps nous invite à manger dehors à l'ombre sous le gros tilleul.

Tout de suite après manger, mon oncle et mon père déballent les meubles, avec Lison nous emmenons les cartons dans le jardin, en faisant les folles dedans. Tonton fait remarquer en riant, qu’ensemble nous sommes terribles.

L’après-midi ils montent les meubles, me demande dans quel sens je veux mon lit. Je leur dis de le mettre face à la porte, l’armoire sur le côté et le bureau en face.
Avec Lise nous faisons le lit. Ma chambre est jolie, elle sent le neuf, les meubles de la même couleur que le parquet, sont du plus bel effet.

La pièce est spacieuse et claire, de la porte fenêtre donnant sur le jardin je me vois prendre mon bouquin et aller m'installer au pied du tilleul pour étudier au calme dans un environnement serein.

Ce dimanche il est prévu que tout le monde se repose, j’organise ma nouvelle chambre. Mes affaires sont rangées dans l'armoire, mes vêtements pendus. Mes livres ont trouvé place sur une étagère à trois rayonnages, qui traînait à la cave. Mon père l’a poncée et vernie. Mon bureau est prêt. Le cadre de ma mère trône sur ma table de nuit. Mon petit nid a fière allure.

Ce soir je vais étrenner mon nouveau lit, j'ai l'impression d'avoir un petit chez moi. 

Ce matin je ne me lève pas vraiment de bonne humeur, chose qui m’arrive très rarement, mais de savoir la semaine qui m’attend, j’ai une boule au ventre.

Sans précipitation je vais au travail. Au standard Ghyslaine arrive, nous nous faisons la bise, je ne m’attarde pas, il est déjà huit heures quarante. J’ai loupé mon RER à force de trainer.

J’ouvre la porte et sans m’occuper de personne, je reprends ma place de la semaine dernière. Claude me demande si je sais ce que je dois faire, j’ai une terrible envie de l’envoyer sur les roses. Je le fusille du regard, allume l’ordi et me plonge dans le travail. Lionnel n’est même pas là

Un peu après dix heures, Lionnel arrive. Il serre la main des trois types et s’assoit en face de moi. Il allume son ordinateur, il me sourit de ses dents jaunis. Je ne réponds pas à son sourire.

..... Quand vous avez finis une agence, il faut faire le bilan.

Je demande ....... Le bilan ?

..... Oui vous faites la différence entre les bénéfices et les pertes que l’agence sort. Vous avez compris ?

... Je pense oui, merci

... Bien bah je vous laisse travailler alors.

A peine ses dernières paroles prononcées, il prend sa veste et sort. Je ne le reverrai pas

Je raconte à Lise qui me pose des questions sur le climat de ce service. Sur son insistance je lui explique qu’un certain type est un grossier personnage.

.... Tu parles de Jacques Decran

..... Je ne sais pas comment il s’appelle mais vraiment c’est un porc, il dégueule sur tout le monde. La direction en prend plein la tronche

Le soir je raconte à Manou, sans détailler l'ambiance. Elle est contente que je fasse plusieurs postes disant que ça m'ouvre à d'autres horizons.

Jeudi matin, les employés arrivent les uns derrière les autres, je suis seule à me dépatouiller avec ce listing, n’osant rien demander, j’espère ne pas faire d’erreur. Lionel n’est pas là.
Il arrive tranquillement à dix heures. ........ Salut !

Les autres répondent salut, puis continue de chuchoter
Lionnel demande où est Gilbert ?

Le crasseux ........ Il s’est fait virer !

....... Ah bon mais comment ça ?

....... On n’en sait rien, il a été appelé à la direction, il est redescendu à peine dix minutes après en nous disant « méfiez-vous les gars, il y a des putes ! »

... On lui a demandé pourquoi, il a répondu je suis viré !

....... Oh bah merde, mais qu’est-ce qui s’est passé ?

Le moustachu hausse les épaules. ....... Toute façon avec ce jeune con les anciens sont sur la sellette, on le sait !

Lionnel. ....... Ne prends pas les choses comme ça, il se rend bien compte que le travail n’avance pas, il n’est pas abruti. Gilbert ça fait plus de dix jours qu’on ne le voit qu’épisodiquement.

Le moustachu devient tout rouge ......... Pauvre con, ça t’amuse de faire n’importe quoi ?

........ Et alors, je m’en tape de pointer les listings de cinq ans, j’ai ma paie qui tombe, alors ça ou autre chose, je m’en cogne !

..... Bah amuse-toi, mais je ne lèverai certainement pas le petit doigt pour ce connard qui arrive on ne sait d’où

Un type que je n’ai pas beaucoup vu .........Bon en tout cas, le boss est dans les murs, alors faites gaffe les mecs

Le moustachu ... Tu parles d’un boss, un jeune con pédant qui se prend pour Dieu !

Je me replonge dans mon listing sans écouter la suite, n'entendant que le rire gras de cet homme je ne lève pas la tête.

Vendredi en début d'après-midi je suis appelée chez le directeur. J’espère qu’il va me changer de service, deux semaines, c’est grandement. Ce bureau n’est vraiment pas engageant. Je croise les doigts en montant l’étage.

Comme à son habitude, il me reçoit jovialement

... Asseyez-vous mon petit. Comment allez-vous ?

... Bien monsieur je vous remercie.
.... Parfait, alors racontez moi un peu ce que vous avez fait cette semaine.

Je lui explique en quelques mots. Il me regarde souriant et m’écoute attentif. Il griffonne quelques mots sur un bloc-notes.

..... Vous ne faites pas en équipe ?

Je le regarde sans comprendre sa question ............ En équipe ? Comment monsieur ?

...... Vous faites le pointage plus le bilan ?

..... Heu oui monsieur

.... Bien et les autres pendant ce temps ?

... Lionnel a continué l’année d’avant

Il me pose encore quelques questions et m’envoie pour la semaine prochaine au service « Secteur Province »

Il me donne une franche poignée de main me souhaitant bon week-end.  

En sortant de son bureau je suis trop contente. Je ne sais pas si j’aurais supporté une semaine de plus dans cette ambiance malsaine

Publicité
Publicité
<< < 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 > >>
Publicité